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sur 2286 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un auteur Pulitzérisé, des babéliotes énamourés, et moi… qui reste sur le bas-côté, comme un auto-stoppeur levant le pouce au bord d'une autoroute.
Pourtant, cette histoire inspirée de faits aussi réels que révoltants avaient de quoi m'appâter, poisson reconfiné dans son aquarium.
Nous sommes dans les années 60 et un jeune garçon noir, Elwood, galvanisé par les discours du pasteur King, fait plus qu'un rêve. Il en a des «dreams », il veut se forger un destin, dévorer le monde et faire triompher la lutte pour les droits civiques. Une jolie liste de courses.
Elevé par sa grand-mère, le garçon poursuit avec acharnement ses études et il ambitionne de pousser les portes d'une université.
Victime innocente d'une erreur judiciaire, coupable de malchance, ses rêves virent aux cauchemars quand il est envoyé à la Nickel Academy, maison de correction qui ne proposent au programme que des cours d'humiliation et des leçons de ségrégation.
Côté punitions, nous sommes bien loin des heures de colle du mercredi et des coups de règles sur les doigts de nos ainés. Les pions sont des bourreaux qui organisent des séances de tortures dès qu'un garçon se risque à sortir du rang. Sévices et vices racistes.
Elwood va vite assimiler les codes de l'établissement, aidé par Turner, un habitué des lieux qui va lui apprendre à survivre et purger ses peines.
L'auteur utilise une prose sèche, peut-être un hommage à tous ses gamins qui n'avaient plus une seule larme à verser. Hélas, cette écriture presque journalistique qui témoigne plus qu'elle ne vit, m'a empêché de sympathiser avec le personnage. Je ne suis pas parvenu à me projeter dans cette histoire tragique.
Autre écueil selon moi qui ne permet pas une immersion totale du lecteur dans le roman, les nombreux sauts dans le temps qui fragmentent le récit. Trop de raccourcis dans ce trajet pour pouvoir profiter pleinement du voyage. Quand l'ellipse devient éclipse.
Jamais content le pépère. Toujours le premier à désespérer de l'infinie longueur des romans américains et me voilà en train de regretter la concision de celui-ci. Je ne suis pas français pour rien. Une telle histoire aurait néanmoins mérité à mon avis plus de linéarité.
Je retiens quand même un final éblouissant, la force du récit et un bel hymne à la résilience, mot à la mode Covid mais qui prend tout son sens ici.
Colson Whitehead offre un soldat inconnu de papier aux suppliciés bien réels de la Dozier Scholl qui l'inspirèrent pour son roman.
Pas un coup de coeur littéraire mais un texte important.
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De livre en livre Colson Whitehead recompose L Histoire afro-américaine ; elle semble devenir le foyer vital de son oeuvre, la force motrice de ses fictions. Moins fantaisiste que Underground railroad, Nickel Boys décrit toujours un univers terrifiant mais ce qui nous est conté donne autant de frissons qu'une histoire vraie.
Ici, l'auteur imagine un jeune noir des années 60 aux aspirations les plus nobles et qui a toujours adopté un comportement qui l'éloignait des mauvaises fréquentations de son quartier, être envoyé dans une maison de réhabilitation qui se révèle être une maison de maltraitance et de cruauté. «Les criminels violents étaient du côté du personnel».

Si dans son précédent roman l'auteur américain s'appuyait sur une longue litanie des formes de violence subie pendant l'esclavage, ici les sévices exercés clandestinement demeurent dans l'ombre du texte. Ils ne sont pas pour autant moins épouvantables mais la plume puissante de Colson Whitehead parvient à convoquer une foule d'images fortement évocatrices rendant toute description superflue. Une autre manière de laisser résonner dans notre conscience la méditation de l'auteur sur le poids de l'héritage de la violence de l'histoire américaine.

