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Citations sur Dondog (17)

Les êtres aimés disparaissent, la révolution mondiale s’éparpille en poussière comme une bouse sèche, dans l’espace noir on ne rencontre plus les personnes qu’on aime, les golems s’effondrent les uns après les autres, le sens de l’histoire s’inverse, les passions dérivent vers le rien, la signification des mots s’évanouit, les ennemis du peuple et les mafias triomphent à jamais, les rêves trahissent la réalité, mais la vengeance subsiste, un chicot irréductible de vengeance qui n’a plus aucune justification, qui se limite à un geste de violence sur une cible très douteuse.
Et ceci encore, le plus révoltant : on n’échappe pas à son schwitt.
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– Tu n’as rien à te reprocher ? insista la mère de Dondog.
L’image des feuilles mortes aussitôt écrasa Dondog. Le prolétaire victime du sabotage avait eu le temps de se plaindre, ou un témoin du méfait, le crémier, par exemple, avait téléphoné au cinquième étage pour dénoncer les criminels.
Dondog rougit, les larmes lui vinrent aux yeux.
– Tu n’as rien à te reprocher ? répéta la mère de Dondog.
Elle avait cette attitude qu’adoptent les adultes quand ils savent tout.
– Non, dit Dondog éperdu.
Il ne songeait soudain qu’à sa honte et craignait affreusement d’afficher celle-ci sur son visage.
– Cherche bien, Dondog Balbaïan, dit la mère de Dondog.
Elle tenait une enveloppe déchirée. La lettre avait été repliée à l’intérieur. Les mains étaient énervées, auréolées par le jaune sombre de l’orage magnétique. Elles ne tremblaient pas. Dondog se tut pendant dix secondes, terrassé sur la chaise dont le paillage croisé lui talait les fesses. Il sentait s’embraser ses joues, ses oreilles. De l’autre côté de la table, face à lui, sa mère à son tour s’assit. L’ocre du ciel se salissait de noir à grande vitesse. Il y eut encore dix ou douze secondes de lourde accalmie, d’anxiété, puis l’interrogatoire proprement dit débuta.
– Je n’ai jamais été autant humiliée de ma vie, commença la mère de Dondog.
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Elle avait récemment appliqué sur ses cheveux une teinture approximative, et il y avait dans ses mèches des reflets d’argent mauve, de suie mauve. Au-delà de ces irisations, Dondog huma une odeur de légumes à la sauce d’huîtres qui stagnait là depuis des jours. Un bol en céramique bleue était posé sur la table, à côté d’un couteau de cuisine chinois qui aurait pu servir de hache de défense, en cas d’agression. En cas de nettoyage ethnique ou autre. Les murs ruisselaient. Des journaux avaient été punaisés pour éponger l’humidité. L’actualité était locale, consacrée aux faits divers, peu parlante pour Dondog. De toute façon, depuis un siècle au moins, les nouvelles n’étaient pas bonnes.
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Les habitants de la Cité n’appartenaient pas à une seule ethnie, évidemment. Dondog tendait l’oreille, son oreille habituée depuis des décennies au sabir internationaliste des camps, et il reconnaissait ce mélange des idiomes qui ne s’épanouit véritablement que derrière les barbelés, et qu’il avait eu toute la vie pour apprendre. Pour autant, il n’arrivait pas à identifier avec certitude la moindre phrase. Tout était très déformé, comme cela se produit au coeur d’un mauvais rêve, ou encore quand on cherche à comprendre, par exemple, du mongol lentement ânonné par un Américain, ou du chiu-chow mutilé par un Allemand, ou pire encore.
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Maintenant la maîtresse de Dondog repose sous une pierre tombale, maintenant elle gît, maintenant la maîtresse repose et se décompose, on pourrait imaginer sa sépulture par exemple dans un petit cimetière de campagne, à la lisière d’une forêt de sapins, près des champs en friche et près d’une grange délabrée, les os de la maîtresse bientôt auront perdu toute la viscosité de la vie, son corps de maîtresse deviendra humus puis descendra plus bas encore dans l’échelle de la non-vie et perdra la viscosité, l’élasticité, le droit à la fermentation ralentie ou grouillante de la vie, maintenant la maîtresse de Dondog va cesser de fermenter et elle va entamer sa descente et devenir un ensemble filamenteux et friable que nul ne pourra nommer ni écouter ni voir. Voilà à quoi bientôt elle sera réduite, dit Dondog. Tout son être se sera décharné jusqu’à la poussière et se sera effacé. Tout aura rejoint les magmas non vivants de la terre. Et quand je dis tout, je pense en priorité aux mains qui, dans les marges des cahiers de Dondog, si souvent inscrivaient des annotations malveillantes, et aux yeux qui ont relu le texte de la dénonciation accusant injustement Dondog, ou encore à la langue de la maîtresse qui a léché le bord de l’enveloppe pour la cacheter ; tout cela se dispersera au milieu de la terre non vivante.
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La boîte de conserve roulait sur le carrelage sale du couloir. Dondog l’avait à peine effleurée, du pied gauche, je crois, et pourtant elle roulait. La pénombre très dense empêchait de savoir s’il s’agissait d’une boîte de bière ou de Coke. Vide, léger, le cylindre d’aluminium poursuivit sa course bruyante puis s’arrêta, sans doute parce qu’il s’était collé à des ordures plus lourdes que lui, plus poisseuses.
(incipit)
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Nul ne criait , reprend-il après une nouvelle pause.Nul n'était brutalement aveuglé par le faisceau des phares,nul n'avait été démembré par des armes de soldats ou avec des sous-armes d'auxiliaires de soldats, essaie-t-il de dire. Schlumm était là bas comme en dehors du monde , il tâtonnait.
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Les étoiles se dissolvaient dans le ciel déjà d'un beau gris-bleu abyssal. Autour de l'étang que ternissait une mince pellicule, des oiseaux commencèrent à pépier. Je crois qu'il s'agissait de traquets des steppes, mais, à cette altitude, je n'en mettrais pas ma main au feu, dit Dondog. Des bêlements fusèrent dans les étables, un hennissement retentit. Une cuvette de fer fut déséquilibrée à l'intérieur d'une yourte et tomba
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Il n'y a pas d'âge pour faire mourir la vérité, il n'y a pas d'âge pour sauver sa peau dans le déshonneur et le mensonge, il y a un moment dans la vie où il faut commencer à confondre en soi la brûlure du mensonge et la brûlure de la vérité, et à entretenir cette brûlure pour les cinquante ou soixante ans de désastre que l'on peut prévoir devant soi encore.
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Tu gaspilles ton temps dans la boue des rêves, c'est ce que je m'épuise à te dire. Tu ne sais même plus vers quoi on est en route, vers le soir ou vers le matin.
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