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Critique de Lamifranz



La jangada, c'est le nom qu'on donne, au Brésil, à ces immenses radeaux composés de troncs d'arbres flottants, qui descendent les fleuves depuis les profondes forêts vers les cités industrielles. Chez Jules Verne, c'est bien plus que cela, c'est un mode de transport qui peut réunir toute une communauté, une « maison » itinérante en quelque sorte. le procédé n'est pas nouveau chez notre auteur : la Montgolfière de « Cinq semaines en ballon », le boulet de « de la Terre à la Lune » et « Autour de la Lune », le sous-marin de « Vingt-mille lieues sous les mers », le glaçon flottant du « Pays des fourrures », ainsi que l'éléphant mécanique. de « La Maison à vapeur », sans compter bien évidemment tous les bateaux, steamers et navires divers qui transportent les héros verniens aux quatre coins du monde. Plus tard viendront l'Albatros de « Robur le Conquérant » et bien entendu « L'Ile à hélice » et « Une Ville flottante » …
« La Jangada », sous-titré « 800 lieues sur l'Amazone », est donc un roman de voyage (ce qui n'étonne pas chez Jules Verne), mais un voyage un peu spécial : Joam Garral et toute sa famille (ses enfants Benito et Minha, ainsi que Manoel, le fiancé de cette dernière), descendent l'Amazone d'Iquitos à Belem, pour rejoindre la mère de Manoel et célébrer le mariage des jeunes gens. Mais une vieille affaire refait surface : Joam Garral, accusé de meurtre et de vol de diamant a dû fuir le Brésil vingt-cinq ans plus tôt. Ses proches sont bien entendu persuadés de son innocence et entendent bien le prouver. D'autres personnages arrivent dans l'histoire : Fragoso, un clone de Passepartout (du « Tour du monde en quatre-vingts jours »), et Torres, un aventurier un peu louche. Plus un mystérieux message codé qui, tout le monde le pressent, aura son rôle à jouer…
Le roman de voyage se double donc d'un roman policier, et d'un roman à énigme. Jules Verne, avec son savoir-faire habituel multiplie les révélations et les coups de théâtre (sa première vocation, ne l'oublions pas était d'écrire des pièces de théâtre). Les indices se distillent peu à peu, et c'est le décryptage du document qui dénouera bien entendu toute l'affaire.
On sait l'admiration qu'avait Jules Verne pour Edgar Poe (Il donna une suite aux « Aventures d'Arthur Gordon Pym » avec « le Sphinx des glaces » en 1897). Ici le document codé est issu en droite ligne du « Scarabée d'or » une des nouvelles qui composent les « Histoires extraordinaires » traduites par Baudelaire en 1856.
On peut se demander pourquoi ce roman n'a pas eu l'audience d'autres romans similaires. Tous les ingrédients verniens sont réunis, l'intérêt du périple, pimenté par l'intrigue policière, maintient l'intérêt de bout en bout, les personnages sont toujours aussi attachants, et la moralisation bien-pensante de l'époque n'est pas spécialement appuyée : Jules Verne aurait pu sans doute broder sur les notions de culpabilité et d'innocence, de châtiment, de rédemption. Mais Verne n'est pas Dostoievski, ce thème ne sort pas du cadre purement policier.
« La Jangada » reste un magnifique roman d'aventures et de découvertes (le Brésil, comme vous ne l'avez jamais vu), avec en plus cet intérêt supplémentaire que constituent l'enquête policière d'une part, et le déchiffrage compliqué du document codé, d'autre part.
« La Jangada » n'a pas tellement inspiré les cinéastes : un seul film en 1993 : « Les Aventuriers de l'Amazone » de Luis Llosa, avec Adam Baldwin, Daphné Zuniga, Tom Verica et Barry Bostwick. Je ne saurais dire si c'est un chef-d'oeuvre intemporel ou un navet innommable, je ne l'ai pas vu. Pas sûr même qu'il soit encore disponible quelque part. Pour les inconditionnels, essentiellement.
Le roman, lui, est conseillé et même recommandé à tous les amateurs de Jules Verne. Et même les autres.

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