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EAN : 9782070134595
272 pages
Gallimard (30/11/-1)
3.73/5   2017 notes
Résumé :
David Foenkinos

Les souvenirs

« Je voulais dire à mon grand-père que je l'aimais, mais je n'y suis pas parvenu. J'ai si souvent été en retard sur les mots que j'aurais voulu dire. Je ne pourrai jamais faire marche arrière vers cette tendresse. Sauf peut-être avec l'écrit, Maintenant. Je peux le lui dire, là. »

David Foenkinos nous offre ici une méditation sensible sur la vieillesse et les maisons de retraite, la difficul... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (291) Voir plus Ajouter une critique
3,73

sur 2017 notes
J'ai vraiment adoré ce roman, la preuve étant que je l'ai littéralement dévoré en deux jours. Il y en a qui ne vivent que d'amour et d'eau fraîche, moi je viens d'amour bien entendu, de littérature et d'eau fraîche histoire de me remettre de mes émotions. Et combien il y en a eu dans cette prose que j'ai trouvé magique et envoûtante. Certes, cette lecture n'est pas des plus réjouissantes puisque l'on y parle beaucoup de mort, de solitude, de séparation mais aussi, et avant tout je dirais, d'amour et de vie.

La trame du roman est celle d'un jeune garçon qui se remémore les bons souvenirs passées avec son grand-père avant que ce dernier ne rende l'âme. Et puis le jeune garçon grandit et apprend que la vie peut continuer, mais après avoir perdu des êtres qui vous sont extrêmement chers. de toutes façons, la vie finit toujours par se frayer un chemin. Elle n'a pas d'autre alternative que de continuer à avancer et d'entraîner avec elle ceux qui croient qu'ils ont été laissés pour compte sur le long chemin de la vie souvent parsemé d'embûches mais aussi de joies et de petits riens qui font que l'on continue à s'émerveiller des surprises que celle-ci nous réserve. Puis, après la mort du grand-père, ses enfant prennent la dure décision d'emmener leur mère (la grand-mère du narrateur) dans une maison de retraite mais cette dernière est loin de se résoudre à accepter la condition qu'on lui impose, à savoir celle de vielle femme incapable de subvenir seule à ses besoins. Aussi, aussi insensé que cela puisse paraître et ayant retrouvé l'inconscience de ses dix-sept ans, elle décide faire une fugue et de s'envoler sur le chemin de son enfance et de sa ville natale : Etretat. C'est encore une fois le petit-fils qui retrouvera sa trace et décidera de l'accompagner dans sa dernière folie à savoir la reconquête d'une tâche qu'elle l'impression d'avoir laissé inachevée. C'est en l'accompagnant dans l'école de son enfance qu'il fera la rencontre d'une jeune institutrice, Louise, qui deviendra bientôt sa femme et avec qui il aura un enfant : Paul.
Alors que le lecteur assiste à la formation d'un couple, un autre se déforme et ainsi de suite. C'est un peu une sorte de "tournez manège" assez étourdissant et pourtant tellement vrai : la vie est ainsi faite.

Ce que j'ai aussi trouvé éblouissant dans ce livre est aussi qu'il ne s'agit pas d'un simple roman mais aussi d'un recueil de souvenirs de personnages célèbres ou non qui n'ont peut-être été évoqués que dans une seule phrase ou qui n'ont joué qu'un rôle mineur dans l'histoire mais qui ponctuent celle-ci d'une manière extraordinaire, comme des parenthèses que l'on inclurait dans un phrase mais qui ont réellement lieu d'être et à cet endroit précis ! A découvrir !
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Peut-être vaut-il mieux éviter d'entamer ce livre avec un moral dans les chaussettes. Le libraire m'avait prévenue : « Il est bien mais bon... le sujet hein... » (c'est pas un bavard le libraire).

Le fait est qu'au vu des thèmes tristement universels abordés ici, nostalgie du temps qui passe, sénilité, mort, dépression, rupture sentimentale, incompréhension entre les êtres... et j'en oublie, il y aurait de quoi douter de l'intérêt de l'existence en général et du plaisir à lire ce livre en particulier. Mais non. Une ironie douce-amère et l'humour décalé du style pimentent ces « souvenirs » tour à tour graves, touchants, comiques ou absurdes, sans trop sombrer dans la neurasthénie.

Pas un chef-d'oeuvre de littérature, mais un plaisant moment de lecture.


