Ce tome fait suite à Captain America: Home of the brave (épisodes 695 à 700) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant. Il comprend les épisodes 701 à 704, initialement parus en 2018, écrits par Mark, dessinés et encrés par
Leonardo Romero, avec une mise en couleurs réalisée par
Jordie Bellaire. L'épisode 701 comprend 4 pages dessinées et encrées par
Adam Hughes, et 4 pages dessinées et encrées par
J.G. Jones. L'épisode 702 comprend 3 pages dessinées, encrées et mises en couleurs par
Rod Reis, ainsi que 5 pages dessinées et encrées par
Howard Chaykin. L'épisode 703 comprend 5 pages dessinées par Alan Davis et encrées par
Mark Farmer.
En 1944, en Haute Vienne en France, Captain America (Steve Rogers) et Bucky (
James Barnes) sont à la poursuite du docteur Straussen qui essaye de regagner la zone allemande pour remettre aux nazis les échantillons du sérum du professeur Abraham Erskine afin que le troisième Reich puisse à son tour disposer de supersoldats. Alors qu'ils sont sur ses talons, Warrior Woman (Julia Koenig) s'interpose. Captain America s'occupe de la neutraliser, pendant que Bucky continue à poursuivre Straussen. Au vingt quatrième siècle, Jack (diminutif de Jackson) Rogers est au chevet de son fils Steve, pris en charge dans un hôpital. Ils évoquent son arrière-arrière-arrière grand-père et ses exploits en tant que superhéros. Après avoir pris congé de son fils, Jack Rogers consulte le médecin traitant qui lui confirme qu'il ne peut rien faire pour son fils, condamné par la maladie à court terme. Jack Rogers enrage de l'impotence de la médecine, alors que règne une utopie sur Terre, et que les États-Unis ont réussi à généraliser leur modèle démocratique, et à l'exporter vers d'autres planètes, des civilisations extraterrestres l'ayant adopté, comme celle des Kree.
Étant un historien de renom (une profession prestigieuse à cette époque), Jack Rogers obtient une audience avec le président Robbins en personne. Il lui demande de lui accorder une dispense exceptionnelle et qu'il permette aux médecins de son fils d'étudier le sérum du professeur Erskine, aujourd'hui inoculé à tous les habitants de la planète et leur conférant une bonne santé inaltérable. Alors que le président des États-Unis hésite, son conseiller le général Pursur rappelle que les expériences sont interdites avec ledit sérum, car il est classé secret défense pour des raisons évidentes. Jack Rogers s'emporte, en vain. En 1964, Captain America (Steve Rogers) effectue une mission pour le SHIELD à San Francisco ce qui le met face au docteur Faustus (Johann Fennhoff). Au temps présent (c'est-à-dire au vingt quatrième siècle), Jack Rogers a décidé d'enfreindre la loi et de dérober le secret de la formule du sérum Erskine, conservée dans le bureau du général Pursur. Il effectue une découverte de taille qui remet en cause ses convictions.
Après l'aboutissement des épisodes écrits par Nic Spencer dans
Secret Empire (2018), il échoit à
Mark Waid de redorer le blason de ce héros. Pour sa première histoire, il retrouve son coéquipier
Chris Samnee, avec qui il avait réalisé des histoires de Daredevil, et de Black Widow. Pour cette deuxième histoire,
Chris Samnee n'est plus de la partie, et le lecteur est en droit de se demander si cette histoire peut présenter un quelconque intérêt, d'autant plus que la série est relancée juste après avec un nouveau numéro 1, et un scénariste tout aussi prestigieux en la personne de
Ta-Nehisi Coates, également scénariste de la série Black Panther. En feuilletant rapidement ces 4 épisodes, il remarque que les dessins de
Leonardo Romero évoquent fortement l'apparence des dessins de
Chris Samnee. Ce n'est pas forcément une bonne chose car ce choix des responsables éditoriaux souligne que ces planches s'apparentent surtout à un succédané, voire à un ersatz.
À la lecture, les dessins de
Leonardo Romero s'avèrent plutôt agréables, présentant effectivement une forte similitude de surface avec ceux de Samnee. Il utilise des traits de contour un peu épais pour donner une impression d'intemporalité et de simplicité. Il se produit également un petit effet rétro, mais sans nostalgie gratuite et factice. Comme Samnee, Romero réalise des dessins soignés, avec un bon niveau de détails, ne s'affranchissant que très rarement de dessiner les arrière-plans. En outre, il ne singe ni les poses de personnages à la
Jack Kirby, ou les postures à la
Steve Ditko. Il soigne ses constructions de page, avec une utilisation maîtrisée des possibilités de l'infographie pour un effet spécial à bon escient. Il décrit un futur d'anticipation, même de science-fiction pour certaines composantes. Il se repose sur des clichés visuels souvent utilisés, tout en prenant soin de donner de la consistance à ce futur, et qu'il soit cohérent d'une séquence à l'autre, d'un épisode au suivant. le lecteur ne reste pas ébahi devant l'intelligence ou la pertinence de la technologie ou de l'urbanisme montré, mais les planches comprennent assez de détails pour qu'il puisse se projeter dans cette version du futur, que ce soit pour la logique de l'urbanisme, ou la cohérence des différents types de vêtements.
