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sur 228 notes
Jim Vann est dépressif et semble arriver au bout de sa vie. Criblé de dettes que le fisc lui réclame, divorcé deux fois, notamment à cause de ses incartades, son boulot de dentiste qu'il n'a jamais aimé, il vit dorénavant seul et profondément isolé en Alaska. Mais, aujourd'hui, il est de retour dans sa Californie natale. Comme pour un dernier voyage. Son frère cadet l'accueille à l'aéroport. Il a promis de s'occuper de lui pendant son séjour, notamment en allant rendre visite à ses deux enfants, David et Cheryl et à un psychiatre. Malheureusement, rien ne semble illuminer ses jours bien sombres. Se trimballant toujours avec son Magnum, il n'a qu'une idée en tête, se suicider, et rien ni personne, pas même l'amour de ses enfants ou de ses parents, ne parvient à le dissuader de ce funeste projet. Aux creux des vagues se succèdent des moments d'euphorie...

Peut-on réellement retenir quelqu'un à la vie ? Peut-on comprendre cette envie furieuse, presque viscérale, de mettre fin à ses jours ? Désespéré, dépressif, plus aucun souffle de vie ni d'espoir, Jim Vann est obsédé par la mort. Il n'a plus qu'un dernier plan à exécuter : mettre fin à ses jours. Et ce, malgré ses enfants, son frère qui tente de l'aider ou encore ses parents, impuissants, qui ne comprennent pas ce geste. Dans ce roman qui allie fiction, confession et témoignage, David Vann se glisse dans la peau de son père. Il essaie, autant que faire se peut, de comprendre, d'analyser son état d'esprit, ses moments d'euphorie mais aussi de désespoir, et de se glisser dans sa peau. Outre le contexte familial dépeint avec finesse, l'auteur s'interroge sur la légalisation du port d'armes aux États-Unis, le rapport aux armes et la violence engendrée. Cette immersion dans la tête de Jim Vann est glaçante, percutante, oppressante, saisissante. Et le dénouement, inéluctable. Un événement tragique qui marquera et l'homme et l'auteur qu'est devenu David Vann.
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L'auteur raconte la dépression et le suicide de son père, lorsque lui-même avait treize ans. Pas à la première personne du singulier ni du pluriel, mais, comme dans une sorte de mise à distance ou d'autopsie, en mentionnant son père par Jim, et lui-même par David. le récit n'en est pas pour autant froid le moins du monde, au contraire : avec une immense empathie, David reconstruit ce qui a dû se dérouler dans la tête de son père lors de ses derniers jours, lorsqu'il est venu d'Alaska où il résidait, seul, pour visiter une dernière fois sa famille en Californie : ses deux ex-femmes et ses enfants, ses parents, son frère et un ami d'enfance.


David n'a que peu de clés pour expliquer le mal-être paternel, juste quelques bribes d'observation familiale qui peuvent servir de début de pistes. L'objet du livre n'est pas d'expliquer, mais de plonger dans la peau et la tête de Jim pour tenter de ressentir la même chose que lui, dans une sorte d'introspection par procuration.


On imagine sans peine l'épreuve qu'à pu représenter pour l'auteur l'écriture de ce livre. Mais sans doute fut-elle moins pesante que l'écrasante interrogation que laisse un suicidé à ses proches. Cette lecture oppressante n'est pas une partie de plaisir : c'est une immersion dans un désespoir noir, un vide sans fond, une absence de sens qui n'a qu'une inéluctable issue.


Face à son délire suicidaire accompagné de pulsions meurtrières, en cette fin d'années soixante-dix, Jim ne rencontre guère de soutien : sa famille, effrayée et perdue, se réfugie dans un certain déni et ne réalise sans doute pas complètement la gravité de la situation. le psychiatre ne prend pas les mesures qui aurait peut-être pu protéger Jim malgré lui. On s'effraye lorsque, entouré d'armes à feu dans cette famille passionnée de chasse, pour laquelle tirer semble aussi naturel et vital que respirer, Jim est maintes fois tenté, dans ses accès de colère désespérée, d'emmener ses proches ou des inconnus dans son dernier geste : il ne saurait y avoir de plaidoyer plus évident contre la légalisation du port d'armes aux Etats-Unis.


J'ai refermé ce livre sur une sensation glaçante de noir vertige et d'impuissance désolée, face à une double et incommensurable souffrance : celle de Jim qui n'a trouvé d'issue que fatale, et celle de David, son fils, marqué de manière indélébile au point de tenter de revivre le supplice paternel par le biais de l'écriture.

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Jim Vann ne peut plus. Il est au bout de sa désespérance.