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Employé comme veilleur de nuit dans un hôtel parisien, le narrateur, jeune homme pudique et mélancolique, désireux de rencontrer le grand amour, attend dans une solitude volontaire, l'inspiration littéraire. Mais comme tout un chacun, il est confronté à la vie et la mort.

D'abord, la MORT de son grand-père, auquel il aurait voulu dire, tant qu'il était encore temps, qu'il l'aimait, sans y être parvenu. Ensuite, la VIE de sa grand-mère, placée en maison de retraite contre son gré et partie sans prévenir. Il l'accompagnera cependant dans son ultime fugue.
Ses deux aïeux, sont le prétexte pour l'auteur, à disséquer, avec tendresse, sensibilité et justesse, ses souvenirs. Il nous entraîne dans une réflexion sur les turbulences de la vie, la mort, la fuite du temps, les relations intergénérationnelles, la mémoire familiale, et…. l'urgence de vivre.

Au chapelet de souvenirs personnels égrenés, s'ajoutent subrepticement les souvenirs de van Gogh, Nietzsche, Serge Gainsbourg, du caissier de nuit de l'autoroute A13,… Comme si le narrateur, en plongeant dans LA (notre) mémoire collective, grave ou légère, souhaitait nous inciter à inscrire, NOUS AUSSI, nos souvenirs. Car seuls les souvenirs restent. le reste disparaît aussitôt le dernier souffle rendu.
Alors… tant qu'il est encore temps : «Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain : Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie ».

Un récit, des souvenirs d'enfance attachants qui nous font déambuler sur le fil du temps tout en se laissant bercer par la musique des mots de David Foenkinos.

livre relu en 2019

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La production de l'auteur me paraît assez inégale. J'ai été bouleversée par " Charlotte", mais par exemple j'ai très moyennement aimé " Je vais mieux"...

" Les souvenirs" fait partie pour moi des bonnes surprises que nous réserve de temps en temps David Foenkinos. Je pensais au départ qu'il serait surtout question d'évoquer le grand-père du narrateur( auteur?) Mais d'autres personnages se révèlent tout aussi essentiels: sa grand-mère ainsi que ses parents et Louise, la mère de son enfant.

Le roman s'organise de façon assez originale: des événements présents ou d'un passé récent sont rapportés par le narrateur et au gré de leur évocation, un souvenir écrit en italiques est entrelacé. On peut penser qu'il s'agit de phrases de son premier roman car il connait les affres des débuts d'un écrivain.

J'ai particulierement apprécié le passage où le narrateur accompagne sa grand-mère dans sa fugue de la maison de retraite, à la recherche éperdue de son passé de petite-fille. Le retour dans l'école de son enfance est fort émouvant. Et son petit-fils y rencontrera l'amour...

L'humour typique de l'auteur, qui me plait beaucoup, se retrouve ici, mais bien sûr teinté de nostalgie et de tendresse. J'ai été sensible au regard toujours aimant , même s'il est un peu désabusé parfois, que le narrateur porte sur les membres de sa famille, sur sa femme.

Les souvenirs, une quête nécessaire, pour se révéler à soi-même...et trouver l'inspiration!
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C'est fini, il est mort ! Ne reste que les souvenirs de lui !
Souvenirs de riens ou jolis souvenirs... amusants ou attendrissants !
Son petit-fils réalise qu'il reste peu de temps pour en engranger quelques autres avec sa grand-mère.
Mais elle fait une fugue... c'est lui qui part à sa recherche.
Et la vie fera encore de beaux cadeaux à mettre dans la réserve à souvenirs.

