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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Avec la même efficacité que dans son précédent roman "l'ordre du jour", Eric Vuillard nous propose une version cynique et sarcastique de la guerre d'Indochine, du point de vue de la France.
La guerre a ses gagnants et ses perdants, mais l'objectif du gouvernement après des pertes considérables et des combats interminables qui durent depuis bien trop longtemps, c'est de trouver une "sortie honorable" de ce fourbi.
Les hommes en charges se succèdent au front, tentant tant bien que mal de trouver une solution à cette situation, qui leur échappe de plus en plus.

Une écriture incisive, une façon de montrer la guerre sous un autre angle, Eric Vuillard réussi son retour avec brio.
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J'avais beaucoup aimé "l'ordre du jour" et "une sortie honorable" est de la même veine! On devrait obliger les lycéens à lire ces deux ouvrages dans leur cursus en histoire. C'est tellement instructif et d'une clarté et d'une concision formidables. Merci Monsieur Vuillard de nous apprendre ces faits historiques mal connus, même cachés par les gouvernements français et allemands selon les deux ouvrages!
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j ai lu ce livre dans la foulée de l ordre du jour J y ai retrouvé la même érudition le même humour noir et cinglant mais cette fois appliqué au désastre de la guerre d Indochine … remarquable et pétrifiant le massacre d hommes pour la gloire et l honneur des militaires carriéristes et l enrichissement dès déjà plus riches . un livre engagé que je recommande vivement et qui tient du salut public
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« Une sortie honorable » d'Eric Vuillard, un livre-coup poing sur les dessous de la Guerre d'Indochine. Tu ne ressort pas indemne de sa lecture et t‘imagines ce qui se déroule en coulisses en ce moment pour les actions militaires en cours au Mali ( le nouveau pouvoir veut chasser les soldats français) et dans le conflit larvé entre l'Ukraine, la Russie et les Etats-Unis. Les intérêts des industriels et des banquiers d'affaire sont puissants et dirigent bien le monde politique, monde politique elitiste qui lui, ne s'occupe que de protéger les cyclistes en les obligeant à porter un casque sur leur vélo.
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"LE BON VIEUX TEMPS DES COLONIES"

▶️Indochine, 1923, dans un guide touristique, on peut lire : "va chercher un pousse, va vite, va doucement, tourne à droite, tourne à gauche, retourne en arrière, relève la capote, baisse la capote, attends-moi là un moment, conduis-moi à la banque, chez le bijoutier, au café, au commissariat, à la concession" - voilà les conseils donnés aux touristes français pour s'adresser aux coolies.
▶️Paris, 1950, Assemblée Nationale, les députés débattent du sort de l'Indochine qui s'enlise dans une guerre qui dure depuis 5 ans déjà ; tous, entre deux pauses à la buvette de l'Assemblée, rendent hommage à «nos héroïques soldats ». Un homme, un seul, Mendès-France, propose que soit mis fin au conflit en «recherchant un accord politique avec ceux qui nous combattent ». Tollé dans l'hémicycle ; «l'attitude de Mr Mendès-France est celle de l'abandon », et d'insister : «toute politique actuelle de capitulation s'apparenterait à celle de Vichy »
▶️La guerre continuera donc dans une succession de commandants en chef : Leclerc, Salan, de Lattre de Tassigny, jusqu'au carnage de Diên Biên Phu en 1954...Il n'est alors plus temps de chercher «une sortie honorable » ; deux issues possibles : «cessez-le-feu immédiat ou cessez-le-feu négocié » - dans tous les cas, l'humiliation...
▶️L'auteur porte une charge féroce sur "le bon vieux temps des colonies" et retrace le contexte historique et social de l'époque ; des ministres qui, d'un gouvernement à l'autre, enchaînent les maroquins ; des gouvernements successifs tous drapés dans "la grandeur de la France", soucieux des sociétés minières, d'étain, de caoutchouc et de leurs seuls intérêts financiers sur le dos des populations locales ; un népotisme de classe qui noyaute les conseils d'administration de ces mêmes sociétés, avec ce que que cela suppose de compromissions, de collusions entre politiques et hommes d'affaires - un marigot dans la lequel la Banque d'Indochine s'enrichit à millions au plus fort de la guerre...
▶️Un récit à charge, partial, certes, remarquablement documenté et formidablement bien écrit - c'est tout simplement passionnant !!..
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La guerre d'Indochine et ses plantations des Terres Rouges en somptueuse et acérée perspective cavalière.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/01/27/note-de-lecture-une-sortie-honorable-eric-vuillard/

