- On pourra voter, nous aussi ?
- Quand ça vous concernera. Mais je pense que le plus souvent, on s’en tiendra aux majeurs, si ça ne t’ennuie pas…
Françoise sourit. Simon leva de nouveau la main :
- Et en attendant, on ne va pas au collège, n’est-ce pas ?
- Non. Effectivement. Nous allons en parler avec vos parents, voir ce qui serait le mieux pour…
- Et là-dessus, on pourra voter ? Parce que ça nous concerne…
Des rires.
- Nous verrons, Simon.
Françoise redevint sérieuse.
- Je voulais vous rappeler aussi que je conserve une pleine autorité en matière de police, sur l’île. Je vous tiendrai informés, bien sûr. Mais quoi qu’il arrive, quoi qu’il se soit passé sur le continent, je crois que le pire danger serait de laisser s’installer la discorde ou le désordre parmi nous.
Car ça isole, le malheur, le malheur absolu. Le malheur de perdre ainsi, sous ses yeux, un père qu'on aime.
Sans prévenir.
Moi, il me semblait que le temps s’était arrêté pour toujours [...]
Mais c’était faux.
Les choses continuent, elles recommencent sans les absents, tôt ou tard.
p278
Si tu veux consoler quelqu'un, commence par lui rappeler qu'il a de bonnes et justes raisons d'être triste. Il faut prendre la tristesse au sérieux.
Maintenant que les nuages et la brume de mer s’étaient dissipés, on distinguait parfaitement le continent, à quatre kilomètres de nous : le fort d’Énée, comme un récif planté à ras de l’eau, au milieu de la traversée ; la jetée de la pointe de la Fumée, et, à peine plus loin, le bourg de Fouras ; la côte qui s’étirait, largement urbanisée, perspective à perte de vue, semée presque sans discontinuer de maisons basses, hérissée çà et là d’un clocher, d’un château d’eau, et au moins aussi souvent d’une tour militaire, d’un sémaphore, puisque l’homme a sans cesse fortifié cette rade…
Mais ce ne fut pas la vue familière, ni même le calme de l’océan, couleur de boue, qui nous frappa ce matin-là. Non. Ce furent les trois fumées qui montaient depuis La Rochelle, très loin ; trois lourdes colonnes noires qui semblaient un funeste présage.
Mais tu sais, Jolan, la rancune est comme le remords. Il lui faut un peu de temps pour se dissoudre.
Cette lecture filée pendant cette période de confinement a été une nouvelle expérience sur bien des plans. C'est la première fois que je lis un feuilleton. Cette expérience est autant remarquable par la qualité du texte que par le paratexte ! L'attente, les retrouvailles chaque jour comme un rituel sur la page facebook de l'auteur, les réactions sur le vif, confronter ses impressions à celles des autres ! Magnifique cette communauté éphémère qui tient à la particularité des conditions dans lesquelles elle s'est exprimée et qui en fait toute la beauté... C'était un bon alignement des étoiles littéraires !
La professeuse documentaliste
Attendre sans rien faire, c'est pire que de faire des trucs inutiles.
... les prenant sous la nuque et sous les genoux, comme s’ils risquaient encore d’aggraver une blessure ;
ils les recouvrirent de la housse en plastique, comme si la pluie risquait encore de les tremper.
P276
C'était ton erreur, Blanchette, de vouloir trouver dans les livres une explication à ce qui se passait sur le continent. Une erreur d'adulte. Et tous tes amis t'ont crue parce que tu es la plus savante.