AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,2

sur 22 notes
5
3 avis
4
5 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Toutes les voix qui habitent ce livre, les sept principales unies à toutes celles qu'elles relayent, envahissent le lecteur. Elles donnent envie de les faire entendre à notre tour en les psalmodiant.
Faire comme ces «Ecrivains», méconnus ou totalement inconnus, qui entrelacent leur voix et font entendre celle des morts qui les hantent jusqu'à ce qu'eux-même soit emportés. Car ce qui importe c'est de dire, de montrer une fois, une dernière fois avant de disparaître que «tant que nous disposerons d'un peu de souffle encore, nous inventerons encore et encore la magie absurde de cette parole, nous irons dans les mots et nous dirons le monde.» (voix de Linda Woo dans «Discours aux nomades et aux morts»)

Lutter jusqu'au bout même seul, isolé dans la folie, l'enfermement, le silence, parvenir à dire même mal, en résistance contre la dictature, contre le mépris, contre la mort, jusque dans la sombre errance du bardo telle Marie Trois-Cent-Treize qui a été abandonnée par le lama qui devait préparer son corps et la guider par sa voix durant les 49 jours que dure le voyage vers la réincarnation ou la lumière.

Je trouve que la définition de l'apport de Nikita Kouriline à l'ensemble définit parfaitement la façon dont est composé «Ecrivains» à travers ses sept chapitres. 
«Le roman de Kouriline comporte plusieurs parties qui ne sont pas successives mais s'entrecroisent sans cesse et forment un tissu puissant, brutal et indéchirable, qui peut à tout moment être renforcé par de nouveaux apports. L'auteur ne se soucie pas d'ordonner musicalement l'ensemble de ses multiples composantes narratives, parce qu'il sait qu'elles tiennent formidablement entre elles, qu'elles sont indissociables et que rien ne viendra les défaire tant qu'il sera vivant pour les énoncer.» ("Demain aura été un beau dimanche" dernier chapitre)

Oui, toutes les voix de ce livre n'en forment qu'une dont celle de Volodine qui les convoque les unes après les autres comme Outchour Tenderekov qui «monte sur une chaise et agite les bras pour que le rêve revienne en lui.... , et dont «on pourrait penser qu'il se livre à une séance d'évocation chamanique». Et le lecteur est lui-aussi envouté.
Commenter  J’apprécie          380
Les voix de Volodine.
Volodine n'est qu'une des voix du courant obscur surgit des cauchemars du XXe siècle, ce siècle perdu de tortures, de barbaries, de nihilisme, et d'utopies meurtrières. Antoine Volodine, Lutz Bassmann en passant par Manuela Draeger, sont déjà les hétéronymes déroutant d'un même écrivain, auquel s'ajoute tout un réseau d'alter-écrivains activés au fil des textes et des appels intertextuels. C'est une machinerie auquel Volodine (pour prendre la voix principale) tient beaucoup, celui porte-parole des morts, des disparus, des marginaux et des cruautés vécues et oblitérées.
Ainsi dans ce livre d' « Ecrivains » il n'est pas question de retracer l'improbable maquis d'expérience de Volodine lui-même ou d'écrivains réels ou hétéronymes, mais plutôt de ces parcours d'écrivains imaginés encore – et nécessairement – inconnus. Et maudits aurait-on envie de rajouter. Mais finalement pas tant que ça. Là où l'on était presque habitué aux antiennes du post-exotisme, dans ce volume le décalage et l'ironie est une stratégie durant les 7 récits qui composent cet improbable « roman » défiant tous les genres. Rien que l'appellation « roman » là où Volodine avait créé les genres improbable de la Shaggå, de l'entrevoûte, du romånce, du murmurat, du narrat, nous fait un signe.

Comment ces écrivains sont devenus écrivains du post-exotisme, autobiographie forcément fictionnelle fractionnée et incomplète. Pour en rendre la teneur je ferais 3 groupes avec ces récits :

1) « Mathias Oldane » et « La stratégie du silence dans l'oeuvre de Bogdan Tarassiev », narrent les déboires et la débâcle de deux écrivains supposés et à venir dans une satire assez drolatique, satire que prolonge « Remerciements » qui n'est autre chose qu'une liste de remerciements caviardés d'anecdotes sombres, d'admirations décalées et de légères détestations parodiant les « remerciements » d'un livre bien sûr inévoqué et attaquant là encore la machine médiatico-éditoriale.
2) Deux récits : l'un « Comancer » rappelle la biographie comparée à Jorian Murgrave, en décrivant la plongée dans l'enfance traumatique et pourtant illuminée d'un écrivain, tandis que l'autre, « Demain aura été un bon dimanche », reste plus classique (sic): un écrivain marqué par la mort de sa mère en couche et les exécutions sommaires des troïkas soviétiques.
3) Enfin « discours aux nomades et aux morts » comme « Théorie de l'image selon Maria Trois-Cent-treize » sont des métadiscours sur le post-exotisme, procédant comme toujours par proximité et différence pour tisser les leurres de l'impossible théorie de cet univers volontairement noirci. Parce que c'est la fiction-condition de la révolte ? Mystère, les rapports entre littérature et engagement sont particulièrement complexes.

La réflexion de Volodine est profonde, sa voix singulière s'impose et se confirme au fil des oeuvres qu'il compose. Dans ce livre reprenant par excellence celui des « voix » de l'écrivain s'il n'y a pas de « parlure » à la pâte de loukoum proustien (grâce lui soit rendue), tous ses personnages se font écho d'une même expérience de la violence et parlent avec la même pâte noire du désastre dans la bouche. Et même cette suie a du goût, et ces voix ont du sens et font en commun un choeur difficile à ignorer. Espérons donc qu'il soit lu encore davantage.
Lien : http://lucienraphmaj.wordpre..
Commenter  J’apprécie          50
Obscurité , camp, enfermement, assassinat, survivant, steppe, nomadisme, fantastique, lutte, guérilla, engagement politique, désillusion, désespoir, mort, rêve, misère, exploitation, dévastation.
Littérature
Continuer à parler de cela
Ce livre est le manifeste de Volodine
Commenter  J’apprécie          40
Véritable tour de force littéraire, qui convoque tour à tour les voix de plusieurs "écrivains" au sens d'humains vivants, morts ou dans les limbes mais toujours attachés aux mots, comme en écho de leurs enfers respectifs.
La forme n'est pas banale (j'ai particulièrement été estomaqué par le chapitre intitulé "remerciements") mais elle emporte à coup sûr son lecteur. Ce n'est pas le premier ouvrage de Volodine que je lis (j'ai commencé il y a déjà des années avec "dondog"). J'ai besoin de retourner de temps en temps à cette écriture dense, magnifique mais très austère.
Commenter  J’apprécie          30
Contient l'un des meilleurs "remerciements" jamais inclus dans un livre...

La dernière machinerie post-exotique de Volodine, encore plus décalée et métalangagière que précédemment... Une mention particulière au "Discours aux nomades et aux morts, magnifique de dureté, et aux "Remerciements", franchement drôle !
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (79) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1713 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}