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Citations sur Le temps de l'enfance (21)

Ce sont maintenant les heures les plus difficiles pour lui, où le sommeil le gagne. Rien ne l’indique, d’autant plus avec ce ciel sans ciel, mais le moment de bascule approche où la nuit s’organise pour laisser la place au jour, Pierre le sent dans sa tête, dans ses yeux qui se ferment. Le froid mouillé qui l’enveloppe et l’ankylose et lui pénètre maintenant la chair n’arrange pas les choses. Il faut qu’il soit robuste. D’autres tomberaient malades. Il faut qu’ils soient tous solides dans les loges de la forêt.
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Elle s’en voulait d’être née fille. Pourquoi, Lise ? On est toujours derrière, toujours bonne pour servir, laver, brosser, bercer, se coucher, torcher. Elle avait les mots durs dans ces moments-là, et l’œil noir. Mais elle ne cédait rien aux hommes. Mon arrière-grand-mère était une grande dame. Elle s’est emportée, un jour, contre un caroulet 1 sec et noir comme un grillon à qui elle avait confié une chaise. Le rempaillage était raté. Elle croisait les bras sur son seuil. Elle a sorti son couteau de sa poche et l’a enfoncé dans la paille. — Tu vois ce que je fais de ton chantier, bon à rien ? Fous-moi le camp ! Ses coups de couteau rageurs déchiquetaient la paille. — Ne me demande pas de te payer ! Il y a eu aussi son face-à-face avec le propriétaire, « Monsieur notre maître ». Elle refusait de le faire déjeuner tout seul « dans la belle chambre » comme le faisaient les voisins, quand il venait pour les comptes. — Il mangera avec vous, les hommes. Il n’y a pas de raison ! Elle mangeait toujours debout, de service, l’assiette dans sa main. Elle a apporté la tranche de jambon. Aujourd’hui ils mangeaient de la viande puisque le maître était là. — Servez-vous, notre maître. Le maître s’est coupé, pour lui, quasiment la moitié de la tranche.
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Elle avait besoin de se défaire et de se reposer, de souffler. J’étais un enfant, mais je le sentais, un enfant sent ça. Je sentais que m’asseoir sur ses genoux contribuait à soulager la tante Irma. Nos doigts jouaient, nos mains se cherchaient. Un jour, elle est arrivée avec un hématome éclaté sur la pommette. Elle a dit qu’elle s’était cognée.« Tu crois qu’ils l’auraient cognée ? » a demandé ma mère à mon père.Elle ne se plaignait jamais. Pourquoi Bournezeau ne conduisait-il pas sa femme enceinte en voiture et l’obligeait-il à venir à vélo au bourg, à quelques jours d’accoucher ?Elle disait :« C’est comme ça. »Il m’est arrivé, lorsqu’elle avait les larmes aux yeux, de poser ma petite main sur la grande d’Irma comme si elle pouvait la protéger. A notre table, la tante n’était pas affaissée, non, relâchée, tranquille.Je me suis incliné sur le lit.
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Je n’étais pas amoureux d’elle. Elle avait au moins l’âge de maman. Je n’étais pas ignorant des choses de la vie. A l’école, j’entendais les mots crus des gars de la grande classe quand ils parlaient des filles. Des histoires de culottes réjouissaient le village. Et Marie était concernée plus que d’autres. J’étais curieux « comme une belette », disait tante Irène, et elle n’avait pas tort. J’allais chez Marie et j’étais bien chez elle. Je n’avais pas à slalomer longtemps pour monter de chez ma tante à sa maisonnette. Je prenais le chemin de l’étang.
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Tout ce que je vis aujourd’hui est lié à ces moments d’enfance. J’ai grandi. Je les croyais en allés. Mon monde s’élargissait. Je regardais devant. J’ai rencontré Marie-Claude. Nous nous sommes fait de nouveaux amis. Nous avons construit ensemble. Soudain ils surgissent, mon arrière-grand-mère Lise, Marcellin cahotant dans ma tête, la belle Olympe, Henri caracolant sur son cheval. Il suffit d’une étincelle. Ils se mêlent au présent. Le passé ne meurt pas. Quelle chance que la vie des autres. Ceux que j’ai rencontrés hier et avant, aimés ou détestés, parfois sans qu’ils s’en doutent, continuent d’être là. Ils parlent, m’interrogent, m’orientent.
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On est au milieu de nulle part. Ils n’entendent plus le ronronnement du moteur de tracteur sur le plateau qui les accompagnait au départ. Et ils arrivent à un beau dégagement parmi les arbres qui forme plate-forme en surplomb de l’eau. Des fourches de bois où fixer des cannes à pêche sont enfoncées dans la terre piétinée. Ce doit être là, c’est là, le coup de Marcellin.
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Les reins d’Aline ne filtraient plus. Des œdèmes lui ont couturé le corps et taché la peau. Le surcroît de sucre lui avait brûlé le cœur. « Mon petit cœur... » disait-elle, et on ne savait si elle parlait du sien ou de Marcellin. Elle ne l’avait jamais appelé comme ça devant tout le monde aux Genêts. Elle n’a pas résisté longtemps.
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Elle avait soixante-trois ans, l’âge de Marcellin. Ils se sont tout de suite attachés l’un à l’autre. Elle avait été aide maternelle, un grave diabète la minait. Elle avait fait toute sa carrière dans des communautés de religieuses qui l’avaient éloignée des hommes. S’est-elle intéressée à Marcellin, au début, par pitié ?
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Il s’agit bien d’apprendre, dès maintenant, le métier d’hommes du culte. Nous rivalisons d’inventions à ce sujet. Nous traçons en tête de nos copies, on nous l’a fortement suggéré, une petite croix avec l’invocation « Jésus, Marie, Joseph » ou une intention de prière. Je le fais aussi.
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J’aime leurs mains chaudes. Le chemin est trop étroit pour marcher de front. Je ne sais pas si je parle beaucoup. Ma mère me demande ce que je mange. Elle trouve que j’ai maigri et, peut-être, un peu grandi. Mon père attrape les branches d’un cormier et cueille les fruits mûrs. Ma sœur sort de son sac du fil à scoubidou qu’elle glisse dans ma poche. Je ne suis pas sûr qu’il soit autorisé au séminaire.
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