La leçon de l'histoire : fabriquons de bons moments à ceux qu'on aime... un jour ou l'autre, ça réchauffera les pensées de ceux qui resteront.
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critiques presse (6)
Lexpress
03 octobre 2011
Un roman maîtrisé qui énonce, sans prétention, mais avec justesse, ses remarques sur le temps, la vie, l'amour ou les dynamiques familiales.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LesEchos
20 septembre 2011
Un roman charmant, moderne même - avec cette manière paresseuse de déambuler sur le fil du temps : David Foenkinos devrait attendrir de nombreux lecteurs avec ses « Souvenirs » en forme de tranches de vie douces-amères et de saga familiale tout juste ébauchée.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Bibliobs
15 septembre 2011
Gravité et légèreté s'équilibrent. Pour son dixième roman, David Foenkinos nous offre un récit enlevé et attachant.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeMonde
26 août 2011
Les Souvenirs, de David Foenkinos, n'est pas un mauvais livre, c'est un livre inutile.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Bibliobs
26 août 2011
Un souffle de folie slave balaie ce grand livre captivant.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Lexpress
18 août 2011
David Foenkinos signe un roman réussi sur la solitude, avec un personnage qui oscille entre souvenirs et oubli.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (461) Voir plus Ajouter une citation
Cette question de la grande vieillesse. Que veulent les vieux? Ils s'isolent lentement, sur ce chemin qui les conduit à la blancheur. Tout ce qui fait la matière des conversations disparaît. Et on est là, comme des veilleurs de chagrin.
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J'ai souvent entendu dire qu'"un véritable ami c'est quelqu’un qu'on peut appeler en pleine nuit quand on se retrouve avec un cadavre sur les bras". Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai toujours aimé cette idée. Il y a des gens qui passent leur temps à se demander ce qu'ils feraient s'ils gagnaient au Loto, moi je me demande qui j'appellerai le jour ou je devrai me débarrasser d'un corps (car il est très peu probable que je gagne un jour au Loto) je parcours la liste de mes amis, et j’hésite. Je pèse le pour et le contre d'une lâcheté éventuelle. Et puis, je me rends compte que le chois est plus complexe que prévu: aimer un ami. C'est aussi éviter de l'impliquer dans une histoire aussi sordide que risquée.
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J’ai si souvent été en retard sur les mots que j’aurais voulu dire. Je ne pourrai jamais faire marche arrière vers cette tendresse. Sauf peut-être avec l’écrit, maintenant. Je peux lui dire, là.

On cherche toujours des raisons à l’étroitesse affective de nos parents. On cherche toujours des raisons au manque d’amour qui nous ronge. Parfois, il n’y a simplement rien à dire.

Les lieux sont la mémoire, et bien plus : les lieux survivent à la mémoire.

Dans la chambre, face à son corps, une image m’a saisi : la mouche. Une mouche posée sur son visage. C’était donc ça, la mort. Quand les mouches se posent sur nous et qu’on ne peut plus les chasser. C’est cette vision qui m’a été le plus pénible. Son immobilité agressée par cette grosse conne de mouche. Depuis, j’écrase toutes les mouches. On ne peut plus dire de moi : il ne ferait pas de mal à une mouche.

J’avais aimé et connu un homme vivant. Là, c’était un masque de cire, un corps sans âme, une incarnation grotesque de la vie échappée.

La vie est une machine à explorer notre insensibilité. On survit si bien aux morts. C’est toujours étrange de se dire que l’on peut continuer à avancer, même amputés de nos amours.

Il suffisait d’un peu de sommeil pour changer l’éclairage d’une inspiration. Est-ce que tous ceux qui écrivent ressentent cela ? La sensation de puissance qui annonce celle de la faiblesse. Je ne valais rien, je n’étais rien, je voulais mourir. Mais l’idée de mourir sans même laisser un brouillon valable me paraissait pire que la mort. Je ne savais combien de temps je continuerais à vivre ainsi, dans l’espoir de pouvoir saisir concrètement ma pensée

Il reprend ce si beau vers de René Char : « Vivre, c’est s’obstiner à achever un souvenir. »

Depuis quelques jours, j’étais obsédé par mes visions initiales de la maison de retraite. J’avais eu l’impression de visiter la salle d’attente de la mort. Je ne pouvais plus penser à autre chose. C’était peut-être très immature, mais j’avais conscience pour la première fois de la déchéance qui m’attendait.

On devrait vieillir avec la beauté. Ou plutôt, on devrait se soulager de la vieillesse par la beauté.

Ma grand-mère avait toute sa tête, et n’en était que plus consciente de tout ce qui lui échappait.

Pourquoi la bêtise est-elle plus mémorable que la beauté ?

La plupart de ceux que j’ai croisés dans la maison de retraite voulaient mourir. Ils ne disent pas mourir d’ailleurs, ils disent « partir ». Et aussi : « en finir », pour souligner davantage le calvaire. Car la vie ne finit parfois jamais, c’est le sentiment qu’ils ont. On parle souvent de la peur de la mort, et c’est étrange comme j’ai vu autre chose. Je n’ai vu que l’attente de la mort. J’ai vu la peur qu’elle ne vienne pas.

La folie grignotait du terrain, on ne pouvait plus localiser ma mère : elle était ailleurs.

