Créatures est mon troisième roman des Éditions La Croisée anciennement Delcourt, le second qui se déroule aux Etats-Unis. J'ai lu en novembre ou décembre
Se cacher pour l'hiver de
Sarah St Vincent, j'avais beaucoup apprécié cette espèce de huis clôt à ciel ouvert au milieu des grands espaces montagneux et forestiers de Pennsylvanie. Nous voici cette fois sur une île aux abords de la Californie, dont la vie de l'héroïne est aussi décousue que celle de
Sarah St Vincent. C'est vrai qu'il y a beaucoup de points communs aux deux romans, si l'un prend pour décor les montagnes enneigées du parc naturel, c'est ici Winter Island et le Pacifique qui l'entoure qui jouent le rôle d'abri ou de barrière. Je suis vraiment tombée sous le charme de cette couverture envoutante d'une beauté un peu spéciale, presque effrayante, il faut l'avouer, mais très accrocheuse.
Il y a d'abord cette baleine morte au rivage en plein processus de composition qui donne le tempo au récit. Cette image est percutante, ce n'est pas vraiment un animal d'une taille qui passera inaperçu. Je ne sais pas les autres lecteurs, mais s'il y a bien un mythe, qui plane au-dessus de ce récit, c'est celui de Moby Dick, cette symbolique de la poursuite, de la recherche de réponses incarnées par ces baleines. D'autant que le texte est agrémenté de courts chapitres sur divers cétacés qu'Evie rapproche de sa vie. Peut-être est-ce une façon de signifier qu'on est arrivé au bout du Mythe ? Je suppose peut-être un peu rapidement, n'empêche le cétacé, qui sert d'incipit, sera constamment présent, ici et là, dans le roman. Sauf qu'on est loin du romantisme d'un Hermann Melville, bien au contraire, on touche des deux mains une réalité très prosaïque marqué par la protagoniste principale Evie, qui a été éleva auprès d'un père alcoolique, drogué et dealeur, qui en dépit de ses faiblesses, n'a jamais cessé de l'aimer. La mère, elle, a disparu, du jour en lendemain, pour vivre sans cette contrainte qu'est pour certaines la maternité.
Prise en étaux entre un passé pour le moins tumultueux, ou ce père désarmé n'a pas su garantir un foyer stable à sa fille et un avenir incertain auprès d'un futur époux, qui passe sa vie à la quitter pour rejoindre le large, Evie semble chercher des réponses dans ce passé qui n'a rien de commun. L'auteur dresse un jeu complexe autour d'Evie selon trois perspectives, de son passé, son présent - qui la voit attendre le retour de celui qui s'apprête son mari avec angoisse - et de son futur. Evie est une jeune femme en maque de repère, autant sur la vie de famille, que sur la vie amoureuse, qui les cherche pour essayer de donner à sa vie un autre tour que celui qu'avaient pris les vies de son père et de sa mère. Créer ses propres repères à partir de celui qui l'ancre à la terre qui l'a vu grandir, cette île dont elle ne souhaite pas s'éloigner, dont elle a fait son foyer et fait son métier. L'océan qui l'entoure constitue sa vie et le restera, comme un lien indénouable entre son enfance, sa vie d'adulte, bien plus que ses parents d'ailleurs.
C'est un roman qui exhume des odeurs d'océan, de baleine qui se décompose, des tempêtes qui arrivent, mais aussi de cette odeur puissante de marijuana, des Fish and chips. Roman d'apprentissage, Evie accomplit un rite d'initiation à une existence, de famille, ou elle mènerait une vie stable, un toit sur la tête, qu'elle partagerait avec un seul homme, loin de ce qu'elle a vécu jusqu'à présent ou le seul stable, qui la raccrocherait à la terre, paradoxalement, est l'océan et ses éléments. On se laisse porter par le flot de ses souvenirs, tous liés à ce monde, l'aquarium, les bateaux, le mal de mer, la plage, les tempêtes, on se laisse naviguer entre passé présent et future, la navigation est pour le moins tumultueuse, parfois orageuse, mais on finit par comprendre ou veut en venir Evie, et surtout ou elle veut en arriver.
Evie n'est pas une femme détruite par un passé difficile, elle est plutôt de celle qui s'est mal construite, dont les fondations sont particulièrement fragiles, et qui s'appuie sur ce qui a de plus solide dans sa vie, son monde, son île, son océan pour essayer de consolider ce qu'elle a bâti contre vents et marées, de trouver cet équilibre, qui lui a été refusé pendant son enfance. J'ai apprécié de lire le cheminement d'Evie, qui ancrée dans sa solitude a pendant longtemps tourné en rond sur son île, entre souvenirs et absences des siens, cherche à s'affranchir de sa difficulté à communiquer, de sa tendance à vivre seule, de son côté, et qui doit réapprendre à vivre dans un cercle familial, fixe et solide. J'ai aussi beaucoup aimé d'évoluer dans ce monde mi- terrestre mi- marin, dominé par les cétacés, morts, vivants, qui dans son univers se sont presque substitué aux humains.
Entre les déluges et les tempêtes, il fait bon vivre à Winter Island, le point d'ancrage d'Evie, d'où son père n'a jamais voulu partir, il fait bon lire. Il y a une conclusion, que je conclurais de particulière, puisque nous en connaissons la suite par anticipation. Symboliquement la baleine clôt ce roman comme elle l'a commencé, un cycle s'est refermé, Evie est libérée. Les éditions La Croisée réserve de surprenants récits, qui s'inscrivent hors du temps, ils sont d'ailleurs les éditeurs d'
Une ville à coeur ouvert de Zanna . J'ai aussi repéré des titres qui mystérieusement tournent aussi du monde maritime dont
L'île Sombre de
Susanna Crossman et Trois chemins vers la mer de Brit Bildoen.
Entre les déluges et les tempêtes, il fait bon vivre à Winter Island, le point d'ancrage d'Evie, d'où son père n'a jamais voulu partir, il y fait bon lire aussi. Il y a cette conclusion, que je qualifierais de particulière, puisque nous en connaissons la suite par anticipation. Néanmoins, symboliquement la baleine clôt ce roman comme elle l'a commencé, un cycle s'est refermé, un autre a débuté, Evie est libérée. Les éditions La Croisée réservent de surprenants récits, qui s'inscrivent hors du temps, ils sont d'ailleurs les éditeurs d'
Une ville à coeur ouvert de
Zanna Sloniowska. J'ai aussi noté d'autres titres qui gravitent également autour du monde maritime dont
L'île Sombre de
Susanna Crossman et Trois chemins vers la mer de Brit Bildoen.