La réflexion amorcée avec Underground railroad acquiert toutefois ici plus d'épaisseur, principalement parce que le récit retrace le parcours brisé d'un jeune garçon à l'intelligence et à l'éducation exemplaires, un itinéraire à contre-courant pour témoigner de l'insoutenable réalité et de la difficulté d'y échapper.
Il évoque aussi brièvement les vies douloureuses de plusieurs pensionnaires de la Nickel Academy avec des ruptures de rythme qui viennent briser les rares illusions, elles confisquent l'idée même d'espoir. Nickel Boys se révèle donc bien sombre.
Mais il agit comme un bain révélateur : le roman rend palpable l'expérience de la race, même à un garçon comme Elwood qui ne s'est jamais approprié le discours identitaire en ces temps ségrégationnistes. On retrouve donc dans Nickels boys une dimension réaliste avec des garçons loin d'être tous irréprochables mais réunis par leur endurance face à la douleur et leur courage face aux brimades, formant une constellation tragique.
Une histoire a priori pleine de désespoir ? le mouvement de balancier entre les années 60 et le présent vient adoucir le sentiment d'injustice et le roman étreint le coeur parce qu'il s'est choisi pour principal narrateur un jeune garçon magnifique qui fait preuve de courage et de naïveté mêlés. Face à l'absence de justice triomphante, il affronte l'adversité avec avec abnégation ou dépit aveugle.

Colson Whitehead a écrit une de ces histoires qui transperce le papier, une histoire d'autant plus forte qu'elle s'inspire d'une institution qui a réellement existé. A travers Nickel Boys, l'auteur sauve de l'oubli ceux que L Histoire néglige car la plupart des témoignages provient de survivants blancs affectés dans un bâtiment contigu. Il a fallu attendre les travaux du Département d'archéologie de l'Université voisine pour exhumer des crânes fracturés et les histoires enterrées avec.
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Eh bien, voilà un livre qui m'interroge quand à mon ressenti...
A la fin de ce roman, deux sentiments contraires m'habitaient...
Version une : , je n'ai pris aucun plaisir à cette lecture . la prose sèche et journalistique, les allers-retours passé-présent, font que j'ai été éloignée de toute identification, que j'ai eu du mal à rentrer dans l'histoire et à y rester, n'ayant qu'une envie avec ce roman, c'était de faire l'école buissonnière, de sauter des lignes , des pages...
[" Oui, mais l'auteur a eu deux Pulitzer, fais-pas ta feignasse !"]

Version deux : J'ai du mal à lire ce livre , parce que le sujet est fort. ... Atroce. Atrocement supportable...
Dans la Floride des années 60, un jeune garçon noir , élevé par sa grand-mère ( les parents étant allés voir ailleurs...), est super sérieux, super intelligent. Un disque de Martin Luther King éveillera sa conscience politique, la possibilité que le monde change .
Arrivé à la fin du lycée, un de ses professeurs l'informe d'une nouvelle loi, les universités s'ouvrent aux minorités, une place lui est réservée.
Et c'est là, que son destin bascule...faisant du stop , montant dans une voiture volée, il sera envoyé en prison sans que la justice se préoccupe de son innocence, pour la simple et bonne raison qu'il est black. Envoyé dans une maison de redressement, la Nickel Academy , il subira les pires sévices , comme tous ces petits camarades... noirs de préférence ...
Le roman commence avec la découverte d'un charnier d'ossements humains, histoire de nous mettre dans l'ambiance, de nous démontrer qu'on est pas là ( le lecteur) pour rigoler. D'autant que ces événements sont historiques, que l'auteur a juste changé le nom de la prison.
De voir que des gamins innocents( pour la plupart, ou n'ayant pas eu de chance, de famille ), soient envoyés en prison, ça secoue. de voir que la vie là-bas était loin de leur offrir la deuxième chance , l'éducation dont ils avaient tant besoin, ça secoue.
De voir que ces gamins faisaient des taches d'intérêt général, qui en fait intéressaient surtout les bourgeois, les notables de la ville, qui trouvaient là, des travailleurs non rémunérés, des esclaves . Ça secoue, ça énerve,ça questionne, ça révolte .
Et de lire , que ces gosses étaient torturés, violés, tués etc... C'est difficilement supportable . D'où mon envie d'aller lire ce livre à reculons...
Je pense que ce roman a eu un prix grâce à son sujet. Très fort le sujet...
[ " S'inspirant de faits réels, l'auteur continue d'explorer l'inguérissable blessure raciale de l'Amérique et donne grâce à ce roman saisissant une sépulture littéraire à des centaines d'innocents.."]
Mais il n'y a pas que le sujet, il y a la construction avec ce qu'il advient de l'amitié entre ces deux gamins Elwood le sage et Turner le fonceur. La façon dont l'un fait perdurer cette amitié. Ce qui est beau aussi , c'est le symbole du restaurant dans lequel la grand-mère d'Elwood travaille, qu'on retrouve à la fin, comme un clin-d'oeil, une leçon d'histoire.
C'est un roman puissant, non "séducteur" , qui reste longtemps en tête grâce à son sujet, qui interroge , qui révolte.
Un roman difficile à lire, comme tous les romans qui méritent notre attention, parce que c'est plus qu'un roman ...
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Un petit innocent qui se fait frapper, qui choisit le silence, tellement il a honte que cela lui soit arrivé. Il s'est fait frapper par les surveillants de cette école disciplinaire qui accueille les petits délinquants et les orphelins. Lui a seulement voulu se rendre à l'université en faisant du stop, manque de chance, il est monté dans une voiture volée, et donc considéré comme voleur de voiture.
Il veut s'en sortir, il est non seulement intelligent, mais aussi studieux, appliqué, voulant bien faire, se rendant compte qu'être noir à Tallahassee, capitale de la Floride au moment où les discours de Martin Luther King côtoient les lois de Jim Crow. Finalement, tout à fait insidieusement, les lois ségrégationnistes remplacent l'esclavage et ses Black codes, paraissent respecter la Constitution, mais interdisent le rapprochement, que ce soit dans les restaurants, les écoles, les stades, et les moyens de transport entre Noirs et Blancs
.
Partout, en fait, ou plutôt, nulle part.