Je ne voulais pas qu’elle entre dans la déprimante catégorie de toutes ces filles avec qui on échange un regard ou un sourire, toutes ces filles avec qui on se dit qu’il aurait pu se passer quelque chose, et qui finissent dans la pire catégorie : celle des regrets.

Plus tard, cela deviendrait une obsession. Cette question de la grande vieillesse. Que veulent les vieux ? Ils s’isolent lentement, sur ce chemin qui les conduit à la blancheur. Tout ce qui fait la matière des conversations disparaît. Et on est là, comme des veilleurs de chagrin.

Au fond, je crois que le rôle du fonctionnaire en première ligne dans un commissariat est de dégoûter le plaignant. Il est comme un videur à l’entrée d’une boîte de nuit qui décide quelles plaintes il peut laisser passer.

C’est étonnant comme les drames unissent les familles. Je ne le voyais presque jamais, nous n’avions rien à nous dire, et là, à cet instant, nous semblions incroyablement proches. Nous étions soudés, et cela n’avait rien à voir avec les points communs ou même les souvenirs ; mais c’était à l’évidence de l’ordre de l’affinité du sang.

À partir de cette époque, je n’ai cessé de vivre ma vie amoureuse en pensant à la vieillesse. J’ai pensé qu’il fallait vivre les choses, en oubliant les limites et la morale même. Je n’ai cessé de ressentir depuis l’urgence du désir. De penser à la sensualité comme essence de la vie. Il me semble qu’on aime différemment, quand on vit avec cette conscience intime de la vieillesse. Je ne parle pas de la peur de la mort, et de la boulimie sexuelle liée à notre condition éphémère ; non, je parle de l’idée d’accumuler, peut-être naïvement, un trésor de beauté pour les jours de l’immobilité physique.

pourquoi ne se souvient-on pas de l’enfance ? Certes, le cerveau n’est pas encore formé, et il y a tant d’explications physiologiques à ce phénomène. Mais je ne veux pas croire à la gratuité de cette donnée ; il y a forcément une raison. L’enfance est souvent le terrain des plaisirs primaires, c’est pour beaucoup le paradis des joies simples et faciles à assouvir. Il y aurait sûrement un risque à se souvenir de tout cela. Je me dis qu’on ne pourrait jamais devenir adulte si on était parasité par la conscience de ce bonheur-là. On vivrait en permanence avec une nostalgie béate complètement paralysante.

Quoi qu’il arrive, elle naviguerait sur sa première impression : personne ne l’avait jamais désirée ainsi. On peut fonder une vie sur ce sentiment-là. Sur le sentiment d’exister d’une manière si vivante dans le regard de l’autre. Au fond, mon père aurait pu être n’importe qui, faire n’importe quoi, il avait éveillé chez ma mère (d’une manière explosive) ce que chacun porte en soi : l’espoir d’être follement aimé.

Quand on vit une situation exceptionnelle, notre regard sur le monde est obnubilé par elle.

Il y a des gens qui passent leur temps à se demander ce qu’ils feraient s’ils gagnaient au Loto, moi je me demande qui j’appellerai le jour où je devrai me débarrasser d’un corps (car il est très peu probable que je gagne un jour au Loto).

Aimer un ami, c’est aussi éviter de l’impliquer dans une histoire aussi sordide que risquée.LE

C’était à partir du centre que je devais commencer mes recherches. Pratiquement aucun automobiliste n’empruntait la même direction ; nous étions en milieu de journée, elle-même au milieu d’une semaine, qui, à son tour, était au milieu du mois d’octobre. Et j’arrivais au milieu de nulle part, dans le sens où je n’avais ici aucun repère.

Elle est atteinte d’Alzheimer. On en parle tout le temps, de cette maladie, les gens ont l’impression de la connaître, mais je peux vous dire que, tant que vous ne voyez pas votre mère vous regarder comme une parfaite inconnue, alors vous ne connaissez pas cette saloperie.

Chaque personne importante d’une vie porte en elle l’écho de l’avenir.

Il y a quelque chose de si émouvant à la première apparition d’une personne qui va compter dans votre vie.

Pourtant, j’éprouvais aussi un certain bonheur du moment minable que j’avais vécu. Il faut parfois passer par la case de la dramatisation de son mal-être.

