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EAN : 9782226461513
432 pages
Albin Michel (04/01/2023)
3.57/5   461 notes
Résumé :
Petites arnaques, embrouilles et lutte des classes... La fresque irrésistible du Harlem des années 1960.

Époux aimant, père de famille attentionné et fils d'un homme de main lié à la pègre locale, Ray Carney, vendeur de meubles et d'électroménager à New York sur la 125e Rue, « n'est pas un voyou, tout juste un peu filou ». Jusqu'à ce que son cousin lui propose de cambrioler le célèbre Hôtel Theresa, surnommé le Waldorf de Harlem...

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Critiques, Analyses et Avis (99) Voir plus Ajouter une critique
3,57

sur 461 notes
Lorsqu'on fait connaissance du personnage principal en 1959, Carney est propriétaire d'un magasin de meubles à Harlem sur la 125ème. Fils d'une figure de la pègre locale, c'est un bon père de famille, un mari aimant, un travailleur opiniâtre ... qui mène une double vie, un peu comme le Walter White de Breaking Bad. Son magasin fait office de « fourgue » pour les objets volés que lui apportent les truands du coin. le grand plaisir de l'intrigue consiste à découvrir dans quels sales draps il s'est fourré - souvent à cause de son cousin Freddie, le quasi frère - et comment il parvient à s'en sortir.

« Nous avons tous des recoins secrets et des ruelles inaccessibles aux autres – l'important, ce sont nos grandes artères, nos boulevards, ce qui apparait sur les cartes que les autres ont de nous. »

Le roman est structuré en trois parties chronologiques, une tragi-comédie en trois actes chacune culminant avec une activité criminelle précise : 1959 ou la facilité de tomber dans le crime ( un braquage ) à causes de circonstances, de son entourage, de son hérédité, de ses rêves d'ascension sociale ; 1961 ou la poursuite de l'activité criminelle sous l'influence d'une vengeance implacable à la Monte-Cristo ; 1964 ou l'heure de choix lorsqu'une situation inédite et dangereuse ( l'affrontement avec un patriarche blanc richissime après un casse ) risque de détruire tout ce qu'il a bâti pour s'élever socialement.

Chaque partie est quasi un roman à part entière, mais est meilleure prise dans l'ensemble des trois car chacune résonne des autres et trace la trajectoire cohérente d'un Afro-Américain à l'ambition affichée, tiraillé entre sa face clandestine sombre ( là d'où il vient, de par son père ) et sa respectable façade publique ( là où il veut aller, ancré par son épouse stabilisatrice Elizabeth ), représenté par la magnifique métaphore de la « dorveille » ou sommeil fragmenté en plusieurs phases ou l'heure du crime. Sang froid à l'extérieur, rempli de doutes et de dilemmes à l'intérieur, vision du monde pimenté d'humour noir, un personnage complexe et riche qu'on adore suivre !

Harlem Shuffle est sans doute le roman le moins sombre du génial Colson Whitehead. Son charme immédiatement délectable naît de dialogues drôles et savoureux mettant en scène des personnages souvent loufoques et irrésistibles comme Miami Joe et son costard violet qui claque, et surtout Pepper, le porte-flingue zen et brutal, qu'on imagine avec la dégaine d'un Samuel L.Jackson. Les mots croustillent sous nos pupilles, on se régale, on pense à Chester Himes, souvent.

D'autant plus que l'auteur nous immerge dans le New-York du début des années 60 avec toutes ses nuances topographiques, fort du brio de son observation. C'est tout Harlem qui nous est conté avec une verve et une énergie totalement immersive. Un Harlem vivant, celui de l'avant gentrification, entre tripots miteux et club d'élite pour notables noirs, peuplé de flics ripoux, de voyous, de prostituées et de dealers.

Si Carney n'affiche aucune conscience politique, juste animé par son désir très pragmatique d'ascension sociale, le roman possède tout un arrière-plan socio-politique majeur, notamment dans la partie 1964 qui prend comme décor historique les émeutes raciales du 16 au 22 juillet déclenchées par la mort d'un ado afro-américain, Teen James Powell, abattu par un lieutenant de police blanc, Thomas Gilligan.

