Il y avait une leçon à tirer de la prophétie. "Un vase carré va te donner espoir", avait dit Dorian. Mais il n'avait pas précisé que ce serait un faux espoir.
Hu le suivit pas à pas en s'enveloppant dans un manteau d'ombre.
_ Tu es presque assez bon, fiston, mais je ne prends jamais d'apprentis et je ne te prendrai pas toi. (Blint s'interrompit et fit tourner le couteau entre ses doigts d'un air absent.) Sauf si tu parviens à faire quelque chose qui t'est impossible.
Une vague d'espoir envahit la poitrine de l'enfant pour la première fois depuis des mois.
_ Je ferai n'importe quoi! lança-t-il.
_ Il faudra que tu agisses seul. Personne d'autre ne doit savoir. Tu devras imaginer comment, quand et où. Tout seul.
_ Qu'est-ce que je dois faire?
Azoth sentit les doigts des Anges de la Nuit se refermer sur son estomac. Pourquoi savait-il ce que Blint allait lui demander?
Le pisse-culotte ramassa le cadavre du rongeur et le lança à l'enfant.
_ La même chose. Tue le Rat et rapporte-m'en la preuve. Tu as une semaine.
_ La prochaine fois que tu suis quelqu'un, ne sois pas si discret. Ça met la puce à l'oreille.
_ Ne parle jamais de ce que tu as vu ce soir. Compris? Tuer un enfant ne me pose pas de problème. J'ai fait bien pis.
On en revenait au même point: les lois de l'économie divine. Pour qu'une personne vive, une autre devait mourir.
L'espoir! Ben voyons! L'espoir, ce sont les mensonges qu'on se raconte sur notre avenir.
Il avait connu l'espoir, jadis. Il avait osé rêver d'une vie différente, mais le moment venu...
Azoth aurait dû dire quelque chose et il le savait. Il aurait dû offrir un peu de réconfort, mais il ignorait ce que c'était. Jarl avait été son meilleur ami - c'était toujours son meilleur ami, non? Pourtant, il avait changé, et Azoth aussi. N'était-il pas devenu Kylar? En fait, il n'était qu'un imposteur qui essayait de rester à cheval sur deux mondes qui s'éloignaient l'un de l'autre. Il ignorait encore à quelle branche de salut il s'était raccroché après le cataclysme nommé Rat, mais une chose était certaine: une faille s'était ouverte entre Jarl et lui.Il n'en connaissait pas l'origine et n'osait même pas s'en approcher. Il savait juste que ce vide l'effrayait et que, confronté à lui, il se sentait méprisable. Jarl lui permettait de reprendre ses distances en lui posant une question simple, une question simple qui demandait une réponse simple, un problème que les deux garçons étaient capables de résoudre.
Quand tu connais les secrets d'un homme, tu disposes d'un certain pouvoir sur lui. Ces secrets, ce sont aussi des points faibles. Tout le monde en a un, tout le monde...
- La vie est vaine, déclara Blint. En prenant une vie, on ne prend rien de précieux. Les pisse-culottes sont des tueurs. Nous ne faisons que tuer. Nous ne sommes rien de plus. Il n'y a pas de place pour les poètes dans ce cruel métier.