Séparés, mais égaux.

Dans ce collège disciplinaire, Nickel, Noirs et Blancs sont séparés, connaissent des traitements à vigueur variée, pour les Noirs ce sont sévices, viols dans les toilettes, frappes sauvages et aussi, disparitions sans explication. Et vente à la sauvette des jambons et boites de fruits qui pourraient les nourrir.
Elwood , notre héros, ne levant pas la tête, lisant des livres trouvés dans un grenier, écoute Martin Luther King et lui aussi, il fait un rêve : rêve de paix.
Sauf que les codes à Nickel sont plus compliqués que dans le reste de Amérique, plus sournois, plus aléatoires, plus dangereux : Elwood comprend vite que justement il n'y a pas de codes. Ni de système supérieur régissant la brutalité du lieu, sauf « un mépris aveugle sans rapport avec les individus ».
Pour rien, pour tout, « vous pouviez basculer dans un roncier de malchance ».Les réformes arrachées de Martin King en 1964 et 1965 n'ont apparemment aucun impact dans ce collège de Floride.

Nickel boys n'est pas un reportage, c'est un roman, dont les personnages et les lieux sont inventés, mais basés sur des faits réels. Ce collège a existé, la ségrégation a existé.
Que veut dire en fin de compte Colson Whitehead ? que les harangues de Martin Luther King n'ont servi à rien ? Qu'il vaut mieux remémorer le passé, encore et encore ? Que les droits civiques américains vont se heurter éternellement à la réalité du racisme ?
Ce sont mes réflexions à la lecture de ce livre pas très émouvant, et il devrait l'être, et où le recours littéraire de la fin gâche finalement le propos, comme si, pour faire beau, Colson Whitehead avait choisi le retournement final , au détriment de son propos.
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Nickel Boys est un roman, mais ce n'est pas une simple fiction imaginée dans le but de distraire des lecteurs. le livre a aussi vocation à servir de témoignage historique. Un témoignage à charge contre un phénomène dont on voudrait croire qu'il a aujourd'hui disparu ou presque, le racisme systémique de l'Amérique des Etats du Sud, celle des anciens Etats confédérés, dont une partie de la population blanche n'avait jamais accepté d'avoir perdu la guerre de Sécession et d'avoir aboli l'esclavage.

Dans chacun de ces États, des lois dites « Jim Crow » avaient été promulguées, dès la fin du dix-neuvième siècle, pour maintenir les populations noires et indiennes sous un joug institutionnel les empêchant de bénéficier de leurs droits civiques. Jusqu'au milieu des années soixante, ces Etats ont pratiqué une ségrégation ignoble, fondée sur une pseudo-supériorité raciale, alors que les revendications afro-américaines ne cherchaient qu'à obtenir des droits légitimes, sans aucune velléité à dominer ou à éliminer la population blanche.