Et ce phénomène était particulièrement souligné chez moi, qui ai toujours eu un train de retard sur mes émotions. Pendant les soubresauts de ma nuit, au hasard de mes réveils successifs, elle m’était apparue en songe. Elle me répétait alors sa phrase, litanie de notre première rencontre : « Est-ce que je peux vous aider ? » Le visage de Louise, dont je ne connaissais pas le prénom, avait hanté ma nuit ; et j’étais là, au bout de cette nuit, à l’attendre.

On parle du pouvoir de séduction des pères de famille, qui se promènent au parc avec une poussette ; je découvrais que s’occuper de sa grand-mère pouvait également avoir son charme.

J’ai fait des allers-retours entre les deux rangées de portemanteaux, et je me suis senti ému par tous ces manteaux accrochés, les uns à côté des autres. Je me suis dit que la vie à cet âge-là était parfaitement ordonnée. On savait où poser son manteau. J’ai éprouvé la nostalgie de ce monde rangé. Je ne sais pas vraiment vers quel moment on dérape dans le désordre.

Il existait donc encore des personnes capables d’être émerveillées par l’idée que quelqu’un écrit. Ça n’excitait plus grand monde. L’écriture était devenue quelque chose de si commun. Tout le monde écrivait. On entendait dire qu’il y avait plus d’écrivains que de lecteurs.

Il y a tant d’élégance aux premiers fragments de la séduction. Ces quelques minutes dans la cour de récréation, je les aime. Et parfois, je voudrais tant retrouver ce temps unique où nous nous sommes découverts.

On savait la mort, on la connaissait, et pourtant elle arrivait toujours comme une stupéfaction. Cela me paraissait fou que son corps soit subitement vide de vie ; que son esprit soit vide de pensée. Et je trouvais choquant de ne pouvoir remédier à cette tragédie.

Il ne pleurait pas vraiment sa mère, il pleurait le fait d’avoir manqué son départ. J’ai cru entendre qu’il disait : « Même ça, je l’ai raté. » Il ne pourrait jamais lui dire au revoir.

Je me suis dit que j’avais souvent couru après des femmes, je m’étais parfois acharné, j’avais voulu trouver des points communs avec telle ou telle, et tout ça me paraissait risible maintenant que je comprenais que les rencontres amoureuses s’annoncent dans la clarté.

Au bout d’un moment, je me suis approché d’elle pour l’embrasser. Je la désirais d’une manière si intense. J’aimais tellement sa queue-de-cheval, la façon dont ses mèches tombaient autour de son visage comme les derniers instants lumineux d’un feu d’artifice. Mon cœur battait de ses lèvres. La vie m’attrapait de son intensité. Et je pouvais croire un instant, dans la folie subite de mon bonheur, que tout le monde dans ce cimetière allait revivre.

L’amour entrait dans ma vie, et ça me donnait envie d’aimer l’humanité entière.

Elle correspondait, je crois, à tout ce que j’aimais. Ou alors : elle était devenue tout ce que j’aimais. Je ne sais pas vraiment.

J’ai repensé à cette phrase, et j’ai envie de l’écrire encore : « Une fille qui a des sentiments pour toi ne peut être que formidable. » Ma mère ne m’avait jamai
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Deux jours avant, il était encore vivant. J'étais allé le voir à L'hôpital du Kremlin Bicêtre, avec l'espoir gênant que ce serait la dernière fois. L'espoir que le long calvaire prendrait fin. Je l'ai aidé à boire avec une paille. La moitié de l'eau a coulé le long de son cou et mouillé davantage encore sa blouse, mais à ce moment-là, il était bien au-delà de l'inconfort. Il m'a regardé d'un air désemparé, avec sa lucidité des jours valides. C'était sûrement ça le plus violent, de le sentir conscient de son état. Chaque souffle s'annonçait à lui comme une décision insoutenable. Je voulais lui dire que je l'aimais mais je n'y suis pas parvenu. J'y pense encore à ces mots, et à la pudeur qui m'a retenu dans l'inachèvement sentimental. Une pudeur ridicule en de telles circonstances. Une pudeur impardonnable et irrémédiable. [...] Ces dernières années avaient été pour lui qu'une longue déchéance physique. Il avait voyagé d'hôpital en hôpital, de scanner et scanner, dans la valse lente et ridicule des tentatives de prolonger notre vie moderne. A quoi ont rimé tous ces derniers trajets en forme de sursis? Il aimait être un homme; il aimait la vie; il ne voulait pas boire avec une paille.
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Plus on meurt tard, plus on est seul le jour de ses funérailles.
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Il est tombé dans la douche.
Il est tombé dans les escaliers.

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