Les dernières pages sont superbes, mélancoliques et puissantes, sur le temps qui passe pour les personnages comme pour la ville, alors que des blocs entiers de Downtown où Carney avait l'habitude de descendre sont rasés pour y construire le futur World Trade Center.

«  Ça avait quelque chose d'irréel de voir sa ville sens dessus dessous. Irréel comme le souvenir que Carney conservait de ces jours d 'émeute où la violence avait rendu les rues méconnaissables. Contrairement à ce que l'Amérique avait vu à la télé une fraction seulement de la communauté s'était armé de briques, de battes et de bidons d'essence. Les dégâts avaient été minimes comparés à la destruction qu'il avait à présent sous les yeux, mais si on avait pu mettre en bouteille la rage, l'espoir et la fureur de tous les habitants de Harlem et qu'on en avait fait un cocktail Molotov, le résultat n'aurait pas été si éloigné. »

Une réussite pétulante que ce Harlem shuffle à l'énergie irrésistiblement entrainante, empruntant tour à tour les atours du polar hard boiled et de la chronique sociale, creusant la question raciale avec subtilité derrière son apparente légèreté et ses situations cocasses. Colson Whitehead est définitivement un auteur majeur de la littérature contemporaine nord-américaine. Et chouette, ce roman est le premier tome d'une trilogie sur Harlem, prochaine étape : les années 70 !
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Deux fois couronné du Prix Pulitzer, Colson Whitehead change de genre avec cette fois une histoire de gangsters au coeur de Manhattan. Au rythme dansant d'une vieille chanson de R'n'B adaptée par les Rolling Stones dont il fait le titre de son roman, il nous emmène dans le Harlem des années soixante, quartier noir marqué par la pauvreté et la criminalité, foyer de la lutte pour l‘égalité des droits civiques, mais aussi de la culture afro-américaine.


Marié et père de famille, Ray Carney est propriétaire d'un magasin de meubles sur la célèbre 125e rue. Ce fils de malfrat, bien décidé à rompre avec l'exemple paternel, rêve de respectabilité et cultive deux ambitions : accéder à un logement plus décent que leur petit appartement coincé au ras du métro aérien, et déjouer le mépris de sa belle-famille de condition bourgeoise et à la peau plus claire. Pour se donner un petit coup de pouce et parce qu'il ne sait rien refuser à son cousin Freddie, éternel abonné aux quatre cents coups, il accepte quand même de jouer les receleurs, pensant se maintenir, à force de discrétion précautionneuse, à la lisière du tissu de trafics et de petits crimes qui sous-tend la vie du quartier.


C'est sans compter les entreprises de plus en plus hasardeuses de l'incorrigible Freddie. Embarqué dans un casse foireux, le voilà qui se retrouve dans le collimateur de la pègre, puis, une aventure en appelant une autre, aux prises avec des adversaires toujours plus puissants et dangereux. Des petites frappes aux requins de la finance et de l'immobilier, en passant par les policiers et les banquiers corrompus réclamant leurs enveloppes, tout le monde trempe plus ou moins dans l'illégalité au gré de ses intérêts, derrière les façades respectables des avenues bourgeoises comme dans les rues les plus mal famées.


Tout l'art de Colson Whitehead consiste à peindre par petites touches, non pas un univers du crime spectaculaire et sensationnel, mais une réalité tristement et ordinairement entachée d'une délinquance à bas bruit, chacun cherchant à tirer son épingle du jeu dans le quotidien sans éclat d'un quartier en déliquescence. Ainsi, en filigrane du parcours chaotique des personnages, au fil de mille détails authentiques et soigneusement choisis, se révèle peu à peu le véritable sujet du livre : une peinture d'un Harlem alors en cours de ghettoïsation, ses bâtiments de plus en plus délabrés et insalubres, ses commerces progressivement abandonnés, la bourgeoisie noire laissant la place à une population nettement plus déshéritée, frappée par la ségrégation, le chômage et la pauvreté, dans un contexte favorisant la circulation de la drogue, la violence et la criminalité. Ne manquent pas au tableau les mouvements de contestation qui se mettent à secouer le quartier, comme après le meurtre d'un adolescent par un policier en 1964.