Le lecteur observe également le bon équilibre entre les informations dispensées par les dialogues et les cartouches de commentaire, et celles dispensées par les dessins. Cela atteste d'une bonne coordination entre les 2 auteurs, ainsi que d'une narration visuelle intelligente et pertinente. Il lui arrive de se rendre après coup de l'importance d'un détail montré au détour d'une case, comme ça en passant. Au fil de la lecture, il prend ça comme un élément visuel venant enrichir l'environnement ou la situation décrie. Quelques scènes plus tard, en y repensant, il comprend que cette information visuelle a participé à la résolution d'un antagonisme, ou à la construction d'une circonstance. Il apprécie également que l'artiste adapte son découpage en case, à la nature de la séquence, plus posé pour les dialogues, plus rapide pour les séquences d'action. Après coup, il se dit qu'il ne manque que la virtuosité dans la construction d'une séquence pour que
Leonardo Romero puisse prétendre à une notoriété similaire à celle de
Chris Samnee.
Dans les épisodes 701 à 703, d'autres artistes viennent réaliser quelques planches, ce qui est parfaitement approprié puisqu'ils mettent en images des séquences se déroulant dans le passé à différentes époques, donc faisant appel à une sensibilité différente. le lecteur ne s'attendait pas à trouver des planches d'
Adam Hughes. Ce dernier est en pleine forme, à la fois pour les multiples saveurs de sa mise en couleur, à la fois pour la plastique irréprochable de Warrior Woman (Julia Koenig) dans son costume dévoilant généreusement ses courbes, et ses cuissardes à talon haut totalement inadaptées pour un affrontement physique.
J.G. Jones réalise 4 planches très agréables à l'oeil, évoquant le charme des dessins de Steve Rude, avec une approche plus réaliste, moins influencée par
Jack Kirby.
Rod Reis est toujours aussi impressionnant dans sa manière de combiner des dessins encrés simples (avec toujours une influence discrète de Bill Sienkiewicz) et une mise en couleurs très sophistiquée, ce qui aboutit à des planches originales et sophistiquées. Impossible de ne pas ressentir la force des dessins d'
Howard Chaykin à l'esthétique pas forcément au goût de tout le monde, mais parfaitement adaptés à cet affrontement physique, pourtant déjà décliné à moult reprises. le lecteur ne reconnaît pas forcément tout de suite le trait d'Alan Davis car l'encrage de
Mark Farmer est plus appliqué que d'habitude, jouant moins sur les rondeurs des formes détourées. Davis concilie sa narration visuelle très superhéros avec un rendu plus dans le ressenti, pour des pages en parfaite adéquation avec la nature de la séquence.
Finalement, même s'il n'était pas très enthousiaste à l'idée de découvrir cette histoire, le lecteur se rend compte que les dessinateurs effectuent un travail d'une qualité supérieure à la moyenne, et que les artistes invités apportent chacun leur personnalité à la séquence qui leur a été dévolue, avec une sensibilité à chaque fois adaptée. En ce qui concerne l'histoire, il comprend vite que
Mark Waid a à nouveau (comme dans le tome précédent) décidé de mettre en scène Captain America dans sa dimension mythologique, accentuée encore plus ici par le fait qu'il a été déclaré mort il y a plus de 300 ans. Il ne fait pas grand doute que Jack Rogers est animé par les mêmes valeurs que son célèbre aïeul et qu'il va soit découvrir le corps de Steve Rogers, soit se rendre compte qu'il dispose de ses pouvoirs, ou que son fils va en hériter. Il y a un peu de ça, mais le récit réserve plusieurs surprises dans sa progression, et finalement repose sur une dynamique différente. le pot-aux-roses concernant cette utopie est révélé dès le premier épisode, et le lecteur n'échappe pas à la réapparition du Red Skull. Pourtant le récit ne retrouve pas des rails le rendant trop prévisible.
Le lecteur se laisse donc prendre au jeu de l'intrigue, au premier degré, même si
Mark Waid utilise à plusieurs reprises de grosses ficelles, à commencer par la manipulation de Red Skull que l'ego surdimensionné rend trop facile à tromper. Au fil des pages, le lecteur peut s'amuser du second niveau de lecture qui apparaît. le triomphe des bons sur les méchants repose sur la soif de Liberté des citoyens américains. le lecteur peut sourire de cette valeur chérie comme un absolu, le seul qui vaille la peine d'être vécu, le seul capable de mener vers le bonheur. Il peut aussi sourire au fait que
Waid pousse la logique du symbole de Captain America jusqu'au bout. Cet individu incarne les valeurs des États-Unis, dont cet absolu incarné par la Liberté. En tant que récit servant d'ode au personnage, il devient logique que la démocratie des États-Unis ait rayonné sur toute la planète et se soit même imposée au-delà du système solaire. le modèle de gouvernement incarné par Captain America s'est imposé comme modèle unique pour tous les peuples, dans une forme d'impérialisme typiquement américain.
Venu à ce tome avec un enthousiasme tout relatif, le voyant plus comme un bouche-trou entre le passage de
Nick Spencer et l'arrivée de
Ta-Nehisi Coates, le lecteur commence par regretter l'absence de
Chris Samnee. Puis, il se rend compte que
Leonardo Romero effectue un bon travail donnant corps à cet environnement futuriste. Il apprécie que les dessinateurs invités se soient réellement investis dans leurs planches, d'
Adam Hughes à Alan Davis en passant par l'inénarrable
Howard Chaykin. Au fur et à mesure, il découvre une intrigue bien ficelée avec des niveaux d'interprétation adultes non dénués d'une forme de raillerie volontaire ou involontaire.