Henri Lhote c'est d'abord un personnage. Il a ses défauts, misogyne, autoritaire, soif de reconnaissance, parfois buté. Mais c'est surtout un infatigable explorateur, passionné par
le Sahara, capable de plaider sa cause pour poursuivre ses recherches, et d'un grand courage face aux multiples adversités et aux nombreuses difficultés qu'il a dû surmonter face à des conditions climatiques arides, des moyens financiers souvent limités et un domaine de connaissances nouveau à conquérir. Tour à tour botaniste, zoologue, ethnologue, préhistorien, ce sont finalement les fresques du Tassili qui le révèleront. Aventurier intrépide, il aura plus de mal à trouver sa place dans le monde savant.
Henri est parti de rien. Orphelin très tôt, des études courtes, une formation chez les scouts qui lui sera très utile pour affronter des conditions de vie extrêmes, une passion pour le domaine animalier et une révélation :
le Sahara qui va progressivement l'amener de l'étude des animaux, puis de l'ethnologie à celle de la Préhistoire, notamment après la découverte des peintures rupestres dans le Tassili. Il reprendra ensuite des études universitaires pour pouvoir mettre de l'ordre dans ses découvertes et sera chargé du département de l'art préhistorique au
Musée de l'Homme. Où là aussi les moyens matériels et humains sont assez précaires…
Les missions d'
Henri Lhote ne sont pas dépourvues d'épreuves de toutes sortes, ses relations sont parfois conflictuelles avec ses collaborateurs, mais il sait tisser un réseau de connaissances et entretenir de très bonnes relations avec les populations locales, notamment les Touaregs, qui furent un de ses objets d'étude. Bien que partisan de l'Algérie française, il saura s'adapter à la décolonisation et poursuivre son travail de mise en valeur du patrimoine historique. Son maitre incontesté restera toute sa vie l'abbé Breuil, « le pape de la Préhistoire ».
Tout au long de cet ouvrage passionnant on est frappé par la part d'aventure et de risque qui ont permis toutes ces explorations scientifiques et l'énergie déployée à trouver des financements, à recruter des équipes, à rassembler du matériel. La première partie, des années 30 aux années 50 est particulièrement intéressante car c'est celle des grandes découvertes dans des terrains souvent encore vierges de toute approche humaine, à dos de chameaux ou avec des véhicules qui tombent régulièrement en panne, sur des terrains chaotiques, par de grandes chaleurs, alors que l'eau et les vivres se font rares…Un travail de fourmi, dans des conditions de vie difficiles, des heures passées à recopier des fresques, à noter des stations de découverte sur des cartes, ensuite à interpréter, classer, défendre ses découvertes, écrire, rassembler, agrandir les musées, créer des centres de recherches, organiser des expositions, tenir des conférences… Henri Lhothe fait partie de pionniers de l'art rupestre saharien.
On y découvre également un Sahara aux paysages plus variés que les simples étendues de sable qu'il nous évoque : des zones montagneuses, des déserts de pierres, des grottes nombreuses, des oueds, ces lits de rivières qui peuvent se remplir brutalement lors des rares précipitations, des oasis, des réserves d'eau, les guelta…Le tout porté par la passion de ces hommes, dont c'est la terre de naissance ou d'adoption, qui ont su nous transmettre leur émerveillement devant les trésors qu'il offre à celui qui sait l'apprécier. Et que Monique Vérité, elle-même une passionnée du désert nous communique à son tour dans cette très riche biographie.