Bien plus que pour son action tragi-comique autour d'un personnage champion de la nage entre deux eaux, c'est pour l'exactitude et la vivacité de son évocation d'Harlem, ville dans la ville, que l'on appréciera ce roman truffé de détails socio-historiques colorés et marquants. En attendant la suite prévue pour cet été aux Etats-Unis et pour 2024 en français, l'on pourra poursuivre le voyage à New York en compagnie d'un autre grand amoureux de cette ville, avec lequel l'on pourra être tenté d'établir un parallèle : Colum McCann - Les saisons de la nuit, ou Et que le vaste monde poursuive sa course folle.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Être surpris et emmené là où je ne l'attend pas par un auteur fait partie de mes petits plaisirs de lecteur. Certes, ça peut parfois rater et j'en connais plus d'un qui a regretté son excursion transgenre littéraire. Mais c'est passé haut la main avec Harlem Shuffle de Colson Whitehead, traduit par Charles Recoursé.

En toile de fond, on retrouve la même thématique qui lui a valu ses deux Pulitzer : les luttes raciales pour les droits civiques et humains des populations noires dans l'Amérique du siècle d'avant. Mais là où l'approche était frontale dans les précédents, Whitehead l'insère dans une trame polardo-noire qui fonctionne à merveille.

Dans le Harlem des années 60, Raymond Carney n'a pas suivi l'atavisme familial en devenant après son père, une figure de la pègre locale. Sa préoccupation majeure est de développer toujours davantage son magasin de meubles et d'élever socialement sa petite famille composée de sa femme Elisabeth et de leur fille May.

Jusqu'à ce que son cousin Freddie lui propose de participer au braquage d'un des grands hôtels de Harlem, un coup sûr et peu risqué, qui permettra à Ray d'accélérer le rythme de son plan de vie. Mais rien ne va se passer comme prévu et, comme toujours, les petites causes produiront de grands effets…

Si cette intrigue polardesque s'étirant en trois grandes parties de 1959 à 1964 fonctionne plutôt bien – lente, classique, sans artifice inutile – et met en scène des personnages plus hauts en couleurs les uns que les autres - Pepper, Chinck Montague, Miami Joe… - le personnage principal du roman n'est autre que Harlem lui-même.

Colson nous plonge dans une exploration immersive de ce quartier dont le Parc et Riverside Drive forment une frontière invisible avec Manhattan, séparant symboliquement mais clairement, deux mondes et deux races.

« C'est cela New-York, parfois : on tourne à un carrefour et on débouche dans une tout autre ville, comme par magie ».

Mais Whitehead n'est pas là non plus pour jouer les guides touristiques, et Harlem n'est le personnage central de son intrigue que pour mieux en révéler le rôle central, poumon névralgique des luttes égalitaires de l'époque.

Luttes raciales bien sûr, intensifiées par l'assassinat – déjà – entre la 70e et la 80e, du jeune noir James Powell par un lieutenant de police en civil, sans sommation. Luttes portées par la NAACP, les Freedom Riders, les Black Muslims et plus largement par toute une génération qui s'élève par la prise de conscience et la lutte active, livre de Baldwin sous le bras.

Luttes sociales aussi, à l'image des espoirs de Ray rêvant de voir un jour ses meubles intégrer les salons des blancs huppés de Manhattan, cherchant à devenir membre du Dumas Club, antichambre a priori indispensable de la relation blancs-noirs pour étendre son territoire social et commercial plus au sud.

« Ce n'était pas une Nouvelle Frontière d'abondance infinie qui s'offrait à lui – elle était réservée aux Blancs -, mais tout de même, un nouveau territoire s'étendant au moins sur quelques rues ; or à Harlem, quelques rues, c'était tout un monde. Quelques rues, c'était ce qui différenciait les travailleurs et les escrocs, les chances à saisir et les luttes acharnées ».

Vous l'aurez compris, Harlem Schuffle est un livre particulièrement réussi grâce au talent de son auteur qui ne faillit jamais dans le parfait équilibre trouvé entre roman d'ambiance, trame noire et contenu historique et engagé.

D'autant que le style de Whitehead s'adapte parfaitement à cet équilibre, évoluant selon les thématiques, y compris dans une dimension gouailleuse digne des grands classiques lorsqu'il trempe dans la description de la pègre locale : « On n'avait jamais vu un truand élever des poules. Une arrogance pareille, c'était supplier le Seigneur de vous en coller une ».

