L'ATTENTE
Du monde invisible et d'aurore
Où me guidaient mes anges pieux,
Qui viendra me rouvrir les yeux ?
Voici le jour. Je rêve encore.
Le doux enchantement des airs
Qui passent sur les roseraies,
Dans mes prunelles azurées
Vient comme une aube au fond des mers.
Heures et choses incertaines ;
Au loin, dans des bosquets de fleurs,
Me chantent mes divines sœurs,
Et j'écoute leurs voix lointaines.
Je tremble et de joie et d'effroi.
Nue, en ma chevelure blonde,
J'attends que le soleil m'inonde,
Et qu'une ombre tombe de moi.
p.9-10
BARQUE D'OR
DANS une barque d'Orient
S'en revenaient trois jeunes filles ;
Trois jeunes filles d'Orient
S'en revenaient en barque d'or.
Une qui était noire,
Et qui tenait le gouvernail,
Sur ses lèvres, aux roses essences,
Nous rapportait d'étranges histoires,
Dans le silence.
Une qui était brune
Et qui tenait la voile en main,
Et dont les pieds étaient ailés,
Nous rapportait des gestes d'ange,
En son immobilité.
Mais une qui était blonde,
Qui dormait à l'avant,
Dont les cheveux tombaient dans l'onde
Comme du soleil levant,
Nous rapportait, sous ses paupières,
La lumière.
p.43-44
Ma sœur la pluie, Charles Van Lerberghe (extrait)
dit par Nathalie Nerval