Le roman est inspiré de faits réels, notamment de la découverte de corps ensevelis dans des terrains ayant appartenu à une ancienne école disciplinaire pour jeunes délinquants, en Floride.

Années soixante. Nickel est un établissement pour mineurs, qui tient à la fois du centre éducatif fermé et du camp de redressement. Les Blancs et les Noirs sont logés dans des bâtiments différents. Ils n'utilisent pas les installations sportives aux mêmes horaires. Les jeunes Blancs disposent d'équipements et de vêtements neufs, qui sont transférés aux jeunes Noirs lorsqu'ils sont usés.

Elwood est un adolescent noir à l'état d'esprit constructif. Il croit au travail, à la morale et à la justice. Il adhère aux discours du révérend Martin Luther King qui prêche une attitude positive et l'amour du prochain. Il a confiance en son avenir personnel et il est heureux d'être admis à l'Université. Mais parce qu'il s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, Elwood se retrouve enfermé à Nickel.

A Nickel, toute déviance, toute incartade, toute protestation est punie. Toute plainte aussi. Pour punition, les jeunes détenus noirs peuvent subir des sévices ou des tortures d'une extrême barbarie. Les flagellations par un personnel pénitentiaire qui s'en donne à coeur joie et qui n'a rien à envier à des gardiens de camps nazis peuvent aller jusqu'à la mort. On enterrera le cadavre clandestinement. On dira à la famille que le détenu s'est évadé et qu'il a disparu dans la nature. La souffrance, la terreur et l'humiliation briseront définitivement ceux qui auront survécu sans avoir la résilience appropriée. Alcool, drogue, dépression, misère seront leur destinée.

Pendant sa détention, Elwood fait la connaissance de Turner, un autre jeune Noir. Ils sympathisent, mais ils sont tellement différents dans leur manière de se comporter, que leur amitié sera entravée par une sorte de réserve réciproque, jusqu'au jour où...

Certaines scènes sont insoutenables. La lecture est parfois difficile, car les péripéties ne sont pas narrées de façon linéaire, mais en boucles qui se ferment sur une réalité centrale, toujours la même, la punition. Et quelle punition !... Des spirales infernales où s'enfoncent les jeunes résidents. On ne peut s'empêcher d'éprouver de la répulsion pour les tortionnaires, de la sympathie et de la compassion pour Elwood, un peu de méfiance pour Turner. Ces deux-là sont prisonniers d'un système où leur couleur de peau les rend forcément coupables. Quel sort l'auteur leur réserve-t-il ?

L'épilogue prend à contrepied. Il aurait pu être une boucle négative de plus, et surprise, il apporte un oxygène qui commençait à manquer.