Il a essayé pourtant : « Ce que Jim voudrait, c'est trouver une utilité à son désespoir. Pourquoi son état merdique actuel ne pourrait-il pas s'avérer idéal pour autre chose ? ». À l'image du flétan envoyé sur la lune, poisson-astronaute idéal – « Qui aurait pensé qu'un flétan ferait le meilleur des astronautes ? » - le père de David Vann tente désespérément de se sauver, de rebondir, de s'envoler magnifiquement dans la vie.

Mais ça ne fonctionne pas. Et Jim ne peux plus faire semblant, plus se taire, plus se complaire, plus continuer à souffrir, plus enchaîner les journées les unes après les autres sans y trouver aucun sens… Jim ne peut plus vivre.

Alors Jim quitte son repaire doré mais solitaire en Alaska pour un dernier voyage d'adieu aux siens et au monde, un Rugger .44 Magnum et ses munitions toujours à portée de mains.

Les siens, ce sont David et Cheryl, ses enfants qu'il a eus avec Lorraine ; c'est Doug, son frère cadet qui tente de le chaperonner ; ce sont ses parents, apparament si résignés, qui intériorisent chacun de leur sentiment. Et c'est Lorraine, son rocher, son refuge, son amour semble t-il… le temps de quelques jours, ils vont tous tenter de le garder « dans la vie », chacun à sa manière ; tous avec amour.

Dans Un poisson sur la lune, David Vann – toujours remarquablement traduit par Laura Derajinski, ce qui vaut à cette dernière une pleine page de touchants remerciements à la fin du livre – revient sur son passé et, en sachant habilement s'en affranchir quand il le faut, écrit probablement son livre le plus dur, le plus écorché mais aussi le plus profond.

Il fait monter en puissance ce désespoir, plongeant le lecteur dans une lecture stressée, angoissée et dérangeante jusqu'à la toute dernière page. Et parallèlement, il livre - sans juger - de profondes réflexions sur le sens de la vie, l'amitié, la filiation, l'inéluctabilité des grandes décisions, les limites de l'assistance à autrui. Avec plusieurs passages touchant au sublime, comme le dialogue matinal de Jim et de son père, inoubliable, ou cette incroyable fable métaphorique du flétan astronaute.

Un grand livre, qui ne plaira cependant pas à tout le monde et pourra même être insupportable pour certains…
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Jim, un calibre .44 Magnum dans la poche. Jim, le père de David. Jim, fatigué, lassé, usé par la vie. Une putain de vie, alors il a bien le droit d'avoir son flingue sur lui. Pour être toujours prêt. le canon froid et métallique dans la bouche, sur la tempe, sous le menton. Sentir cette tension. L'objet de cette attention : le suicide. D'un père, d'un proche.

Jim souffre, intérieurement d'abord. Mais il arrive à exprimer à minima ce malaise qui campe en lui depuis trop longtemps. On pourrait croire à un début, celui de la conscience et de la prise en charge, psychiatre et médicaments pour soulager la peine, un soutien familial. Pourtant, il ne cesse de clamer qu'il veut en finir, qu'il va en finir. Une balle dans le magnum et l'explosion finale.

David Vann réussit à mêler fiction et réalité, dans cette histoire familiale, une odyssée mortuaire entre la Californie et l'Alaska, les derniers jours de son père. C'est puissant, c'est intense, c'est puissamment triste. On connait tous l'issue d'un tel drame. J'aime David Vann parce qu'il ne me ménage pas, parce qu'il met des mots sur mes maux. Il y a des livres tristes comme il y a des vies tristes.

Le brouillard qui s'engouffre dans la plaine, s'immisce dans la tête. Les étoiles au loin. Une lune bleue qui se dévoile à peine et semble se cacher de mon regard. Je lève les yeux, à chaque fois, je me dis que c'est la dernière fois que je la vois, trop de souvenirs derrière moi. Il y a des évidences comme ça, dans la vie, comme celle de pointer un calibre dans la bouche.
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Dans la famille Vann, je demande Jim, le père.

Un paternel qui, très tôt, décidera de tirer sa révérence, plongeant son tout jeune fiston dans un abîme de douleur et de culpabilisation.

Pour exorciser, David écrit.
Souvent.
Sur un sujet qu'il maîtrise mieux que tout autre, sa famille.
Et plus particulièrement son père et les raisons qui le poussèrent à commettre l'irréparable.

Un poisson sur la lune se veut introspectif par procuration.
En effet, difficile, pour Vann, de se mettre dans la peau de son géniteur et d'appréhender le fil de ses pensées les quelques jours qui précédèrent le drame.