Un dernier mot pour évoquer la « dorveille », « cette prairie au coeur de la nuit », concept du temps d'avant l'électricité où l'on dormait en deux temps, avec une phase de réveil et d'activité autour de minuit avant de se rendormir, qui réussira si bien à Carney.

« Un répit à l'écart du monde et de ses exigences », qui forcément me parle…
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Ray sue à grosses gouttes, ses mains sont moites. Pourtant, cela n'a rien à voir avec la chaleur ambiante de cet été 1961. Non, Ray enroule le tapis. Ses mains tremblent, il craint que le sang poisseux ne se mette à transpercer la douce épaisseur de cette nouveauté tout juste sortie du catalogue de la dernière collection, et laisse des traces compromettantes sur le sol. Au moins, l'avantage d'être au début des années 60, c'est que toute l'équipe des Experts ne va débarquer manu militari pour tout passer au peigne fin dans son bureau.
Ensuite, il se baisse, hisse doucement le corps et se met à marcher en direction du pick-up. Là, il dépose le lourd paquet. Une fois derrière le volant, il pousse un premier soupir de soulagement. Il sait déjà où déposer son passager clandestin, comme si son paternel lui soufflait quoi faire. Alors qu'il conduit, une pensée le rattrape ; combien de cadavres ont été déposés par son père sur le plateau du pickup qu'il lui a légué ? Mieux vaut probablement ne pas savoir … D'ailleurs Ray se dit qu'il va devoir arrêter ses magouilles, elles pourraient finir par lui couter très cher.
Le récit chronologique de Colson Whitehead est découpé en 3 parties et nous présentent 3 tranches de la vie de Raymond Carney (dit Ray ou Rayray) : 1959, le voilà embraqué malgré lui dans un casse, le braquage de la salle des coffres de l'hôtel le plus chic de Harlem, le Theresa. Cet hôtel existe vraiment, on trouve ainsi des photos sur le net de la rencontre entre Fidel Castro et Malcom X qui s'y est déroulée. Ray se retrouve embarqué bien malgré lui dans cette histoire, à cause de son cousin Freddie, qui l'a désigné à ses coéquipiers comme planque et revendeur du butin « fourgue », chargé de l'écouler en toute discrétion.
Deuxième chapitre, 1961, intitulé la dorveille. La dorveille, c'est le sommeil fragmenté assez répandu avant l'ère industrielle, les gens se couchaient tôt avant la tombé de de la nuit, se réveillaient pour quelques heures d'activités nocturnes, puis se rendormaient pour 4 heures jusqu'au petit matin. Ce passage du sommeil au réveil en pleine nuit, c'est le passage de la face honnête à la face sombre de Ray.
Pourtant, Carney se considère comme un homme respectable, il est convaincu de lutter ardemment contre les instincts de brigand transmis par son père. Il a pignon sur rue avec la grande enseigne lumineuse clignotante de son magasin de meubles à son nom. Il va réussir, il a fait des études, de la comptabilité (c'est dire le niveau de respectabilité, et non, il n'est pas comme son père). Toute la clientèle noire aisée du quartier vient lui acheter ses produits de première qualité choisis avec soin.
Mais la nuit, Ray opère sa mutation, il se réveille après quelques heures de sommeil, quitte le lit et le domicile conjugal qu'il partage avec Elizabeth, l'épouse aimante et fière de lui, mère de ses deux enfants, ignorante de sa part sombre faite de magouilles, de questions d'honneur et de pouvoir dans le Harlem caché et interlope.
Troisième étape du récit, 1964, les affaires se corsent pour Ray avec la disparition de son cousin. « Je voulais pas te créer de problèmes » ne cesse de lui seriner Freddie depuis les chapardages de bonbons de leur enfance. Maintenant qu'ils ont grandi, cette maxime va-t-elle encore faire effet, amadouer Ray pour l'embarquer dans une nouvelle galère et surtout suffire pour tout effacer d'un coup d'ardoise magique ?
L'atmosphère, l'ambiance, le décor sont extrêmement bien plantés par Colson Whitehead, le lecteur admire ce décor de film et ses personnages travaillés et hauts en couleur.
