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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
L'exploration des malédictions et bénédictions d'une enfance façonnée par des parents défaillants est une thématique littéraire archi ruminée, et pourtant ce premier roman vibrant parvient à faire entendre sa voix singulière.

Le choix du premier chapitre est surprenant. Sur une île fictive au large de la côté Sud californienne, une baleine est échouée, coincée dans une baie en demi-lune sans parvenir à dériver au-delà du récif. L'odeur est inéluctable, un défi alors qu'Evie, chercheuse à l'Institut de la mer, prépare son mariage, que le futur marié a disparu en mer dans une tempête et que sa mère apparaît après trois ans d'absence comme mue par un sixième sens de sorcière. Cette baleine devient une obsession, une fixation quasi totemique pour éviter de penser aux aspects les plus difficiles de sa vie.

S'en suis un puzzle impressionniste qui navigue au gré des flux et reflux de la mémoire, explorant l'enfance tout en ponctué de visions du futur. Ce rejet d'un scénario linéaire pourrait n'être qu'un gadget stylistique. Cela ne l'est jamais car cette construction elliptique, tournoyant entre passé, présent et futur, souligne magnifiquement à quel point la vie n'est jamais une ligne droite. Comme si nous n'étions qu'un patchwork de morceaux d'un passé qui laisse une empreinte résonnante sur ce que nous sommes aujourd'hui.

Malgré quelques longueurs et redondances sur la solitude et le doute de soi, Crissy van Meter a un vrai talent pour flouter la nostalgie et dire à travers le personnage d'Evie comment la condition humaine nous fait naviguer entre douleur, chagrin et joie. Elle saisit l'urgence émotionnelle d'un passé très présent. Evie, son père junkie cultivateur de marijuana, un charme exceptionnel, lui qui l'a élevé dans une vie instable au jour le jour ; sa mère si étouffante qui l'a abandonnée . Evie et ses déficits émotionnels qu'elle expose lucidement, sans apitoiement ni mièvrerie.

Tout interroge sur ce que cela signifie d'accepter les liens avec des parents qui finissent toujours par vous décevoir, de faire la paix avec eux et avec son propre désir de les aimer malgré tout. le roman est porté par la plume très poétique qui joue à fond la carte de la métaphore organique, notamment dans de surprenants passages interstitiels qui basculent le récit de la première au la deuxième personne. Dans ses courts chapitres portant le nom d'une créature marine sous forme de questions-réponses ( comme « quelle baleine possède le coeur le plus grand du règne animal ? » ), le lecteur plonge dans la psyché profonde d'Evie. Ces passages sont d'une beauté stupéfiante et bouleversent.

« Ton père t'expliquera que tes côtes sont les mêmes que celles d'une baleine. Une cage osseuse circulaire, blanche et fragile, à laquelle sont suspendus tous les mouvements de ton corps. C'est à elle que tient ton coeur, dira t-il, et il posera la main sur le haut de son torse en comptant les battements avec un amusant bruit de percussion fredonné entre ses lèvres. Ecoute-le, même s'il s'arrête de battre.
La première fois qu'il t'explique tout cela, tu es trop jeune ; tu te roules dans le sable, tu crois encore dur comme fer que ton corps est fait d'eau de mer, et que de minuscules créatures habitent à l'intérieur de ta cage thoracique. Comment pourrais-tu savoir qu'il est en train de t'expliquer où se trouve l'amour ? (…)
Ton père te manquera cruellement, comme tout ce qu'il laisse derrière lui, et même une partie de ce qui te reviendra. Tu t'allongeras sur le dos, les yeux tournés vers le ciel, à compter tes propres côtes humaines du bout des doigts, jusqu'à ce qu'une marée soulève ta poitrine, jusqu'à ce que, comme il répétait toujours, il ne soit jamais parti ».

Un premier roman vivant et empathique, avec une âme à l'intérieur et une pincée de magie.