Puissamment triste ou tristement puissant, c'est vous qui voyez.
Bouleversant, dérangeant, secouant, c'est vous qui ressentez.

Jim est déjà passé de l'autre côté. Présent physiquement mais déjà aux abonnés absents.
Un monolithe de douleur et de ressentiment qu'aucun membre de sa famille ne saura dévier de sa trajectoire funèbre.

D'une force et d'une beauté peu commune, ce récit interroge sur le sens de la vie.
Visiblement interdit pour un Jim qui fait ici sa tournée d'adieu tout en dressant le portrait sans concession d'un homme qui possédait le monde et qui a tout foiré.

Un récit crépusculaire et pourtant incroyablement lyrique.
D'une puissance évocatrice phénoménale, David ressuscite le père, le temps d'un court récit.
Cet homme passé du côté obscur et pourtant capable de délivrer une charge émotionnelle hors norme.

Un poisson sur la lune, oubliez la pêche à l'euphorie, vous rentreriez brocouille...
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David Vann convoque les fantômes du passé, ceux de son histoire familiale et du drame qui le hante depuis que son père James a fait le choix de se suicider. En réalité, cette question "du choix" est sujet à réflexion car l'acte de se supprimer est "le choix" le plus radical que l'on puisse faire à son endroit. James avait-il le choix ? qu'est ce qui l'a poussé à commettre l'irréparable, à appuyer sur la détente de son Magnum ? "Un poisson sur la lune" est un livre sublime, l'hommage d'un fils qui tente de comprendre ce geste qui a fait basculer la vie de toute une famille. David Vann raconte avec une écriture d'une densité, d'une sensibilité rare, le cheminement de l'âme en souffrance de son père, cet exil vers ce néant où tout s'arrête enfin. James n'était pas croyant. Il détestait les bondieuseries. Il n'espérait rien d'autre que d'interrompre le fil de sa douleur psychique. La thématique de la souffrance psychique est abordée avec une acuité saisissante et un courage que je salue car il faut pouvoir écrire sur le suicide d'un père.. James était dépressif, il a décompensé (était-il psychotique ? bipolaire ?) et David Vann raconte les quinze derniers jours de la vie de son père, de la mise en place du traitement par le médecin, au basculement fatal vers une pulsion de mort inarrêtable. Sommes nous des êtres perpétuellement en sursis ? James était dentiste, il était endetté, il avait trompé sa femme et provoqué un second divorce. Il ne se remettait pas de cette rupture. Mais là encore, ces éléments qui peuvent expliquer son geste en apparence, ne sont sans doute que la face émergée de l'iceberg de souffrance psychique ressenti par James. On ne peut réduire la portée d'un suicide à un faisceau d'éléments, fussent-ils avérés. David Vann explore, fouille, questionne le fil ténu qui nous retient à la vie. C'est sombre, violent, dérangeant. Nous sommes en apnée avec James, nous manquons d'oxygène et nous n'avons plus qu'une envie, celle de remonter à la surface et de remercier qui l'on voudra d'être en vie. David Vann signe un livre d'une puissance émotionnelle et d'évocation rare sur la maladie psychique et ces conséquences sur le patient lui-même ainsi que sur ces proches. Nous assistons aux dernières convulsions d'une âme en perdition. le lien se délite peu à peu et ce qui le retient à la vie est bientôt, et de façon implacable, rongé jusqu'au point où poursuivre celle-ci semble impensable et plus effrayante que la mort elle-même. Vertigineux.
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Chaque roman de David Vann est une forme de violence, quelque chose qui me dérange, une façon d'ouvrir une fenêtre et de laisser entrer la vie comme elle vient, ne rien filtrer, la laisser venir de très loin avec ce qu'elle a parfois de plus sombre... Pourtant, chaque roman de David Vann est envoûtant, m'envoûte aussi. Un poisson sur la Lune n'échappe pas à la règle...
Jim Vann a trente-neuf ans, habite désormais seul en Alaska. Il a divorcé deux fois, a deux enfants, Cheryl huit ans et David treize ans. Tiens ! me direz-vous, un certain David Vann... Cela ne vous dit rien ? Autobiographie, roman, autobiographie romanesque ? Comment faire la part des choses dans ces pas qui remontent à l'enfance. Qu'importe, c'est une oeuvre romanesque avant tout et il faut aussi la prendre comme cela, dans son vertige et son enchantement...
Jim n'en peut plus du poids de sa vie. Il ne trouve plus le chemin du retour dans ce labyrinthe où il s'est perdu un jour. Il veut en finir.
Il décide de revenir dans la Californie de son enfance, vers les siens, ceux qui lui sont proches, sa famille, ses deux enfants, ses deux anciennes épouses, Lorraine et Jeannette, son frère Doug, son père, sa mère. Cela fait beaucoup de monde pour dire un dernier adieu. Car c'est un peu la tournure que prend ce retour aux sources.
C'est un voyage, c'est une odyssée, un chemin chaotique. Pourquoi Jim est-il revenu ? Doug son frère cadet y croit encore, croit qu'il est possible de l'aider, lui fait rencontrer un psychiatre, tout est peut-être encore possible dans cette lumière ténue du soir.