C'est assez amusant, car j'ai lu plusieurs avis de babéliotes qui avaient été emballés par Nickel Boys et ont été un peu déçus de Harlem Shuffle. En ce qui me concerne, si j'avais très moyennement apprécié Nickel Boys dans lequel je m'étais pas mal ennuyée, j'ai beaucoup plus aimé ce Harlem Shuffle, qui, bien qu'il comporte de nombreuses longueurs, m'a vraiment fait vivre dans ce Harlem des années 60, respiré la chaleur étouffante d'une nuit d'été ou d'une nuit d'émeutes, et croisé les doigts pour que Ray se sorte de ses mauvais pas…
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Colson Whitehead s'est imposé, en seulement trois romans, comme une figure incontournable du paysage littéraire américain. Deux Prix Pulitzer en 2017 pour « Underground Railroad » et en 2020 pour « Nickel Boy. » Seuls William Faulkner et John Updike l'ont fais. C'est dire le talent et l'importance prise par Colson Whitehead, son impact dans les médias et auprès des lecteurs. La presse française est unanime, Télérama en tête, pour parler d'un immense roman. le moins que je puisse dire c'est que je ne vais pas être très original en soulignant le talent d'écriture, l'acuité de la pensée de Colson Whitehead qui en l'espace de quelques années est véritablement devenu le porte-voix de la communauté afro-américaine. C'est un auteur engagé et il ne s'en cache pas. Il souhaite réveiller les consciences et expliquer combien les noirs américains ont été victimes d'injustices, de mépris, de ségrégations, de violences avec la monstrueuse KKK soutenue jusqu'à il n'y a pas si longtemps par les pouvoirs politiques, la police et les blancs racistes du sud des Etats-Unis. En fait, les anciens Etats esclavagistes. Les grands écrivains creusent leurs sillons inlassablement. Colson Whitehead porte ses convictions dans un soucis d'équité inlassablement réclamé par le peuple noir américain. Je dis « inlassablement » car la question est loin d'avoir réellement aboutie. Aujourd'hui encore, abattre un jeune noir n'est pas encore perçu par certains pans de la population blanche, comme étant un véritable crime. le meurtre de George Floyd par un policier blanc a suscité énormément de colère chez les progressistes américain. Malheureusement, il n'y a pas eu unanimité et la question du racisme qui est au coeur de l'oeuvre de Colson Whitehead est plus que jamais d'actualité. Dans « Harlem Shuffle » son nouveau roman, Colson Whitehead nous plonge dans le Harlem du milieu des années 60, en pleine lutte pour les droits civiques, lieu d'émeutes et de violences contre l'impunité des policiers blancs assassinant de jeunes noirs pour presque rien. Ray Carney, est le personnage central de l'histoire. Il aime sa famille, il est attentif mais il est aussi suffisamment malin pour monter discrètement des arrangements afin d'arrondir ses fins de mois. Il possède un magasin de meubles à Harlem où il vivote. Jusque là tout semble roulé pour lui. Il est quelconque, ni trop intelligent, ni trop bête, il est le citoyen lambda que personne ne remarque. Jusqu'au jour où son cousin junkie lui dépose une mallette qu'il n'est pas sensé ouvrir. C'est la que l'embrouille commence car le contenu de la mallette intéresse beaucoup de monde, des gros poissons de la pègre de Harlem et une richissime famille néerlandaise spécialisée dans l'immobilier. Pour le reste vous découvrirez le monde interlope, les derrières des devantures, les arrières salles où jeux d'argent, trafic de stupéfiants et prostitutions nourrissent aussi bien certains habitants de Harlem que des flics blancs venant prélever leur dû, leurs enveloppes contre une « protection » hypothétique. « Harlem Shuffle » est aussi bien un classique du roman noir, avec cette immersion dans les arrangements avec la loi, la corruption de la police, des politiques. C'est aussi un livre engagé rappelant la lutte menée dans les années 60 à Harlem pour réclamer l'égalité de traitement avec les citoyens blancs. L'humour noir est bien présent avec des descriptions de personnages haut en couleur. Sur Télérama, Colson Whitehead précise que « Harlem Shuffle » n'est que le premier tome d'une trilogie en cours d'écriture. La première partie du récit prend le temps d'instaurer une ambiance plutôt légère mais au fur et à mesure, l'aspect sombre et dangereux prend le dessus avec un Ray Carney sous pression suite aux coups fourrés de son imbécile de cousin junkie. C'est l'un des romans à ne surtout pas manquer en cette rentrée littéraire 2023.
