Avant que l'on ne découvre Pauline Cardeau à moitié morte sur son grabat, ce dimanche de mars 1965, il semblait que les soeurs Constant-Béjart dussent achever leur existence dans une sorte de torpeur que l'on aurait pu tenir pour une certaine paix du coeur. Elles étaient arrivées à un âge où, apparemment, tout ayant été joué, il ne leur restait plus rien à perdre que la vie, le malheur ayant été assimilé et le bonheur oublié, il ne leur restait plus qu'à savourer les bienfaits de la résignation.
Emma ressentit une joie méchante à faire souffrir sa soeur, elle qui, depuis la veille, n'avait pas cessé d'être tourmentée par mille pensées blessantes et aussi délicates à démêler qu'un paquet de ronces.
Sans-coeur, tu es un sans-coeur, pensa Blandine. Mère avait bien raison de le dire... Pauvre femme ! elle en mourait une seconde fois si elle te voyait me traiter ainsi !