Comment peut-on décider un jour de mourir ? Comment les choses peuvent-elles s'inverser brusquement ? Les pensées qui deviennent les plus sombres, qui empêchent de dormir ? Les gestes qui s'emparent d'un magnum, l'embarquent dans ses bagages, prennent soin cependant de séparer l'arme de ses munitions dans un sac séparé...
Quel est ce déclic où l'on perd pied brusquement dans son existence ? Est-ce que les choses sont écrites à l'avance ? Est-ce qu'il y a des portes qui s'ouvrent sur les chemins incompris ?
Est-ce que les fondations sur lesquelles la vie de Jim s'est construite étaient suffisamment solides ?
Il voudrait savoir d'où vient son malheur. De son père ? De sa mère ? De cette religion luthérienne ?
Pourtant Jim a fait ses propres choix. Tromper sa femme. Divorcer. Vivre seul. S'endetter stupidement. S'éloigner de sa famille. Bousiller sa vie.
Ici la douleur est au rendez-vous, une douleur au cordeau qui nous laisse à peine le temps de reprendre notre souffle entre deux chapitres.
C'est comme si la terre devenait lourde sous les pas de Jim. La mort qui approche, celle qu'il choisit lui devient presque grisante et en même temps il a peur. On le voit hésiter. C'est une peur panique comme celle d'être enseveli et en même temps c'est une sensation comme celle d'être sur le point de s'envoler, comme un oiseau au bord d'une falaise.
Ne plus être retenu à la terre, s'envoler dans le ciel si lourd, parmi les geais buissonniers, les écureuils gris et la lumière fugitive de ce coin de Californie...
Le voyage de Jim est cruel pour lui et pour les siens. La sensation de ne plus avoir aucun contrôle sur lui. Faire subir aux enfants ce départ programmé, cet ultime adieu... Il égrène des conseils aux siens, à ses enfants comme s'ils ne devaient plus jamais les revoir.
Ici comme à d'autres moments, David Vann a cette cruauté terrifiante et lucide de mêler les enfants aux jeux des adultes. Sans doute cette frayeur est-elle quelque chose venue de la nuit de son enfance ?
C'est un voyage, c'est une déchirure. C'est une descente dans les abimes d'une existence. Jim ne cache rien à ses proches de son dessein. Chacun tente de l'en dissuader à sa manière. Jim tente de survivre, encore un peu à certains moments. Il suffirait de peu. À quoi tient la vie...?
Bien sûr, on connaît la fin de l'histoire dès le début. David Vann ne s'en cache jamais. Pourtant la force du récit nous tient en haleine, on voudrait y croire à chaque instant comme lorsqu'on sait qu'un proche va mourir, on s'accroche à chaque rayon de lumière pris au piège dans les ramures des arbres... Nous y croyons encore, nous y croyons à chaque fois que Jim se retient à la vie qui s'engouffre dans un fou rire, un pan de ciel qui traîne par-là, un coin de forêt qui ramène au bonheur d'avant, tandis que son doigt continue de presser sur la détente...
Tout était pourtant offert à Jim, le bonheur, l'amour la réussite, l'argent. Cela n'a pas suffi. Cela ne suffit jamais...
Par moments, le bonheur surgit et ressemble à la nature. Des collines boisées, d'étroits canyons qui serpentent au travers, un lac immense de l'autre côté du versant. Des pins immenses à perte de vue. de petits torrents qu'on enjambe d'un seul bond. Tout paraît idyllique dans ce coin sauvage de Californie, dans l'eau de ce lac où Jim vient se baigner une dernière fois... Pourquoi cela ne permet pas, ne permet plus à Jim de s'accrocher à la vie. Pourtant Jim célèbre cette nature avec force et ivresse, c'est comme une communion qui l'amène à se perdre dans le paysage, ces pages sont magnifiques.
Même la chambre d'un motel minable, où tenter de jeter quelques derniers gestes d'amour, a quelque chose de brusquement beau dans cette dérive crépusculaire.
Toute la douleur est là. Ses enfants lui manquent, l'amour d'avec une femme, mais quelque chose de plus fort encore lui manque : la vie avant cette douleur.
Son frère Doug veut l'aider à toutes forces. Il est toujours là, bienveillant, vigilant, toujours là à chaque instant pour l'écouter, lui parler, intervenir, pour le plaquer au sol, lui dire de se taire. Cette relation m'a fortement touché. Celle avec le père aussi, chargée de tous les non-dits, tout ce qui n'est pas palpable, tout ce qui est invisible entre eux, les sépare avec effroi, dans l'ultime tentative de s'aimer et se l'avouer.
J'ai trouvé que la manière qu'a David Vann d'aborder le récit, de nous y entraîner est d'une acuité bouleversante.
C'est terrible, le naufrage d'une personne que l'on aime, c'est terrible cette chose qui nous rend impuissant pour la sauver. Ce geste que l'on ne peut retenir.
C'est une vie qui n'est plus désirable.
Ne plus pouvoir aimer.
David Vann nous rend cette douleur palpable, la fait revenir à lui, nous la restitue avec une émotion poignante.
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« Un poisson sur la lune » est un roman-témoignage (baptême pour moi dans ce type de roman) par lequel l'auteur, David Vann, revient sur la dépression de son père quelque temps avant son suicide à 40 ans. David Vann ne laisse rien de côté: les moments de folies passagères de ce père, James, la peur et le désarroi occasionnés à ses enfants encore très jeunes, le désespoir de ses proches de le voir sombrer, l'impuissance quant à ce parent qui s'ensevelit seul dans la maladie.