Lien : https://thedude524.com/2023/..
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critiques presse (14)
Liberation
24 mars 2023
Entre 1959 et 1964, on y suit un commerçant de quartier qui se trouve embarqué dans des histoires avec la pègre : mise à sac d’un hôtel, vengeance après une arnaque, et cambriolage de la famille la plus riche de la ville. L’autre grand personnage du roman, c’est Harlem qui lutte contre le racisme et les injustices au milieu des petits caïds et des junkies.
Lire la critique sur le site : Liberation
LeMonde
07 mars 2023
Ici, on « entend » vraiment cette 125e Rue qui crie, injurie, entourloupe, règle ses comptes sans faire de cadeaux. L’humour prévaut. L’immoralité triomphe. On marche à fond avec Whitehead, ce romancier archi-doué qui sait décidément tout faire.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeMonde
07 mars 2023
Il faut du talent pour réussir pareil doublé. Il faut aussi une étonnante capacité à se renouveler. C’est ce qui frappe dans Harlem Shuffle, cette énergie créatrice qui, loin de s’essouffler, se réinvente encore une fois autour de ses thèmes privilégiés : race, pouvoir, histoire. Avec un brio réjouissant, Whitehead les transpose ici dans ce vrai-faux polar, parodie de gangster novel d’une truculence irrésistible.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeDevoir
06 février 2023
Plongée tumultueuse dans le Harlem des années 1960 avec Colson Whitehead, qui brasse les codes du roman noir.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
LeSoir
31 janvier 2023
Il est une fois de plus irrésistible dans « Harlem Shuffle », qui raconte les petites embrouilles de Ray Carney pour s’en sortir dans le Harlem des années 60.
Lire la critique sur le site : LeSoir
RevueTransfuge
31 janvier 2023
Colson Whitehead signe Harlem Shuffle, (Albin Michel) : roman classique américain de la chute et de la rédemption, que Whitehead réinvente sous le prisme du racisme, et dans la communauté noire new-yorkaise des années soixante, marquée par la Seconde Guerre mondiale, et le combat contre la ségrégation.
Lire la critique sur le site : RevueTransfuge
LeJournaldeQuebec
30 janvier 2023
Au tournant des années 1960, Harlem n’avait rien à voir avec le quartier embourgeoisé new-yorkais qu’on connaît aujourd’hui. Dans ce nouveau roman magistral, l’Américain Colson Whitehead se charge d’ailleurs de nous le montrer à sa manière en le faisant revivre.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Bibliobs
23 janvier 2023
Le livre a New York pour décor, les émeutes raciales pour thème, la culture pop pour référence et beaucoup de phrases drôles au milieu de tout ça. C’est l’histoire de Ray, un vendeur de meubles qui officie dans le nord de Manhattan, sur la 125e Rue.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Telerama
19 janvier 2023
« Archéologie du quartier de Harlem », plongeant un demi-siècle en arrière dans l’histoire de New York, le roman s’est étoffé irrésistiblement pour devenir une trilogie, dont le deuxième tome paraîtra aux États-Unis cette année et dont le troisième est en cours d’écriture.
Lire la critique sur le site : Telerama
LaLibreBelgique
19 janvier 2023
L'auteur de "The Underground Railway" signe un polar captivant, plus humain que noir.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LePoint
16 janvier 2023
L’auteur américain de « Underground Railroad » et de « Nickel Boys » (deux fois prix Pulitzer) publie son premier polar, addictif…
Lire la critique sur le site : LePoint
LesEchos
09 janvier 2023
Un récit haletant sur les traces d'un antihéros savoureux, marchand de meubles et prince des filous.
Lire la critique sur le site : LesEchos
OuestFrance
09 janvier 2023
L’intrigue de ce nouveau coup de maître signe une déclaration d’amour au quartier emblématique de New York, à la veille des années 60.
Lire la critique sur le site : OuestFrance
LeFigaro
06 janvier 2023
L'écrivain américain publie un roman noir inspiré dans le New York des années 1960.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (82) Voir plus Ajouter une citation