Lu dans le cadre d'une Masse critique privilégiée


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Bon, par où commencer... J'ai eu un énorme coup de coeur pour ce roman, et je ne suis pas du genre à m'emballer facilement. Tout d'abord, j'ai été attirée par le livre lui-même, la couverture magnifique, les couleurs, la typographie, le papier, tout m'a plu. Merci les éditions de la croisée
Je suis rentrée facilement dans l'histoire, l'époque des années 70/80, j'adore, c'est ma jeunesse. Les lieux, une île en Californie, un de mes endroits préférés.
Ce roman est très visuel et ferait un très bon film. J'imagine sans peine... Les lieux:, les maisons en bois, l'ile verdoyante , les bateaux de pêche dans le port, le ferry qui fait la navette avec le continent qu 'on aperçoit par temps clair. L' institut marin désaffecté. Et la mer partout autour. Les touristes qui débarquent par flots du ferry, qui viennent acheter leur sachets de beuh, et passer la journée. Les personnages :le père, charismatique, toxico, alcoolo, dealer, faisant des blagues avec les locaux et les touristes un verre à la main, cheveux un peu longs , barbu, chemise hawaïenne ouverte sur un torse bronzé, un peu de bedaine peut être, (l'âge et l'alcool) un physique à la Jim Harrison ou à la Hemingway, une gueule de baroudeur qui croque la vie à pleines dents. Evie, ado à cheveux longs parfois emmêlés par le vent et les embruns, longues jambes bronzées, en short, pieds nus le plus souvent, belle sans le savoir, un peu sauvage. La mère, un peu hippie, robes fleuries, yoga, pleine de bijoux, charmeuse. Bon, j'arrête là mes délires cinématographiques.
La narration suit un ordre non linéaire qui ne m'a pas gênée, ce sont des instants dans la vie d'Evie avec des retours en arrière ou des sauts en avant. le fil conducteur de ce roman c'est les amours d'Evie. L'amour pour son père qui l'élève alors que la mère est partie voir si l'herbe est plus verte ailleurs, ce père immature, irresponsable, souvent ivre et défoncé mais qu 'elle adore. L' amour pour sa mère imparfaite, qui l'abandonne toujours, égoïste. Elle est en quête de cet amour maternel qu 'elle aimerait tant recevoir. L' amour pour Liam son fiancé, souvent absent de longs mois sur les bateaux de pêche, Liam qui lui manque, Liam infidèle qui la blesse, Liam, à qui elle pardonne.
Avec l'amour, l'autre sujet de ce roman c'est la nature et plus particulièrement la mer. La mer est omniprésente, elle entoure l 'île, Liam est pêcheur et Evie biologiste marin, elle étudie les baleines, les orques. Sur l' île, la nature est partout, le vent, les embruns, les tempêtes, le goût de sel, l'odeur du poisson. Les baleines passent au large ou viennent s'échouer sur la plage. L'auteur fait des métaphores où elle compare les animaux marins et les humains. La plus belle, celle qui m 'a émue aux larmes, c' est la comparaison du coeur de la baleine et du coeur humain. Pour, en fait, parler du coeur comme centre de l'amour. Ce passage magnifique, c'est le message d'amour que laisse le père à Evie, toutes les paroles qui ont bercé son enfance, qu 'il lui a adressé tout au long de ces années où ils ont vécu tous les deux sur l'île. Ce qui permettra à Evie de vivre avec l'amour de son père à l'intérieur de son coeur, gros comme un coeur de baleine "croire aux choses qui ne sont pas toujours visibles et aimer des choses qu'on ne peut pas voir."
Ces paroles lui reviennent comme l'héritage que lui lègue son père, ce père qu'elle a perdu avant d'avoir compris comment l'aimer.
C'est un premier roman prometteur qu'a écrit Crissy van Meter, excellente traduction de Mathilde Bach. Je surveillerai la sortie de son prochain roman.
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Evie doit se marier dans 2 jours mais rien ne va plus : sa mère avec qui elle a des relations compliquées depuis qu'elle les a abandonnés, son père et elle, alors qu'elle était enfant, débarque chez elle, son fiancé n'est pas rentré de sa campagne de pêche et une baleine morte est venue s'échouer dans une baie de la petite île où elle vit, empuantissant durablement l'atmosphère.

Avec une accroche pareille, on croirait que Créatures va être une comédie romantique de plus, en version insulaire pleine d'embruns, mais pas du tout. Prenant prétexte des 3 journées séparant Evie de son mariage, l'auteur va tisser une trame complexe nous baladant entre passé et futur et entremêlant divers épisodes de la vie d'Evie. Nous la découvrons d'abord enfant, essayant de grandir cahin-caha entre un père amoureux fou de son île, éternel vagabond incapable de trouver un travail ou de s'installer, et une mère qui les as quittés à la recherche d'aventures plus exaltantes. Nous croisons aussi la Evie adolescente puis étudiante, s'arrachant momentanément à son île pour mieux y revenir, tentant d'apaiser ses relations avec ses 2 parents et de laisser son passé derrière elle. Et enfin nous aurons la vision du couple qu'elle forme avec Liam à différentes époques de leur vie, difficile de construire une vie de couple et une famille quand on a grandi sans aucun modèle de ce type.

