Ce tome fait suite à Dirty tricks (épisodes 35 à 39, et "Ex Machina special" 3). Il comprend les épisodes 40 à 44, et l'épisode spécial numéro 4, parus en 2009. Les scénarios sont de
Brian K. Vaughan, les dessins de
Tony Harris, l'encrage de Jim Clark (sauf pour l'épisode spécial 4 dessiné et encré par
John Paul Leon), et la mise en couleurs de J.D. Mettler. La série se termine dans Term limits (épisodes 45 à 50).
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Épisode 40 "Ruthless" -
Brian K. Vaughan et
Tony Harris ont rendez-vous à la mairie de New York. Ils répondent à une annonce indiquant que le maire a donné son accord pour une biographie de sa vie en comics. Harris est reçu par January Moore, Vaughan est reçu par Hundred en personne.
Le lecteur avait bien compris que l'engagement d'Hundred en politique pouvait être interprété comme le choix de Vaughan d'écrire un comics politisé. C'est à dire qu'après avoir écrit des histoires de superhéros, les attentats du 11 septembre avaient constitué un signal indiquant qu'il était temps qu'il se serve de son talent d'écrivain pour aborder des sujets plus sérieux, plus importants (de la même manière qu'Hundred était passé d'une carrière peu brillante de superhéros à une carrière d'homme politique). Et pourtant Vaughan estime nécessaire de se mettre en scène avec Harris au sein de sa propre série pour réexpliquer tout ça. le résultat n'est pas désagréable ou idiot, juste redondant. L'épisode se termine par 2 pages réalisées par
Garth Ennis et Jim Lee. 4 étoiles.
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Épisodes 41 à 44 "Ring out the old" - le 27 mars 2001, Great Machine affronte à nouveau Jack Pherson. 29 décembre 2004, Mitchell Hundred annonce qu'il ne se présentera pas à un deuxième mandat et qu'il compte réaliser des progrès significatifs dans sa dernière année de mandat, en finançant les nouvelles mesures par le biais d'une augmentation de la fiscalité. Suzanne Padilla enquête sur l'existence et l'utilisation d'une boîte blanche, auprès de Rick Bradbury et sent qu'elle a mis le doigt sur un scandale potentiel datant du jour de vote des élections d'Hundred. 2 SDF sont dévorés par des rats.
La décision d'Hundred de ne pas briguer un second mandat (une conséquence d'un épisode précédent) l'incite à accélérer le rythme de ses décisions, ainsi que la mise en oeuvre des réformes, et à trouver un mode financement (les impôts locaux). D'un coté, c'est bien vu et Vaughan ironise à juste titre sur le fait que cette mesure rend Hundred plus populaire que jamais alors qu'il vient d'augmenter les impôts. de l'autre, le lecteur peut percevoir cette déclaration comme une grosse ficelle permettant à Vaughan de se diriger vers une conclusion de sa série (= fin de mandat), dont la seule résolution sera la fin de mandat, et pas un bilan élaboré de la politique municipale menée par Hundred.
Il s'agit donc d'une manière plus ou moins élégante de s'écarter des problématiques de gestion d'une ville, pour revenir à des intrigues plus classiques. Il reste cependant une analyse terrible sur la perception des SDF par les habitants de New York. Coté intrigues, Vaughan en donne au lecteur pour son argent : d'où viennent réellement les pouvoirs d'Hundred ? D'où viennent les pouvoirs de Jack Pherson ? À quoi rimaient l'intervention et les délires d'Augustyn Zeller ? Que manigance Ivan Tereshkov ? Mitchell Hundred est-il à l'abri de tout scandale ?
Le lecteur assiste donc à une réorientation significative du récit pour une histoire où Vaughan souhaite expliquer le point de départ des pouvoirs d'Hundred et des autres. L'idée tient la route dans le contexte d'une série de superhéros, mais il n'apporte pas grand-chose à cette histoire, à part l'explication des superpouvoirs. du coup, il reste des passages intéressants (surtout les relations entre les différents protagonistes), mais si cette série valait surtout pour son aspect politique à vous yeux, vous aurez l'impression d'un changement de direction trop radical vers la science-fiction.
En outre, le scénario de Vaughan comprend de nombreuses scènes de dialogues d'exposition ou d'explication, et
Tony Harris semble parfois à court d'idées pour trouver une mise en scène qui soit visuellement intéressante. January et Mitchell papotent sur la loyauté : 7 grosses cases dépourvues de tout arrière plan, à base de champ et contre-champ, et c'est réglé. Hundred discute avec Trip (le représentant du Gouverneur) : 8 grosses cases, avec des mains qui s'agitent pour des visuels inintéressants. Bradbury et Hundred discutent sur le toit d'un immeuble : 2 pages en légère contreplongée ce qui permet d'avoir un arrière plan constitué d'un ciel vide.
Il s'agit d'une description sévère et réductrice parce que dans les nombreuses scènes d'action (et même pour quelques dialogues), Harris fait preuve de son inventivité habituelle et de son sens de la composition. Il est assez agréable de voir Bradbury faire son jogging dans un parc désert enneigé. Les 2 SDF assis sur une bouche de métro à discuter présentent un spectacle à la fois détendu du fait de sa normalité, mais aussi navrant du fait de la banalité de cette situation sociale catastrophique. L'attaque des rats et la blessure causée par la boîte blanche sont très graphiques et gore. La confrontation dans les égouts présente un coté onirique en adéquation avec les événements.
Cette histoire peut constituer une réelle déception pour le lecteur qui s'est plus attaché à la mise en scène des crises que doit gérer le maire, qu'à l'aspect superpouvoirs d'Hundred. En fonction de votre sensibilité, elle mérite 4 étoiles (parce que ce n'est pas non plus un comics de base), ou 3 étoiles parce que la déception l'emporte sur le reste.
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Numéro spécial 4 "Green" - En tant que maire, Mitchell Hundred annonce des mesures en faveur de l'utilisation de sources d'énergie éco-responsables. Eddy Romans (éditeur du magazine "Manhattan Sounds") critique cette politique interventionniste. Il est retrouvé mort, assassiné d'un coup de sécateur dans l'orbite oculaire. Hundred obtient l'autorisation de s'entretenir avec le coupable qui prétend être "le Jardinier".
Après le changement de cap de "Ring out the old", cet épisode hors série semble de prime abord être taillé dans le même bois. Il s'intéresse surtout à une autre manifestation de superpouvoir, à confirmer ce qui a été dit dans l'histoire précédente et à parachever l'origine de ces superpouvoirs. Mais en prenant un peu de recul, le lecteur s'aperçoit que Vaughan a bel et bien intégré une problématique sociétale au coeur des convictions politiques. le gouvernement (quel que soit le niveau) doit-il être prescripteur ou simple gérant ? Quel est la légitimité d'un gouvernement à contraindre des entreprises privées de s'approvisionner à un coût plus élevé ? Faut-il un état interventionniste et régulateur, ou au contraire un législateur laissant les marchés s'autoréguler ?
Le lecteur retrouve avec plaisir le style un peu plus âpre des dessins de
John Paul Leon, moins agréable à l'oeil que ceux d'Harris, mais tout aussi efficace pour porter l'histoire. 4 étoiles.