La Défaite, la Victoire, la Haine, la Bravoure, ce sont des choses qu’on lit dans les livres. Les pauvres petits qui se font tuer ne seront des héros que dans cent ans, sous la plume d’un grand écrivain.
Il ne savait pas rêver. Chez les gens des villes, la fibre poétique est morte. Ils ne savent ni se chercher, ni se trouver; ils tentent plutôt de se fuir, de se griser de bruits et de sensations qui leur viennent de l'extérieur, et voilà ce qui les porte, leur misère aidant, à l'agitation sociale. Nous, au contraire, les domestiques de la campagne, ceux de la vieille école, nous nous cherchons au cours des longues soirées, nous nous trouvons et nous jasons interminablement avec nous-mêmes. La solitude, l'obscurité, l'ennui n'ont plus de prise sur nous que sur un vrai poète, qui sait se contenter de son rêve.
Chez nous, la culture s’apprend avec le calendrier. On ne plante les patates qu’à la Saint Georges, le 23 avril. Donc le 23 avril de l’année 1940, le patron nous emmena planter les patates.