Crissy van Meter procède par petites touches subtiles, des épisodes tout d'abord disparates et décousus qui peu à peu vont s'assembler et dessiner le portrait d'Evie et de sa drôle de famille. Dans un style toujours superbe, plein de poésie et d'images, elle réussit avec brio à nous faire partager des sensations, des paysages, des moments clés de la vie. Il faut dire aussi que plus que Evie le personnage central de cette histoire est l'île (imaginaire malheureusement... pourtant j'aurais tant aimé aller y faire un tour) de Winter Island, située au large des côtes californiennes. Petit monde à elle toute seule, tantôt envahie par les touristes, tantôt dévastée par les tempêtes, elle retient dans ses filets tout ceux qui en sont tombés amoureux, comme le seront Evie et son père. Créatures est aussi un roman d'océan dans lequel on sent presque physiquement la puissance de ce monde marin dont on ignore tout et qui rythme la vie des personnages. Rien n'est appuyé dans ce roman, tout est subtil et suggéré, plein d'émotions retenues, laissant au lecteur le soin de compléter les pointillés et de se faire sa propre opinion de l'histoire.

Vous l'aurez compris, c'est une lecture que j'ai adorée, un grand bol d'air frais et d'embruns et surtout surtout un magnifique portrait très émouvant d'une jeune femme à l'enfance cabossée dont on ne sait finalement si ces débuts chaotiques dans la vie lui seront une force ou un boulet à traîner. Je vous recommande vraiment ce roman atypique et plein de charme. Cerise sur le gâteau, ce livre est superbe, un beau papier doux et épais et une magnifique couverture avec un extrait d'une planche de naturaliste sur les créatures de l'océan. Bravo à l'éditeur La Croisée pour cette belle réalisation et un grand merci à Babélio pour cette masse critique privilégiée qui m'a permis de découvrir ce titre magnifique.
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Avis : VÉNÉNEUX

Rien n'est dit vraiment, tout glisse, rampe, s'immisce dans les pensées, coloré, bariolé, un peu psychédélique comme le suggère le visuel très réussi de la couverture.
À la réception de ce premier roman dans la nouvelle collection Littérature étrangère des Éditions LA CROISÉE que je remercie pour l'envoi, j'ai lu et relu la quatrième de couverture, m'interrogeant sur l'histoire que j'allais être amenée à découvrir : univers marin et physique ou introspection psychotique. La traduction par Mathilde Bach préserve le côté onirique du récit.
Evie attend son fiancé qui n'est pas rentré avec les autres pêcheurs, alors que la tempête menace. Et elles sont dangereuses sur Winter Island, île battue par les vents. Une baleine morte ne laisse présager rien de bon, d'autant plus qu'a débarqué l'éternelle absente : sa mère. Son père, lui, est mort depuis quelque temps, un père adoré puisque seul à aimer. Evie va attendre, résister et aller de flash-back en régression volontaire, tout en gardant travail et tête froide.
La construction du récit est telle que vous devez, si vous ne voulez pas vous noyer, vous laisser flotter au gré des souvenirs d'enfance ou des péripéties marines, en gardant en tête le fil conducteur qui est la volonté d'Evie, une femme bousculée devenue forte entre passions et renoncements. Il y a une sorte de magie dans l'écriture de Crissy Va,n Meter ou bien une application parfaite de tous les conseils littéraires donnés ou reçus ! L'appel du large m'a souvent prise mais avec une nouvelle action surprise, une description des créatures, une distance résonnant en moi, elle me ramenait curieuse des pourquoi et des comment qui agitaient son personnage principal. Car en fait, il n'y a qu'Evie, avant, après, pendant, dans un roman faussement décousu et profondément hypnotisant.
C'est chic, savant, intelligent, déroutant et à réserver aux amateurs de sensations diffuses et d'émotions savamment dosées.
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Avoir le premier roman de Crissy van Meter dans les mains, c'est se prendre la vague de plein fouet, chercher sa respiration quelque part entre la rudesse des lieux et les vents tempétueux, admirer la multitude des saisons qui défile. La douleur et l'impuissance des sentiments qui se confrontent. CRÉATURES captive, chamboule sans aucun doute.