Colson Whitehead est un journaliste et romancier afro-américain de cinquante ans, né à New York dans une famille bourgeoise, diplômé de Harvard. Nickel Boys lui vaut un deuxième prix Pulitzer, trois ans après Underground Railroad. Une double récompense qui le met au niveau de très grands romanciers américains comme William Faulkner et John Updike.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Colson Whitehead, un auteur qui joue résolument sa partition dans le mouvement Black lives matter, ce qui a sans doute joué sur la double attribution du fameux Pulitzer à ses deux derniers romans.
Autant j'avais eu un doute sur la pertinence du prix attribué à "Underground railroad", passionnant, utile, de très bonne facture mais pas exceptionnel d'un pur point de vue littéraire, autant "Nickel boys" fait la différence.
En jetant Elwood, jeune garçon droit et intègre, nourri des paroles d'espoir de Martin Luther King, dans l'enfer d'une cauchemardesque (et bien réelle) maison de correction dont les exactions perverses sont couvertes par toutes les autorités blanches de la ville, l'auteur a su créer un personnage inoubliable, une belle âme brisée emblématique du sort réservé aux Noirs dont l'accession aux droits civiques semble inatteignable.
Un livre éprouvant qui se lit les yeux écarquillés d'horreur sur l'un des visages les plus sombres de l'Amérique.
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Voilà une lecture révoltante, angoissante, non plaisante. Une lecture nécessaire, primordiale, qui vous hantera pendant longtemps. Je n'ai pas pu lâcher ce livre avant de l'avoir fini et pourtant que ce fut dur.
Nous sommes sous le charme d'Elwood Curtis, acquis à sa cause, dès le départ, jeune garçon noir, abandonné par ses parents, élevé par sa grand-mère, sérieux, sage, travailleur, courageux, intelligent, ambitieux en dépit, ou grâce à, l'Amérique ségrégationniste dans lequel il grandit, les discours de Martin Luther King en repères, récités tels des mantras. Une Amérique où Les manuels des écoles pour enfants noirs récupérés d'écoles pour enfants blancs sont remplis d'insultes racistes à chaque page. Où la fête foraine du coin est uniquement réservée aux enfants blancs.
Une injustice terrifiante le fait atterrir à Nickel, une maison de correction, au doux nom d'école, qui n'en a que l'apparence. Où l'on prétend transformer les délinquants en hommes honnêtes dans le droit chemin. Où les enfants noirs sont torturés jusqu'à la mort.
J'ai frémis, frissonné, ai du poser le livre maintes fois lors de la description des sévices psychologiques et corporels subis par ces jeunes gens qui ne peuvent que ressortir cassés...lorsqu'ils ont la chance de ressortir. D'ailleurs le roman commence par l'exhumation de ce qu'on peut appeler un charnier. La plus effarante et implacable injustice et les horreurs de la ségrégation, d'abord subies naïvement par le petit Elwood, puis bien plus violemment dès l'adolescence sont les thèmes principaux de ce livre. Elwood n'aura de cesse de défendre ses valeurs de justice, malgré ce qui peut l'attendre, cette terrible « Maison Blanche » où les cris des torturés sont cachés grâce à un ventilateur industriel au bruit assourdissant…voire le cimetière secret, véritable charnier retrouvé 50 ans plus tard. La toute première phrase du livre nous en parle immédiatement : "même morts, les garçons étaient un problème".
La fin du livre est belle et magistrale. On ne s'y attend pas.

J'ai appris que cette institution (l'auteur en a modifié le nom), sinistre, pourtant dénoncée, a vraiment existé et a pu rester ouverte en toute impunité pendant plus d'un siècle. Elle n'a fermé ses portes qu'en 2011. Glaçant.
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« Les pensionnaires étaient appelés élèves, et non détenus, pour les distinguer des criminels violents qui peuplaient les prisons. Ici, les criminels violents étaient du côté du personnel. »

Nous sommes à Nickel, le centre de redressement des jeunes Noirs et Blancs, dans les années 60.
Elwood, jeune Noir promis à un bel avenir car studieux, honnête et travailleur, prêt à aller à l'université, y sera incarcéré à cause d'une erreur judiciaire commune à l'époque. Il y connaitra les pires sévices et verra autour de lui les adolescents s'étioler et même mourir.
Mais lui croit en la résistance, et il tentera par des moyens différents de croire à sa chance.

Colson Whitehead nous narre le racisme « ordinaire » des années 60, et le manque absolu de respect pour la vie humaine quand il s'agit de jeunes laissés à eux-mêmes, et ce de n'importe quelle race. Mais les Noirs ont souffert continuellement d'humiliation, d'injustice et de mauvais traitements.

Ce livre se lit en apnée, à coups de haut-le-coeur. Car ce qu'il y est raconté est à vomir.
Malgré tout, je n'ai pas été tout à fait conquise par le style de l'auteur, même si j'avais déjà lu « Underground Railroad ». Ses phrases font mouche, oui, mais ne reflètent pas un travail particulier auquel je suis sensible. La narration, vers le milieu, devient même monotone, ce qui est un comble pour le sujet.

Mais la leçon à tirer de cette lecture, c'est qu'il faut rester vigilant, et permettre à chaque jeune de pouvoir accomplir sa vie, de ne pas le priver de l'assistance matérielle et de l'éducation pour ne pas avoir à déclamer ceci :
« Ils avaient été privés du simple plaisir d'être ordinaires. Entravés et handicapés avant même le départ de la course, ils n'avaient jamais réussi à être normaux. »
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Black lives matter ?
Non !

Pas au programme d'une Floride ségrégationniste sise dans les années 60.
Le jeune Elwood Curtis possédait tous les arguments pour espérer s'en tirer un peu mieux que les siens, n'était une poisse vacharde qui le fit passer direct de la case de néo étudiant prometteur à pseudo délinquant tout juste bon à être rééduqué à la Nickel Academy.
Nous, on avait la Star.
Eux, la Nickel.
N'étant pas fan de la première, il conviendra, cependant, de lui reconnaître des vertus bien supérieures à la seconde, la survie, accessoirement.