Ce n'est évidemment pas par inadvertance qu'Éric Vuillard fait débuter son « Une sortie honorable », publié en janvier 2022 dans la collection Un endroit où aller des éditions Actes Sud, dix-sept ans avant le commencement de ce qui sera plus tard appelé la première guerre d'Indochine, celle « des Français ».

Ancré dans une furieuse réalité économique coloniale, même si elle se voulait nettement plus humaine que celle du fantasme impérial léopoldien (dont l'auteur avait dès son cinquième texte publié, « Congo », en 2012, saisi l'histoire et la terrible descendance), et tout aussi rationnelle qu'un autre fantasme, celui du « Fordlandia » brésilien récemment exploré poétiquement par Florence Jou, le conflit de 1945-1954 est bien une guerre de libération face à une oppression, et est évidemment très loin de se limiter à l'image d'Épinal, toujours aussi complaisamment colportée dans certains milieux peu soucieux des réalités historiques, sociales et politiques, d'une courageuse lutte contre l'hydre communiste conduite par quelques parachutistes héroïques dans l'indifférence d'une nation rongée par ses « politiciens ».

« Une sortie honorable » : c'est la demande exprimée en mai 1953 par le président du Conseil René Mayer à sa bonne connaissance de la ville de Constantine, dans la colonie algérienne fragmentée en trois départements français et un territoire militaire (l'un y était député, l'autre commandant de l'état-major local), le général Henri Navarre, lorsqu'il le fait nommer, à la grande surprise de l'appareil militaire français, commandant en chef en Indochine après la disgrâce (relative) de Raoul Salan. Ce sont les tenants et aboutissants de ce mandat sibyllin qu'Éric Vuillard nous propose ici d'explorer en sa compagnie, avec sa verve acérée de plus en plus inimitable.

L'une des grandes forces d'Éric Vuillard, qui s'affirme toujours davantage ouvrage après ouvrage, c'est cette capacité à tracer les lignes de force qui parcourent un moment historique, à enchaîner d'un pas alerte et d'une langue vigoureuse (rendue puissante par son maniement brillant de la distance ironique et de l'humour noir) les susbtrats matériels et structurels des anecdotes événementielles. On l'avait vu particulièrement à l'oeuvre dans ce domaine, avec « La bataille d'Occident » (2012) ou avec « L'ordre du jour » (2017), naviguant aussi à merveille entre l'entre-soi des élites et le terrain des 99 %, avec « 14 juillet » (2016) ou « La guerre des pauvres » (2019). Ici, pour débusquer le sel insensé qui enveloppe une interview du général de Lattre à la télévision américaine, une palinodie du député Edmond Michelet, une offre désinvolte et folle droit issue de l'anticommunisme maladif de x, un vertige calculatoire du général Navarre, une badine pas si anodine du colonel de Castries (qui sera fait général comme en consolation, alors que le camp retranché de Diên Biên Phu, qu'il commande, va tomber), et pour nous faire ressortir comment tout cela, qu'on le veuille ou non, fait système, l'art d'Éric Vuillard atteint des sommets.

