Une fois écrasés et condamnés, reprend-elle, les écrivains du post-exotisme se sont obstinés à exister encore, dans l'isolement des quartiers de haute sécurité ou dans la clôture monacale définitive de la mort. Leur respiration n'a plus servi qu'à assurer leur survie en tant que corps inutiles, disons en tant que poumons avec conscience, en tant que poumons bavards. Leur mémoire est devenue un recueil de rêves. Leurs marmonnements ont fini par façonner des livres collectifs et sans auteur clairement revendiqué. Ils se sont mis à ruminer sur les promesses non accomplies et ils ont inventé des mondes où l'échec était aussi systématique et cuisant que dans ce que vous appelez le monde réel. Elle s'interrompt. Le vent autour d'elle ne bouscule plus les herbes, tout est immobile, même les corbeaux. Elle aimerait tout de même voir ceux qui sont couchés ou peut être assis devant elle, invisibles dans le trou de terre, les brûlés qui doivent être encore là, mais qui ne se manifestent aucunement. - Dans ce que les morts appellent le monde réel, précise-t-elle.
Une ultime palabre qui répondrait au premier mot de la toute première histoire, à ce “comancer” [...], clore son édifice littéraire [...] sur le verbe “finir” ou “terminer” [...], puis il se dit que son projet était puéril [...], et que de n’avoir pas pu écrire “finir” ou “terminer” sur une dernière page avant sa mort n’est qu’une défaite de plus.
Il semblerait injuste de ne pas mentionner, en bonne place parmi les personnes à qui je veux exprimer ici ma gratitude, le chien Ramsès de ma soeur Brigit, qui plusieurs fois m’a averti de l’approche d’importuns, et, avec une intelligence rare, les a tenus à distance, le temps que je me cache dans la chambre d’amis pour y faire le mort.
Sans établir de hiérarchie dans le mérite, je remercie ici vivement les codétenus avec qui j'ai partagé les quarante semaines de mon incarcération à Jogjakarta, et, en particulier, le chef de cellule Muslim Bang, qui a interdit aux prisonniers de l'étage de me sodomiser et m'a enseigné les subtilités de l'emploi des retardateurs plantés dans un pain de plastic, subtilités qui se sont développées dans Adieu nuages. p.78
Parmi les personnes à qui je suis formidablement redevable de m'avoir soutenu dans les moments difficiles, une place toute particulière doit être réservée à Tatiana Vidal, à son mari Olaf et même à leur bébé Carmelita, pour les encouragements qu'ils m'ont prodigués alors que, songeant à me défenestrer, j'avais déjà enjambé le rebord du balcon de leur vingt-deuxième étage.
Sans leurs paroles réconfortantes, intelligentes et appropriées, et sans les sanglots stridents de Carmelita, je crois bien que je n'aurais jamais terminé mon roman Macbeth au paradis. p.76
Une vaste littérature qui a touché à peu près à tous les sujets et à tous les genres, dit-elle ensuite, mais qui n'a pas de nom.