Portrait saisissant d'une époque pas si révolue, Nickel Boys retrace le parcours dantesque de jeunes noirs appelés à devenir enfin "respectables" une fois leur mauvaise éducation corrigée à grands coups de lattes et autres joyeusetés bien senties.

L'on ne s'échappe de là.
L'on gravit lentement les échelons, au bon vouloir des gradés, pour espérer se soustraire à cet enfer sur terre.
Un purgatoire qui vous libère, une fois la majorité atteinte, mais à quel prix.
Celui du sang et des traumas occasionnés par un quotidien fait de brimades, de violence et d'actes de torture pouvant conduire au trépas.
Un "grand voyage" qu'il conviendra de camoufler, aux yeux d'une société peu regardante, en disparition durable sous couvert d'une absence totale de nouvelles de la part d'ex-inadaptés visiblement rancuniers. Tu m'étonnes...

Colson Whitehead fout les jetons.
Le factuel, surtout lorsqu'il s'appuie sur des faits réels, aurait cette fâcheuse tendance.
Difficile d'imaginer de tels degrés d'inhumanité, d'humiliation, et pourtant.
Nickel Boys coche toutes les cases du roman édifiant que l'on termine avec une méchante amertume en bouche.

Effroyablement saisissant...
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En grande et perpétuelle schizophrène qu'elle est, l'Amérique réussit - dans la douleur - à faire cohabiter les détestables aspirations conservatrices d'une partie de ses enfants (souvent blancs et âgés) avec la légitime soif de réexamen de son histoire par l'autre partie (généralement plus jeunes et plus colorés).

C'est dans cette dernière catégorie que se bat Colson Whitehead, à coups de livres patiemment documentés destinés à remettre sous la lumière des pans de l'histoire US que beaucoup avant lui ont tant cherché à cacher.

Dans Nickel Boys – traduit par Charles Recoursé – il raconte l'histoire de la « Florida Industrial School for Boys » fondée après-guerre par Trevor Nickel et dont les « élèves » finiront par prendre son nom.

Élève est bien entendu abusif dans ce centre de réinsertion de Floride où des enfants placés de bonne foi par la justice sont redressés plus que réinsérés, brimés, victimes de sévices et même assassinés.

“Voilà ce que cette école vous faisait. Et ça ne s'arrêtait pas le jour où vous en partiez. Elle vous brisait, vous déformait, vous rendait inapte à une vie normale. »

Un monde parallèle et secret, au mode de fonctionnement verticalisé et dictatorial peu favorable aux jeunes blancs qui y sont envoyés. Alors c'est vous dire pour les jeunes noirs… Et quand le jeune Elwood Curtis y est envoyé par erreur, il subit à son tour les pires sévices.

Fortement influencé par les discours radiophoniques de Martin Luther King et la découverte de sa philosophie de l'agapè, « forme divine de d'amour qui agissait dans le coeur de l'homme » que le révérend demande à ses adeptes de cultiver à l'égard de leurs oppresseurs, Elwood s'en éloigne pourtant et n'a de cesse que de vouloir révéler à l'extérieur ce qui se passe à l'intérieur.

« Ils l'avaient déjà fouetté une fois. Mais Elwood avait encaissé et il était toujours là. Ils ne pouvaient rien lui faire que les Blancs n'aient déjà fait aux Noirs (…) Ils le fouetteraient, ils le fouetteraient salement, mais ils ne pourraient pas le tuer, pas si les autorités apprenaient ce qui se passait ici. »

Nickel Boys est remarquablement écrit, remarquablement construit (remettant dès le début le livre dans le contexte du pèlerinage de mémoire des anciennes victimes des années après) et sans excès de pathos dans la description des horreurs perpétrées, les faits sordides se suffisant malheureusement à eux-mêmes.

Je n'ai pour autant pas été totalement embarqué dans le livre, ce détachement volontaire ayant pour effet de mettre de la distance, trop de distance, et rendant un peu long un livre pourtant très court.

Mais je retenterai à coup sûr l'auteur aux deux Pulitzer, dès son prochain roman.
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