Truculent lorsqu'il évoque à demi-mot le mépris des militaires vis-à-vis de leurs adversaires (qui engendrera indirectement cette génération de capitaines et de colonels qui tenteront d'appliquer en Algérie ce qu'ils estimeront plus ou moins adroitement être la leçon donnée par le Viêtminh), Éric Vuillard atteint le somptueux paroxysme de son écriture si particulière lorsqu'il évoque, comme un marqueur permanent du flot politique qui envahit tout sur son passage, le soubassement économique qui est discrètement là et bien là : le conseil d'administration de la banque Rivaud (chapitre 20, à quelques pages de la fin de l'ouvrage qui nous emmène en un clin d'oeil trente ans plus loin avec « La chute de Saigon »), qui ne deviendra que plus tard la banque de référence du RPR, et qui à l'époque est avant tout le centre de gravité d'un groupe comportant des sociétés aux noms aussi enchanteurs que Financière des Terres Rouges, Caoutchoucs de Padang ou Mines de Kali-Sainte-Thérèse (groupe sur lequel, rappelons-le au passage, le raid victorieux conduit par Vincent Bolloré en 1997 sera – coïncidence ? – à l'origine du décollage de la fortune de l'industriel breton du papier ultra-fin), est un petit monument littéraire à lui tout seul, tandis que le titre malicieux du chapitre 6, « Comment nos glorieuses batailles se transforment en sociétés anonymes », aurait pu constituer le véritable nom souterrain de ces 200 pages de lecture et d'écriture opiniâtre de l'Histoire réelle.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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La guerre d'Indochine, qui s'en souvient, la deuxième guerre, oui, la première encore un peu, mais celle d'Indochine pas du tout. Une sale guerre coloniale, qu'en plus, on a militairement piteusement perdue à Dien Bien Phu; Effacée par la guerre du Vietnam que les Américains ont perdu aussi et puis surtout l'Algérie encore vivace dans les souvenirs des deux cotés de la Méditerranée. Mais c'est celle-là que Vuillard nous narre, pas tant sur le terrain, dans la boue et les rizières qu'à l'Assemblée Nationale et au Haut commissariat, en nous faisant revivre la médiocrité, la vanité des politiques et des militaires d'après-guerre et aussi le monde feutré et cossu de la banque d'Indochine. On croise Mendès, Violette, Herriot, Michelet et puis le somptueux de Lattre, tous sauf Mendes, défendant l'Empire bec et ongle d'autant plus violemment qu'ils ont subi la honte des reniements et de la défaite de juin 40. Et puis Navarre qui va plonger l'armée française dans la cuvette du désastre, clôturant bien involontairement l'aventure coloniale asiatique de la France. Alors il était tentant de raccrocher avec l'assassinat de Lumumba, bien que cela n'a rien à voir, il s'agissait alors des Belges en Afrique et c'était 7 ans plus tard. C'est un peu le problème avec les auteurs français cette tentation de virer à gauche dans de la littérature, alors qu'il y avait tant à raconter sans avoir à inventer ou à imaginer les états d'âme de personnes qui n'en avaient pas à l'époque, sûr de leur bon droit. le colonialisme c'était pas très beau, euphémisme, et c'était surtout fini, quoi qu'on fasse, et on en a fait des tonnes, surtout des tonnes de cadavres, civils et militaires. Pas la peine d'y méler la grande finance qui n'a fait que prendre ses dividendes à temps, c'étaient les seuls qui y voyaient clair, on ne peut leur reprocher. C'est bien de rappeler le carnage et de lui donner une touche humaine. Faut lire ce livre et relire Bodard aussi .
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Dans ce récit l'auteur nous décrit à sa façon la guerre d'Indochine un peu différemment de celle trouvée classiquement dans les livres d'Histoire. Il nous dresse le portrait des hommes influents de cette époque et nous explique les dessous de cette guerre et notamment les méandres financières. C'est incisif et très instructif.
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Un début fracassant, un interlude hésitant, une sortie honorable : nous pourrions ainsi résumer le dernier texte d'Éric Vuillard, qui n'est pas tout à fait à la hauteur de certains de ses précédents livres, Congo ou Tristesse de la terre par exemple, même s'il reste engagé, prenant et, comme toujours, singulier, unique.

Pourquoi ?