Malgré la compagnie de ses beaux-parents, Carney aimait venir dans leur maison de Strivers’ Row, « l'Allée des Travailleurs ». Enfant, il admirait ces demeures de brique jaune et de pierre blanche immaculée parachutées en plein Harlem. Vus depuis la 8e Avenue, les trottoirs étaient toujours balayés, les caniveaux débouchés, et les ruelles séparant les maisons lui apparaissaient comme des territoires intrigants. Un pâté de maison qui avait son propre nom, ce n'était pas courant. Comment pourrait s’appeler son vieux bloc d'immeubles de la 127e Rue ? Crooked Way, « la Voie des Escrocs ». Le travailleur d'un côté, le voyou de l'autre. Les travailleurs tendaient vers une vie plus belle - qui existait peut-être, ou peut-être pas - quand les escrocs magouillaient pour détourner le système en place. D’un côté le monde tel qu'il aurait pu être, de l'autre le monde tel qu'il était. Mais Carney se montrait peut-être un peu trop radical. Nombre d'escrocs étaient de grands travailleurs, et nombre de travailleurs trichaient avec la loi. (p.93)
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Tandis que Munson s'attardait dans la pâtisserie, Carney se remémora la traque de Miami Joe, les couvertures et les planques dont Pepper lui avait appris l'existence. Des endroits qu'il n'avait jamais remarqués étaient soudain révélés, comme ces grottes qui se découvrent à marée basse et s'enfoncent dans l'obscurité. Pourtant, elles ont toujours été là, offrant un chemin caché vers les profondeurs. Cette tournée en compagnie du flic menait Carney dans des lieux qu'il voyait tous les jours, des établissements à deux pas du sien devant lesquels il passait depuis qu'il était enfant et qui n'étaient en réalité que des façades. Ces portes constituaient les entrées d'une ville différente - ou plutôt les différentes entrées d'une immense ville secrète. Proche de vous à tout instant, adjacente aux choses que vous connaissez, juste en dessous. Il suffit de savoir où chercher.
(p.337)
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Il descendit via Park Avenue. Il trouvait logique de suivre l’enfilade de taudis noirs de suie jusqu’à la 96e, où ils cédaient brusquement la place à un majestueux régiment d’immeubles résidentiels de renommée internationale, lesquels étaient remplacés à leur tour par des sièges sociaux monumentaux à partir de la 50e. Park Avenue ressemblait aux graphiques des manuels d’économie illustrant l’emplacement des entreprises florissantes, avec en abscisses le numéro des rues de Manhattan et en ordonnées le chiffre d’affaires. Voici un exemple de croissance exponentielle.
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La circulation des enveloppes. Carney repensa à son idée de barattage, au mouvement des marchandises - meubles de télévision, fauteuils, pierres précieuses, fourrures, montres - d'une main à une autre, d'une vie à une autre, d’un acheteur à un vendeur puis à un nouvel acheteur. Comme dans les illustrations de National Geographic sur le climat représentant les masses d'air invisibles et les courants profonds qui façonnaient la personnalité du monde. Si on prenait un peu de recul et si on avait les bonnes clés, on pouvait observer l'action de ces forces secrètes, leur fonctionnement. Si on avait les bonnes clés.
(p.212)
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Avant de se mettre en route vers Convent Avenue, il s'accorda un instant pour admirer son enseigne. CARNET’S FURNITURE. Si les flics l’arrêtaient, est-ce qu'il perdrait le magasin ? Il s'était tellement appliqué à séparer les deux moitiés de sa vie, et voilà qu'elles menaçaient de se percuter. Cela étant, ces deux moitiés partageaient déjà le même bureau. Il s'était berné tout seul.
(p.254)
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Tout le monde sait que les écoles disciplinaires étaient des endroits difficiles pour les adolescents. Mais on ignorait que poser le pied dans certaines d'entre elles, c'était faire le premier pas vers l'enfer. Et ce jusqu'à une époque très récente.
Nickel Boys » de Colson Whitehead est publié aux éditions Albin Michel.
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