Zondagskind

+++++++ ENFANT DU DIMANCHE +++++++

Je connais l'auteure, Judith Visser née à Rotterdam en 1978, pour avoir lu plusieurs de ses 11 thrillers. Ces policiers sont originaux et réussissent, par un bon rythme, à captiver lecrtices et lecteurs. Aucun n'a pourtant été traduit en Français.

L'ouvrage présenté ici aujourd'hui est d'un genre tout à fait différent puisqu'il relate la croissance d'une gamine frappée d'autisme. Sur la couverture on peut lire que la petite Jasmine ne parle pas, ou alors seulement à son chien et Elvis. Et comme ils ne répondent pas, la petite trouve cela parfait.

Cette Jasmine est une projection de l'auteure chez qui on a détecté dans sa jeunesse le syndrome d'Asperger.
Dans une interview avec la presse Judith Visser a spécifié qu'il ne s'agit pas à proprement parler d'une autobiographie, mais que la petite Jasmine incarne bel et bien une large partie de son enfance. Elle a toutefois sélectionné et éliminé dans ses souvenirs. C'est son plus "gros" livre jusqu'à présent, 480 pages, et le manuscrit initial en comptait 3 fois plus.
Comme autiste elle a donné de nombreuses conférences et très souvent il lui fut suggéré d'en publier un livre. Non sans hésitations et réticences elle s'est mise à l'oeuvre, ce qui lui a demandé quasiment 3 ans de travail acharné. le but de l'exercice étant de faire voir le monde à travers le regard d'une gamine autiste.
J'ai ajouté une photo de Judith à l'école maternelle.

C'est en 1943 que le psychiatre autrichien, Hans Asperger (1906-1980), a identifié la maladie qui porte son nom et qui se caractérise par des difficultés dans les rapports avec les autres, une utilisation atypique du langage et des maladresses physiques... Entre leurs 6 et en 8 ans les enfants Asperger commencent à s'apercevoir de leur différence.

Le titre du roman se réfère à sa date de naissance : le 29 janvier 1978... un dimanche pluvieux.

Le récit démarre en 1997, Jasmine a 19 ans et se trouve à bord d'une bagnole d'auto-école et s'approche d'une rotonde, peu rassurée. Elle enregistre plein de détails sans importance, mais, à l'exaspération de son instructeur, il lui manque totalement une vue d'ensemble. Pendant qu'elle cherche par exemple une signification à la plaque minéralogique de la voiture devant elle (PF-JJ-80 devient dans son imagination Panthère Fière-Jamais Jaloux-80 kilos), un autre véhicule bifurque à sa droite qu'elle n'a pas du tout vue. L'instructeur comprend qu'il y a un sérieux problème psychologique et l'envoie voir un toubib.

Le toubib elle a vu, et plus qu'un, plein, mais jamais le permis de conduire.
C'est, en fait, alors que des psychiatres ont constaté que Jasmine/Judith était Asperger.

Un petit exemple du style de l'ouvrage et en même temps comment Jasmine était comme môme. Elle rappelle qu'elle avait 4 ans lorsqu'elle s'est échappée de l'école maternelle. Pour elle aller à l'école était pareil que d'aller faire des courses et elle ne comprenait pas que sa mère la laissa là et s'en alla. Jamais, elle n'avait été seule sans sa chère maman et sa meilleure amie Senta, "qui avait 2 ans de moins que moi, et que les autres appelaient un chien".

Comme on peut voir sur les photos que j'ai ajoutées sur Babelio, Judith Visser a un lien spécial avec la race canine. Il y a eu Wolf (un chien-loup), et maintenant Sandy, Fontana et Yuriko, qu'elle amène partout et qui n'est jamais bien loin, même lorsqu'elle donne une conférence. À la télé, elle a déclaré : "tout le monde croit que son chien est spécial et tout le monde a raison".

Seulement la vie d'une petite autiste est loin d'être simple. À l'école Jasmine se met dans un coin, souffre du bruit et des mouvements des gosses, qu'elle observe avec appréhension, son oeil gauche à peine entrouvert et ses mains bouchant ses oreilles.
Après s'être sauvée de l'école, elle n'ose pas traverser la rue et s'installe dans les toilettes d'un bâtiment public où elle s'endort, fatiguée de toutes ces émotions et après avoir fait la réflexion qu'elle aurait préféré ne jamais arriver à 4 ans.
Lorsque finalement elle est rentrée à la maison et que son père la gronde un peu, elle explique qu'elle veut bien aller à l'école "mais sans tous ses autres enfants".
Une phrase qui résume parfaitement sa situation et handicap.

Je pourrais multiplier les petites phrases par lesquelles Judith Visser illustre de façon impressionnante la particularité de l'état d'une enfant et, plus tard, d'une adolescente face à ce traumatisme, mais je préfère vous laisser découvrir par vous-même la qualité rare de son approche.
Pour moi cet ouvrage a été un réel coup de coeur !

J'ai pris contact avec Mme Visser pour savoir si une maison d'édition française s'est montrée intéressée en une traduction de son oeuvre, mais cela n'est pas (encore) le cas. Incroyable ! Vu le thème particulier, la beauté de son style, ainsi que le considérable succès de cet ouvrage aux Pays-Bas et en Flandre.

Comme il s'agit d'un des plus émouvants livres qu'il m'est arrivé de lire depuis fort longtemps, je lance un appel aux éditeurs en France de procéder à une traduction et à une publication pour le marché francophone où les lectrices et lecteurs seront légion, j'en suis intimement convaincu.

Judith Visser habite actuellement avec son mari et tous ses chiens dans un petit village à l'écart et à 45 kilomètres à l'ouest de Rotterdam. Lorsque l'auteure se présente à quelqu'un, elle a coutume de dire : "J'écris des livres et vis dans une meute".