Le mariage d'Evie est le point d'ancrage à toute l'histoire. de là, le passé et le futur se confrontent, se jouent l'un de l'autre. Hôtel des souvenirs, cartomancie de l'avenir au coeur d'un décor à la fois paradisiaque et impitoyable.


Evie parle de son enfance. Un père alcoolique qui l'adore plus que sa propre vie. Un père dysfonctionnel mais qui tient la barre haute, aucun naufrage n'est accepté. Un père aimant, un père qui se perd dans les profondeurs de ses blessures, abîmes de l'âme. Un père qui fait de son mieux. Un père légendaire, orateur majestueux des histoires qui font l'île, sa vie, tel le vecteur d'un héritage lointain, ailleurs. Une mère démissionnaire toute aussi dysfonctionnelle. Les voyages, la célébrité, loin très loin de l'île et loin de sa fille dont le souvenir surgit ici et là au grès de ses pérégrinations et de ses envies. Une mère lâcheuse.


Evie se construit tant bien que mal. Des souvenirs en pagaille. Des bons. Des mauvais. Envies fugaces telles des apparitions miraculeuses auxquelles il est agréable de se s'accrocher, juste un peu, juste pour y croire. Evie rêve de tout et de rien, qu'en est-il vraiment quand l'absence de tout et de ce rien n'est qu'illusion. L'océan est son confident, les nuages son protecteur, le soleil son moteur et l'île, toute entière, sa maison.


Crissy van Meter met en exergue la grandeur des émotions. Intenses, paralysantes, euphoriques. Celles qui habitent tout au long d'une vie. Une balade que j'ai appréciée et où j'ai pris le temps de le faire. Une bouffée d'oxygène où ce paradis est peuplé de ces créatures mi vivantes, mi mortes. Celles qui se vénèrent, celle qui s'oublient. Celles qui font grandir tant bien que mal. Une douceur exquise confrontée à la violence, la plume de Crissy van Meter m'a transportée. J'ai su aimer la langueur, parfois nocive parfois enchanteresse, du récit aux mille couleurs.


A découvrir sans faute !
Lien : https://lesmisschocolatinebo..
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"Créatures" a pour cadre une petite île du sud de la Californie, Winter Island, où réside Evie chercheuse à l'Institut de la mer. ⠀

A la veille de ses noces, la jeune femme devrait commencer les préparatifs pour célébrer le plus beau jour de sa vie mais une tempête vient perturber ses plans. Son fiancé parti pêcher en mer est porté disparu, sa mère refait surface après 3 ans d'absence et enfin, la carcasse d'un énorme cétacé s'échoue au large de l'île incapable de repartir rejoindre le rivage. ⠀
Ce qu'on ignore au départ, c'est que cette baleine est le point culminant de l'histoire. Telle la marée qui s'annoncera calme ou agitée, le cétacé est une métaphore qui nous préparera aux états d'âme d'Evie. Une nouvelle sorte d'horoscope de la nature. ⠀

Cette histoire familiale poétique et émouvante, intervertit passé et présent au gré des saisons. Différents thèmes sombres et mélancoliques seront abordés tels que l'abandon, l'addiction, la trahison mais également le pardon. Ce mélange complexe entre Evie, ses parents, son fiancé Liam et sa meilleure amie Rook nous font voguer dans un tourbillon de sentiments. ⠀
Evie subit une enfance chaotique, un père absent noyé dans l'alcool et son commerce de marijuana, tandis que sa mère a pris la fuite depuis bien longtemps, mettant de côté sa vie de famille. Les nombreuses épreuves qu'elle rencontrera feront d'elle une battante malgré son manque de confiance en elle et envers les autres. Un personnage incroyable représenté telle l'héroïne d'un conte pour enfant. ⠀

Pour un premier roman, j'ai beaucoup aimé le style psychédélique de l'auteur qui est rappelé jusqu'au choix de la (très jolie) couverture. Crissy van Meter possède un talent unique et de très belles citations nous accompagnent au fil des pages. ⠀

