Merci à Babelio et aux
Editions de la Martinière pour le polar «
Une certaine Annie » de P.J. Vernon.
Gray et son mari Paul débarquent pour les fêtes de Noël dans la famille de la jeune femme en Caroline du Nord pour y retrouver sa mère et sa soeur Charlotte. La Caroline du Nord -Etat du Sud des Etats-Unis comme on le sait-, parait une destination très sympa pour passer les fêtes de Noël en famille. Ahhh, ses belles idées conservatrices un peu racistes, sexistes, sa peine de mort, sa religion bien traditionnaliste et tout le toutim. Heureusement pour la jeune femme, elle est blanche et riche grâce notamment à l'héritage de son papa décédé. Et son mari est candidat démocrate aux élections législatives. Sa famille King (excusez du peu), même si son image commence à s'effriter, a été très influente dans la ville Elizabeth quelques années auparavant lorsque le père Seamus, alors député, briguait le poste de sénateur. Mais un enregistrement dévoilant sa nature un peu raciste lui a cassé ses espoirs, bonsoir.
Le soir du 24 Décembre, lors d'une soirée dans un pub, Gray s'enivre (il faut dire qu'elle lève pas mal le coude, la Gray). le lendemain matin, encore alcoolisée et avec un mal de crâne en guise de cadeau de Noël, elle réalise que Paul n'est pas dans la maison. Les heures passent et il faut bien se faire à l'idée que le mari a disparu.
Une certaine Annie laisse un message à Gray laissant supposer qu'elle a des révélations à faire sur cette disparition.
C'est l'inspectrice Nina Palmer, jeune et noire (tout le monde n'a pas les mêmes cartes dans son jeu), qui est chargée de l'enquête sur sa disparition. Nina connait bien la famille King, car c'est justement sa tante, aux services des King pendant des années qui, via un dictaphone, a fait chuter le père.
Au fur et à mesure que Nina enquête, les secrets de famille font surface et la tension augmente d'un cran. Les King ne sont pas si blancs que ça. La politique, l'argent, le sexe, les mensonges, la jalousie, et les verres supplémentaires de Gray pimentent un peu plus chaque page.
L'aspect intéressant de ce roman est son style choral puisqu'à chaque chapitre c'était soit Gray, soit Nina, soit la mystérieuse Annie qui prenait la parole. Même si ce n'est pas des plus original, ce choix de style se révèle un bon moyen d'augmenter le suspense en montrant des champs de vue différents sur un évènement précis. Quelques petites phrases se glissent par-ci par-là chez les uns et les autres nous titillant nos petits neurones et nous font émettre plusieurs hypothèses quant à la disparition de Paul et la véritable identité d'Annie (Cordie ? Hall ? Lennox ?). Hypothèses qu'on lâche, reprend ou valide au fur et à mesure de l'enquête. le final d'ailleurs, on ne l'a pas vu venir, faut bien le dire (ou pas exactement ou à moitié, comprenne qui lira).
Les personnages principaux sont tous sans exception des personnages féminins. Dans ce roman, les hommes sont quant à eux des personnages secondaires, absents, morts ou qui ne gagnent pas à être connus. Paul a disparu. le père est mort. Charlotte, la soeur, vient de divorcer (exit le mari). le collègue de Nina est peu présent, jamais à ses côtés lors de ses interrogatoires ou déplacements. Les autres sont déplaisants ou peu fréquentables.
La lecture de ce policier a été assez agréable puisque je ne l'ai pas lâché avant la fin, curieuse de connaître justement le fin mot de l'histoire.
Mais, ce qui m'a agacé, ce fut la 4ème de couverture qui en parle comme d'un « thriller psychologique, obsédant, poétique, intense ». Certes, c'est toujours un peu subjectif, mais quand même… Je me permettrai de dire qu'ainsi ce livre ressemble à un cadeau un peu trop joliment emballé de superlatifs trompeurs. Je vais finir par me revendiquer le gilet jaune des 4èmes de couv' qui nous enrubannent. J'aurais préféré une description du roman plus modérée, modeste. (Certes, c'est moins vendeur mais plus honnête). D'ailleurs, une telle description ne le sert pas, puisque, sans cela, je serais restée également plus modérée et indulgente. Je n'aurais pas été désagréable en entrant dans les détails des imperfections de ce roman. Au vu des critiques précédentes louangeuses, peut-être que j'en attends trop. Peut-être.
Ce dernier a déjà le mérite d'être d'assez bonne facture, qui se lit sans déplaisir (même si j'ai tiqué sur des descriptions qui manquaient un peu d'intérêt : « Les yeux comme des soucoupes, Maman paraissait consternée », moi aussi…). Pour un premier roman, ce n'était déjà pas si mal.
Mais voilà, je cherche encore la poésie, l'obsédant et l'intense dans ce polar… de la poésie lorsque Gray, alcoolique, ne peut s'empêcher de s'enivrer, de se biturer jusqu'à en vomir le nez dans la cuvette ? de la poésie dans les pratiques sexuelles diverses ? … Promis, je mets une 4ème étoile si quelqu'un me montre où se trouve la poésie dans ce roman. Vraiment, ce n'est pas gentil du tout de nous faire croire au Père-Noël.
Il a manqué à mes yeux un peu de consistance des personnages pour en ressortir bluffée. J'ai trouvé que P.J. Vernon tirait un peu trop sur tous les fils et recettes du polar commercial. J'aurais aimé à l'inverse qu'il peaufine un peu plus les caractères des personnages, qu'ils aient plus d'envergure, ou encore que l'auteur se limite à un ou deux thèmes de l'histoire sans partir dans tous les sens. Cela crée du rythme mais pas forcément de « l'obsédant et de l'intense ».
Cela me fait toujours penser à l'ambiance ou le scénario de téléfilms ou séries policières américains (du style experts scientifiques déclinés à toutes les sauces dans toutes les grosses villes américaines). Un épisode d'une série qu'on pourrait regarder par nuit d'insomnie mais qui ne restera pas dans les annales des séries noires bien ficelées. Bref, je n'ai pas ressenti de gros frissons, de ceux qu'on éprouve dans le jeu tortueux du bon polar ni de plaisir intense à la lecture. Voilà c'est dit. Et je vais même aller plus loin, en révélant un peu de mystère : la certaine Annie ne s'appelle pas Cordie, Girardot, Hall ou Lennox. (Et tant pis si je n'ai pas « masqué la partie qui dévoilait l'intrigue »).
Il reste pour moi un roman qu'on peut lire pendant les vacances, un polar facile à lire, sans en attendre trop, une lecture tranquille, près d'un feu de cheminée ou sous un plaid, ça fait aussi l'affaire, lorsque les guirlandes illuminent le bon vieux sapin artificiel durant la période des fêtes, avec ou sans Père-Noël…