C'est fou comme on prend vite le pli de l'absurde. Je suis toujours certain d'être moi, mais je suis de moins en moins sûr des autres.
Je suis quelqu'un qui a toujours construit sa vie sur une seule note : la rage, issue des humiliations d'enfance. Le sentiment d'injustice et de rejet s'est transformé au fil des années en fierté d'être différent , d'échapper à l'espèce humaine et de ne compter que sur moi.
J'étais si bien dans le coma. Ce qui m'en reste, c'est une sensation de paix, de bonheur moelleux, de grasse matinée d'enfance...
Je n'ai plus de limites, je n'ai plus de repères, je n'ai plus de sanctions. Puisqu'on ne me reconnaît plus. Puisqu'on ne veut plus me connaître.
Liz aurait voulu un enfant. Moi je ne sais pas, je ne sais plus. J’ai trop souffert du naufrage de mon père pour avoir envie d’être appelé papa. J’aurais bien aimé apprendre les arbres à un petit garçon, c’est tout. Mais je n’aurais pas supporté qu’il s’en foute, m’écoute avec une distraction chewing-gum et retourne à ses jeux vidéo
C'est bon cette vie autour de moi, cette vie concrète, épaisse, fermée ; ce mélange de petits drames insignifiants et d'usure quotidienne, sans horizons ni fausses promesses.
-Là, cher monsieur, nous quittons le domaine du rationnel. Tout ce que je peux vous répondre, c'est qu'il y a des exemples, et j'en ai moi-même rencontré, mais cela ne devrait pas se dire au sein d'un établissement comme celui-ci. Je vous en parle donc à titre privé, en vous laissant seul juge de phénomènes que la médecine officielle continue de trouver parfaitement irrecevables.
Ramasser les feuilles mortes est une excellente thérapie
- Vous croyez à la réincarnation, Docteur ?
- C'est à dire ? Le concept de vies antérieures ? L'idée que tous les bébés qui viennent au monde sont des cadavres recyclés ? La théorie selon laquelle, si on s'est mal conduit, on le paye la fois suivante en naissant malchanceux, malade et pauvre ? Non. C'est de l'autosuggestion qui ne résout rien.
Je ne suis pas sûr de croire vraiment à la rédemption, mais dans le doute je m'y emploie. En tout cas je refuse la fatalité, le ressassement, le remords : ce qui m'importe n'est pas le mal que j'ai fait, c'est le bien que je peux faire.