Tout commence par une disparition, celle d'un gamin au coeur du
blizzard quelque part dans un coin paumé de l'Alaska.
Une seconde d'inattention, un lacet défait, une main lâchée et Bess se retrouve seule, sans Thomas. Accablée par le poids de cette terrible erreur, elle décide de poursuivre et de le retrouver malgré le
blizzard qui fait rage au dehors.
Benedict, lui, se rend compte qu'il manque les vestes de Bess et du petit.
La porte grande ouverte, la neige qui s'y engouffre déjà et Benedict a compris, une chose terrible vient de se produire et la femme qui partage sa vie dans cet enfer blanc loin de tout a commis l'irréparable : se perdre dans le
blizzard.
Contre toute raison, Benedict demande l'aide de Cole, un « oncle » qu'il connaît depuis tout petit dans ce coin perdu de l'Alaska pour partir à la recherche des deux pauvres diables.
Une traque s'engage…mais elle ne sera pas celle que l'on pense.
Avec
Blizzard,
Marie Vingtras livre un premier roman glacial et hanté.
Alors que le lecteur s'engage entre les rafales de neige, l'histoire se sépare entre quatre fils directeurs, reliés chacun à l'un des personnages-clé du récit.
Bess, une jeune fille meurtrie par une mort qui ne lui a laissé que remords et culpabilité, Benedict, un frère et un fils sans repère qui n'a jamais trouvé ce qu'il cherchait, Freeman, un vieux Noir américain coupable du pire et broyé par l'histoire de son propre pays et Cole, l'intrus, le paria qui trouve dans l'exil une façon de cacher ses vices aux autres.
Blizzard pourrait être un roman de survie, un roman de traque où les personnages luttent contre les éléments pour se retrouver. Mais ce n'est pas ce qui intéresse
Marie Vingtras.
Dans cette tempête, les émotions et les souvenirs jaillissent, incontrôlables, comme éparpillés par le vent et la neige. À travers le
blizzard, des silhouettes, des fantômes. Car c'est bien un récit de fantômes qui se fait jour au fur et à mesure des pages, à travers des histoires de vies hantées par les disparus.
Ici, un frère qui a fuit sans raison sa famille, là une femme qui ne supportait plus la rancoeur de sa mère, ailleurs un homme qui se souvient de l'effacement brutal de son fils par la guerre.
Si Bess recherche le petit Thomas et si Benedict recherche Bess, ce sont eux-mêmes que les personnages vont finir par poursuivre, par traquer dans le
blizzard du passé.
Roman de douleurs refoulées et d'exil pour expier,
Blizzard raconte les traumatismes de ses personnages avec la plume fine et précise de
Marie Vingtras. Les douleurs d'antan resurgissent par petits morceaux, découpées en chapitres courts et incisifs. Et peu à peu, le livre-fantôme devient un espoir de rédemption, une façon de remettre les choses en ordre en trouvant le mal qui rôde parmi les hommes, le mal insidieux que l'on a pas vu ou pas voulu voir.
Marie Vingtras explore de façon méticuleuse les drames personnels des uns et des autres, croise parfois le tragique de l'Histoire américaine et surprend les survivants en plein désarroi. L'important change au fur et à mesure que Bess, Benedict et Freeman cheminent dans leurs pensées et dans leur passé.
C'est finalement la rédemption qui prend le dessus, autour de Thomas, l'enfant qui partage le nom du frère disparu de Benedict, l'enfant perdu par Bess comme un écho à une soeur aujourd'hui rendue à l'ombre, l'enfant qui incarne à la fois ce petit-fils que Freeman n'a jamais eu et ce fils qu'il n'a jamais retrouvé. Autour de cette quête, l'existence offre une deuxième chance à ceux qui ont failli, à ceux qui n'ont pas vu, à ceux qui ont fait fausse route.
Mais parfois, la faute est trop lourde, trop terrible et la rédemption se trouvera sous la neige, dans la crevasse, pour les vrais monstres qui rodent.
Marie Vingtras offre au lecteur un roman-choral où tout se rejoint, tout se résout autour d'un enfant, pour réparer les fautes du passé et ne pas commettre à nouveau les mêmes erreurs tragiques.
On en ressort épuisé, changé, chaviré mais de nouveau entier.
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