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Critique de Lamifranz


Comme le nom l'indique, « L'Ecole des robinsons » est une… robinsonnade. C'est dire que chez comme Daniel Defoe, on va trouver un naufrage, une île déserte, une colonisation laborieuse, des animaux sauvages, des anthropophages, peut-être même un Vendredi… Oui, tout ça on le connaît. Jules Verne nous l'a déjà raconté sous plusieurs formes : seul (Ayrton dans « Les Enfants du Capitaine Grant » et dans « L'Ile mystérieuse ») en petit groupe (les naufragés de la même « Ile mystérieuse »), parfois il s'agit d'enfants (« Deux ans de vacances ») ou même toute une société (« Les Naufragés du Jonathan »), il a même écrit une suite (« Seconde patrie ») aux « Robinsons suisses » de Johann David Wyss.
Que pouvait-il donc faire pour renouveler ce genre si bien examiné dans tous ses détails ? Eh bien oui, il y avait encore un angle qui n'avait pas encore été adopté : l'humour ! « L'Ecole des robinsons » est une robinsonnade… pour rire ! Voyez plutôt :
Godfrey Morgan est un jeune homme nonchalant qui a pourtant des envies de Tour du monde. Son oncle, le milliardaire William Kolderup, qui vient de se rendre acquéreur d'une île déserte, décide de lui forger le caractère. Il lui fabrique un faux naufrage, le fait débarquer sur son île, où le jeune homme, stimulé par l'aventure, se transforme en Robinson, avec son ami T. Artelett, dit Tartelett, ci-devant professeur de maintien. Ils repoussent l'attaque de cannibales qui les trouvaient très appétissants, à croquer même, et recueillent un « Vendredi » qui s'appelle Caréfinotu (attention contrepèterie : permutez le C et le T… sacré Jules Verne !). Ils ne savent pas bien sûr que tout est combiné d'avance, que Vendredi est un employé de Tonton, ni que les armes et les vivres arrivent en douce par Phina la fiancée de Godfrey. le grain de sable dans toute cette mise en scène, ce sont les bêtes sauvages introduites sur l'île par Taskinar un rival du milliardaire. Mais tout est bien qui finit bien : au moment où nos héros sont sur le point de succomber, ils sont sauvés par l'arrivée de Tonton et de ses marins. On découvre alors qu'il y avait un autre robinson sur l'île, un vrai cette fois, un Chinois nommé Seng-vou…
On sent bien que Jules Verne s'est fait plaisir en écrivant cette pochade. le roman s'inscrit entre « La Jangada », un très beau roman d'aventure et de voyages dans la grande tradition vernienne, et « le rayon vert », un roman plutôt romantique et poétique. Comme si l'écrivain s'essayait successivement à plusieurs genres (avec succès, reconnaissons-le).
C'est l'un des agréments de Jules Verne : il nous surprend toujours. Il peut être comique ou tragique, il peut nous faire voyager aux quatre coins de l'univers tout en restant dans notre fauteuil, il peut aussi bien nous faire réfléchir sur la nature, sur l'écologie (bien avant que ce sujet soit aussi brûlant qu'aujourd'hui), sur la science et son devenir, et bien sûr sur la nature humaine. Ici, ces grands thèmes ne sont pas exploités, vu le contexte, mais ce roman nous montre une face, peu montrée généralement, de notre écrivain : le farceur (il faut dire qu'en 1882 il était encore dans sa période optimiste !) Pour autant il reste fidèle à la philosophie de l'oeuvre définie avec son éditeur : « je me tiendrai toujours et le plus possible dans le « géographique » et le « scientifique » puisque c'est le but de l'oeuvre entière ; mais [...] je tends à « corser » le plus possible ce qui me reste à faire de romans » (lettre rédigée en 1883).
Pari réussi. Jules Verne, grâce à cette faculté de multiplier les genres, les thèmes, les modes de narration, grâce aussi à cette empathie avec le public, qui ne s'est jamais démentie, est un auteur complet, où l'on trouve toujours ce que l'on est venu chercher (dépaysement, aventure, romance) et souvent bien d'autres choses encore.
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