La matière est tout à fait extraordinaire, la Guerre d'Indochine, ce qui s'est passé là-bas il y a 70 ans, dans la cuvette de Dien Bien Phu, autour, avant et pendant, mais aussi en France (où on s'en fichait) et aux États-Unis, ce qui a mené au(x) désastre(s) - et pourquoi tout était écrit et néanmoins se reproduit toujours, surtout lorsqu'il s'agit du pire.

La manière aussi, celle de Vuillard, acrobatique, virevoltante, qui tourne tel un hélicoptère autour des scènes et des personnages, passant du plan large au zoom, du tragique au sordide, du bien commun aux intérêts particuliers, des faits à leur interprétation, souvent à charge, univoque mais dévastatrice, féroce et jouissive.

Matière et manière au top, qu'est-ce qui ne fonctionne pas complètement dans Une sortie honorable alors ?

Peut-être ceci : l'auteur aurait dû resserrer l'intrigue et le propos qui souffre, dans sa brièveté même, d'un excès d'échappées et de personnages annexes, incarnés par des digressions réussies mais un rien brouillonnes (Frédéric Dupont, Mendès, Maurice Viollette, Herriot, de Lattre voire les Dulles ou Patrick Lumumba). Il me semble que le texte, en ouvrant trop la focale, y perd en force et en impact, noyant les acteurs principaux, Henri Navarre au premier chef, dans un bouillon un peu trop liquide.

Ma recommandation est de lire Une sortie honorable d'une traite, comme on avale un shot, pour conserver l'énergie folle de Vuillard, et passer sur les quelques temps morts.
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Eric Vuillard est un homme en colère et comment ne pas le comprendre, il suffit de lire la note de fin d'ouvrage. A la fin des deux guerres d'Indochine puis du Vietnam, 4 millions d'hommes avaient été tués dont 3600000 vietnamiens.
« Une sortie honorable » est le récit, mené tel une charge de cavalerie des racines politiques et militaires de la débâcle de 1954 puis en un court chapitre de celle de 1975.
Pour qui, pour quoi ? Telle est la trame du récit de Vuillard.
Débutant par une visite dans une plantation de Michelin en 1928 le « récit » va développer la mainmise des groupes industriels et financiers sur la politique française et par voie de conséquences sur les opérations militaires. Personne n'est épargné à l'exception de Mendès-France, visionnaire et intègre, qui proposa le 19 octobre 1950 de « rechercher un accord politique, un accord évidemment, avec ceux qui nous combattent ».
On est parfois à la limite de la caricature tant les insuffisances de nos états-majors et la suffisance de nos stratèges sur le terrain semblent inimaginables. Mais ces généraux, dont on découvrira les noms et les familles, ont un tel mépris pour ces « coolies », une telle conscience de leur aristocratie qu'ils ne pouvaient imaginer qu'un Vo Nguyên Giap avait mieux lu et compris qu'eux les enseignements des théories sur les sièges. Lorsque le général Navarre le comprendra, il sera déjà trop tard.
Ce mêle à la fin de la première guerre d'Indochine, l'arrivée dans le jeu des américains et en particulier de Foster Dulles qui proposera froidement, le 24 avril 1954, à Georges Bidault de lui fournir deux bombes atomiques « pour sauver Dien Bien Phu ». Sur Foster Dulles, Vuillard campe en quelques pages le personnage au travers de ses oeuvres au Guatemala, en Iran ou en Afrique, ce n'était peut-être pas indispensable mais cela replace bien dans le contexte les Etats-Unis et leur stratégie anti-communiste.
A la fin de l'histoire, la Banque d'Indochine versait un dividende multiplié par trois en un an à ses actionnaires, « rigoureusement proportionnel au nombre de morts ». Vuillard aime à fouiller dans les consanguinités de ce petit monde assis sur des arbres généalogiques prestigieux, ces relations « incestueuses » entre financiers, industriels, politiques et militaires. On l'avait déjà vu dans ces livres précédents mais cet ouvrage est, me semble-t-il, encore plus rageur et ravageur.
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