Sur un mode volontairement éculé (Vasquez Diaz sait combien son île s'est pétrifiée de Castrisme, comme une carte postale des années 60), l'auteur nous invite à sa cuisine comme dans sa vie, à ses racines comme aux prémices de son écriture.
Cynique à souhait, drôle, détonnant, créatif autant dans la forme que dans le fond, ces truculents et réjouissants cahiers d'Exilia (il faut lire « exil ») sont perpétuellement perchés sur le fil du rasoir. Une tension travaillée au corps, une démence qui guette et une narration éblouissante toujours périlleuse : l'excellent Vasquez Diaz prend toujours des risques. Il mêle cuisine et environnement traditionnel de femme à un ton d'une virilité absolue : le tout est d'une sensualité et d'un culot littéraires réussis, et le drame du déracinement affleure partout.
Bien plus que la cubanité, c'est la complexité de l'exil que Vasquez Diaz réinvente avec bonheur et talent dans sa tropicale cuisine.
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Ayant lu un livre récemment de Vázquez Díaz , j'ai entamé celui-ci plus un autre. J'aime beaucoup le style de cet écrivain: il sonne authentique et chaleureux.
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En sa qualité de maçon et de plombier, mon oncle est sans doute l'un des seuls cubains à n'avoir jamais travaillé pour l'Etat. Avec du matériel volé, ou de mèche avec des gens bien placés, il s'est toujours arrangé pour travailler pour son propre compte. Une fois je lui ai dit :
- Tonton, tu ne sais pas que ce pays a fait une révolution ?
Il m'a regardé surpris et m'a répondu :
- Ah oui ? Et qu'est-ce que j'en ai à faire ?
Ma fiancée chérie, aussi irremplaçable que ma propre denture, me dis-je furieux en ouvrant de nouveau les yeux et la bouche, comme un lézard, vers le soleil : je ne sais pas pourquoi bordel de merde ! je sentais que la perte de Mariela serait comme la perte de mes dents. Toutes d'un coup, molaires et canines, moi édenté précocement par un seul coup de pied au cul de l'Histoire.
Après avoir mangé on peut penser à tout ou presque, disait ma grand-mère Celia : à la politique, à l'amour, à l'éducation, à la culture, à la religion et même aux affaires et à la réussite sociale.