Une belle découverte de la littérature américaine et je remercie Babelio et les éditions La Croisée pour cette masse critique privilégiée.
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Créatures de Crissy van Meter Editions La Croisée
Traduction Mathilde bach
A l'instar des merveilleuses créatures sous-marines qui recouvrent la couverture du roman, il se pourrait que les créatures véritables soient à l'intérieur du roman
Winter Island, au large de la Californie, son petit port battu par d'effroyables tempêtes, ce microcosme ou autochtones se côtoient tout au long des semaines, des saisons, de l'année et des marées.
C'est ici qu'à vécu Evie et son improbable famille.
Evie qui attend face à la mer le retour de son fiancé Liam, pécheur parti en mer. La date de leur mariage approche, il tarde.
Contre toute attente c'est sa mère qui est arrivée, cette mère hyper présente… quand elle apparait, car elle est partie quand Evie était toute petite, elle avait besoin d'air.
Il faut dire que Winter Island est une ile singulière où le soleil cogne et les tempêtes ravagent tout !
De façon décousue et par flashbacks on accède aux souvenirs d'Evie et au créatures qui peuplent sa vie : un père aimant mais éternel adolescent, alcoolique, flambeur fauché, créateur de la Winter Wonderland, Marijuana qu'il cultive et deale. Sa mère, un tourbillon magnétique, éprise de liberté, qui apparait et disparait à sa guise et puis Rook son amie peu farouche, livrée à elle-même et à ses fantaisies.
Evie revisite son enfance particulière entre ce père bancale et cette mère fantôme, entre cabanes et maisons squattées, puis son adolescence débridée avec Rook puis le fils de celle-ci Tommy et les curieuses circonstances de sa naissance.
Evie s'interroge : l'amour, la liberté, les trahisons. Les lieux et les gens qui nous façonnent avec pour béquille les informations sortes de miscellanées maritimes fournies par l'institut de la mer où elle travaille.
Nature writing et roman d'apprentissage sur fond de rock'n roll, un très agréable premier roman à l'atmosphère envoutante.
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Winter Island, près de L.A., aux USA. Une île qui vit au gré des vents, tempêtes et marées. Une histoire où une fille qui se sait aimée de son père, doit, telle une créature marine, s'adapter à la vie d'un père alcoolique et dealer de Winter Wonderland, la marijuana locale. Sa vie est, comme sur l'île, une succession d'orages, de tempêtes et d'inondations au sens propre comme au figuré. de son enfance instable, Evie, ne cesse de se questionner sur la façon dont on peut se construire une vie « stable ».
La structure, comme l'écriture, sont très particulières. C'est parfois déstabilisant, et personnellement, j'ai trouvé que l'écriture était parfois elliptique (mais je crois que c'est voulu) et qu'il m'a manqué quelques éléments spatio-temporels à certains moments du récit.
En ce qui concerne les chapitres, chaque chapitre est un jour associé à un événement climatique qui rappelle à Evie des événements marquants de sa vie. Elle nous raconte son histoire à travers ses souvenirs météo. Ces chapitres sont entrecoupés d'autres chapitres sur les différents types de baleines. La baleine, une créature marine centrale, permet de questionner, d'un regard extérieur (emploi du « tu ») la vie d'Evie, sa relation avec son père, sa mère, son amie. Ainsi, on voit que les émotions d'Evie font écho aux émotions et aux fonctionnements de ces mammifères marins.
C'est un livre que j'ai beaucoup aimé, et qui, je pense ne vous laissera pas indifférent.
C'est subtil et énigmatique.
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Le roman s'ouvre sur l'arrivée de la mère d'Evie sur Winter Island, une île sur la côte californienne. Evie va se marier et elle attend avec angoisse le retour de son futur mari, Liam, parti sur un bateau de pêche. L'atmosphère est tendue entre Evie et sa mère, cela fait 3 ans qu'elles ne se sont pas vues. En plus, une baleine s'est échouée et l'odeur devient insupportable.
Evangelista (de son prénom complet) a grandi sur cette île avec son père. Sa mère les a très vite abandonnés. Elle avait la bougeotte et ne supportait pas les odeurs de Winter Island.
Son père est tout pour elle. Il lui dit tout le temps qu'il l'aime et qu'il ne lui laissera rien lui arriver. Mais il n'est pas le père modèle. Il est toxicomane, alcoolique, beau-parleur, menteur.
« Papa m'élevait comme un garçon, essentiellement sans mère et avec tout un tas de macaronis au fromage dans des boîtes en carton pour le dîner. […] Nous vivions d'impostures : l'argent de la célébrité, l'argent de la drogue, et c'était tout juste assez pour ne jamais quitter l'île. »