Écrit avec beaucoup de descriptions quant aux sentiments mais aussi quant aux décors, comme tous ses autres livres, David Vann en livre une oeuvre parfois dure. Surtout lorsqu'on se projette à la place des membres de sa famille (et je pense en particulier à son oncle et frère cadet de James, Doug) qui auront tout tenté afin d'éviter qu'il ne commette cet acte irréparable. On se rend compte que James lui-même ne pouvait être sauvé d'une quelconque façon au vu des démons qui l'accaparaient jour et nuit.

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David Vann fait visiblement le point sur le drame de sa vie. Son père dentiste, se tire une balle dans la tête, alors que David a 13 ans et a refusé, il y a peu, de le rejoindre en Alaska. L'écrivain se met dans la peau de Jim Vann et retrace les derniers jours de sa vie, la visite chez son frère et ses amis, chez son psy. Récit poignant et dérangeant qui relate ce mal de vivre dont Barbara l'a décrit si bien :

Ça ne prévient pas quand ça arrive
Ça vient de loin
Ça c'est promené de rive en rive
La gueule en coin
Et puis un matin, au réveil
C'est presque rien
Mais c'est là, ça vous ensommeille
Au creux des reins
Le mal de vivre
Le mal de vivre

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David Vann nous raconte les derniers jours de son père, Jim, qui a mis fin à ses jours avec son arme à feu. Lui-même n'avais alors que 13 ans.

Jim était parti vivre seul en Alaska après ses deux divorces et des échecs professionnels qui l'avaient ruiné. Souffrant de douleurs dans les sinus, obsédé par les armes à feu, la chasse, les grands espaces, il n'avait plus qu'un but : se donner la mort. Venu passer quelques jours auprès de sa famille, ses enfants, son frère, ses parents, il ne trouve aucun réconfort à leur contact. Chacun essaye sans trop de conviction de l'aider mais il est déjà loin…comme un poisson sur la lune. le psychiatre s'en remet à son frère, peu concerné, ou peut-être dépassé…
Jim repartira seul et appellera sa dernière femme, Jeannette, qui sera témoin de sa mort à distance. Mais peut-être qu'une tuerie de masse a été évitée, peut-être aurait-il pu massacrer toute sa famille…

Le contexte de l'omniprésence des armes à feu, le silence du père métis cherokee, qui a du mal à assumer ses origines et avoue détester sa vie, sa mère réfugiée dans la religion, ne l'aident pas. Il a choisi une profession qui ne lui convient pas, dentiste, a trompé sa femme, divorcé, raté sa conversion professionnelle dans la pêche, divorcé une deuxième fois et il souffre, jour et nuit, une douleur qui ne s'éteint pas. Sa décision est prise, rien ne peut l'arrêter, aucun espoir ne s'offre à lui dans cette Amérique profonde dont il a adopté la rudesse. Il se rend insupportable aux autres, ne pouvant plus se supporter lui-même et peut-être dans l'espoir d'une réaction qui ne viendra pas.

Récit poignant, d'autant que David a perdu son père de manière violente et a hérité de la culpabilité qui accompagne les proches dans ce drame et peut-être des gènes de la dépression qui a rongé son esprit.
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