Les touristes défilent sur l'île pour la célèbre herbe « Winter Island » cultivée et vendue par son père, qui leur sert de guide également. « Il était doué pour raconter l'histoire de ces terres de forêts sauvages envahies de brouillard, de trolls et de gnomes. »
Elle passe son adolescence avec une unique amie. « Rook était tout le contraire de moi : blonde, de grands yeux bleus et un père riche. » C'est une rebelle qui va pousser Evie à faire les 400 coups avec elle. Evie dit à propos d'elle-même : « J'avais été une enfant rugueuse, silencieuse, solitaire, mesurée et curieuse. »
Sa mère réapparaît de temps de temps et disparaît tout aussi vite. Ne leur laissant pas le temps de créer une relation mère-fille, ni de répondre aux nombreuses questions d'Evie qu'elle cherche en vain dans les livres, notamment sur l'amour. Comment se construire avec des parents dysfonctionnels ? Comment savoir aimer, s'aimer et être aimée ?
Avec Liam, c'est le bonheur, mais ils ont du mal à exprimer leur amour et Evie a besoin d'être rassurée en permanence. Elle a peur de perdre Liam.
Les chapitres courts se succèdent sous forme de pièces de puzzle pour reconstituer la vie d'Evie. Ils sont entrecoupés de réflexions et d'informations sur différentes espèces de baleines, qui font un parallèle avec la vie des personnages. le sommaire indique les différentes entrées dans le roman, les thèmes liés à la vie insulaire : tsunami, brouillard, pluie, chaleur, neige, tremblement de terre, grêle, vent, gel, tonnerre, feu de forêt, brise.
J'ai beaucoup aimé l'écriture de l'américaine Crissy van Meter dont c'est le premier roman. J'ai noté de magnifiques phrases comme celle-ci :
« J'ai passé ma vie entière à espérer que l'amour véritable puisse nicher sous les ailes bleues d'une mère. Passé chaque heure éveillée à chercher des réponses dans les modes de vie de créatures marines non douées de parole. »
L'écriture est poétique, chargée d'émotions. Un beau roman captivant sur l'amour, le pardon, la vie insulaire et l'enfance difficile, que je vous recommande vivement. Les dernières pièces du puzzle sont surprenantes. Et cette couverture est juste sublime, ce sont des illustrations du biologiste Ernst Haeckel (1824-1919).
Merci Babelio et La Croisée pour cette magnifique lecture.
Lien : https://joellebooks.fr/2021/..
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Un magnifique ouvrage à tenir entre vos mains pour retrouver le plaisir tactile de lire ! Une première de couverture originale, colorée, lumineuse et un papier des plus agréables car il évoque les beaux livres des naturalistes. Ce n'est pourtant pas un ouvrage documentaire mais bien un récit d'enfance malmenée où l'univers marin est prédominant.
Evie, l'héroïne, est une ilienne ancrée dans le petit port de Winter Island (Massachussetts) où elle a grandi, entourée de parents pour le moins défaillants. Dès son plus jeune âge, sa mère trop éprise de liberté, l'a abandonnée à son père, éternel adolescent, alcoolique, drogué, dealer mais père aimant et fantasque.
Le récit débute quelques heures avant son mariage. Ecoeurée par l'odeur pestilentielle d'un cadavre de baleine échoué, Evie s'inquiète : son conjoint Liam, un pêcheur rompu aux longues missions, tarde à rentrer et sa mère, aussi détachée d'elle qu'envahissante, refait surface dans sa vie. Aussitôt plongé dans l'univers intérieur d'Evie, le lecteur découvre par petites touches et beaucoup de non-dits, les blessures et les manques de cette fillette en mal d'amour. Il s'attache aux défauts de ceux qui gravitent autour de l'héroïne : son père charismatique, sa fidèle amie dévergondée Rook, Mary, la belle-mère qu'elle aurait voulu avoir…, et le jeune Tommy dont elle se sent étonnamment proche…
La construction complexe alterne flash-back et récit du présent dans un désordre savamment orchestré, un puzzle à reconstituer, tout cela pour traduire les méandres de la pensée et la complexité des relations humaines. C'est tellement plus parlant au final. Récit tantôt à la 1ère, tantôt à la 2ème personne. Quelques pages consacrées aux « créatures marines », objets d'étude de la scientifique Evie, nous décrivent avec pertinence les émotions et les angoisses de cette jeune fille qui deviendra une femme silencieuse, emplie de doutes, de blessures psychologiques mais forte puisque forgée par les éléments. Un roman envoûtant, une mélodie pleine de mélancolie, un roman touchant !
Merci de m'avoir proposé l'opération Masse critique et merci aux Editions La Croisée.
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