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Citations sur Canines (7)

- Maintenant je descends en mon coeur comme dans le fond d'une mine et j'en retire - aussi froide que le métal - la pensée qui va m'anéantir. Ce métal, je le purifie au feu de la détresse - j'en fais un dur acier - je le trempe de part en part dans le venin du remords ...

Comme un écho grotesque aux déchirantes paroles de Penthésilée, des grognements s'échappaient de la coulisse, côté jardin. Des grognements qu'on tentait de retenir mais qui fusaient tout de même et qu'on entendait du plateau.

Toujours encadré par quatre machinistes et surveillé par le pompier, Lucerne maintenant pleurait les morts d'Achille et de Penthésilée. De gros sanglots spasmodiques, sonores et qu'il cherchait à étouffer en s'enfonçant un pan de sa chemise dans la bouche. Un bâillon de fortune sans grande efficacité et qui révélait un ventre blanc et mou.

Sur scène, Penthésilée achevait de mourir du seul fait de sa volonté. Le ciel entier s'enflammait, une aurore glorieuse commençait qui niait la mort et le destin tragique des deux amants. C'était comme la fin d'un cauchemar. Enfin, le noir se fit.

Aussitôt, dans la salle, éclatèrent les premiers applaudissements. Enthousiastes, frénétiques, d'autant plus nourris que des hurlements de mécontentement y faisaient écho. Tout de suite, on s'insulta avec une rage inouïe. Les acteurs saluaient, éberlués par cet accueil, épuisés physiquement et nerveusement, presque en état de choc. Leur retour sur scène attisait toutes les passions. Les hurlements et les applaudissements redoublaient. La salle entière était maintenant debout, tournée vers le plateau, criant qui son bonheur, qui sa détestation. Des bravos à n'en plus finir, mais aussi des insultes ordurières. Les deux camps s'affrontaient au balcon, à l'orchestre, dans le hall, partout. Et toujours Jo, de la cabine technique, envoyait les noir-lumières. ... [...]
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-Comme si l'Art excusait tout ! Comme si le théâtre vous mettait au-dessus du reste du monde ! Comme s'il vous autorisait à tous les excès, à tous les débordements !
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Dans le clair obscur du théâtre les comédiens ressemblaient à des naufragés, à des compagnons du hasard unis pour le meilleur et pour le pire et qui tenteraient en commun de survivre. (p.241)
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[...] ... - "Cette première scène entre les Amazones est capitale," dit-il. "Tu dois vraiment contrer la mauvaise foi de Penthésilée. Tu as la certitude de ceux qui ont la Loi pour eux. Aucune sentimentalité, aucune psychologie. Tu comprends ?"

Et sans lui laisser le temps de répondre :

- "Je suis sûr que tu comprends."

Il lui souriait.

- "Il faut que tu te fasses davantage confiance, Sandra. Que tu me fasses davantage confiance, à moi ...

- Je te fais confiance."

Elle murmurait, intimidée par le ton affectueux et intime qu'avait maintenant Lucerne et qu'il semblait n'utiliser qu'avec elle. Elle croyait sentir posés sur elle les regards curieux des autres. De peur de croiser celui de Marie-Lou, elle fixait obstinément le plancher.

Alma avait repris ses cercles autour du plateau. Pour elle seule, elle scandait le début de son texte : Dix mille soleils fondus en un globe de feu ne brilleraient pas pour moi autant qu'une victoire, une seule. Une victoire de moi sur Achille.

La porte d'entrée une dernière fois se referma.

- "Allons-y !" dit Lucerne. "Alma, tu rentres à gauche, côté jardin. Marie-France et Christine, vous l'accueillez : Salut à toi, Victorieuse ! Salut, Triomphante ! Reine de la Fête des Roses ! Alma, tu es blessée mais ton énergie est décuplée. Tu leur coupes immédiatement la parole : Non, pas de triomphe pour moi ! Non, pas de Fête des Roses ! Le combat à nouveau m'appelle sur le terrain. Le jeune dieu de la guerre, je le dompterai de ma main ..., etc. Alexandra, tu te reposes auprès de ce qui sera un feu de camp. La gravité de la situation, tu ne la saisis pas d'emblée. Mais quand tu la saisis, c'est avec la rapidité d'une flèche. On y va !"

Une certaine maladresse freinait les mouvements de Marie-France, Christine et Alexandra. Une raideur normale au début des répétitions et qui n'inquiétait pas encore Lucerne. Son regard attentif enregistrait les rapides et réguliers progrès d'Alma. Quelque chose chez elle se précisait : une façon d'avancer ses épaules en avant, d'avancer par à-coups. Une façon primitive de se mouvoir, à la fois juste et belle, qui rendait illusoires les tâtonnements des trois autres. ... [...]
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-Je veux leur donner envie de vomir. Je veux qu'ils en s'en remettent pas de sitôt et que le suicide de Penthésilée, ensuite, les achève ! répétait Lucerne avec férocité.
Ils, c'étaient les futurs spectateurs, masse pour le moment informe et abstraite que l'on évoquait avec un mélange de mépris et d'effroi.
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-Qu'est-ce que ça peut te faire de coucher avec lui ? Juste un peu ? De temps en temps ? Pour la bonne marche du travail ?
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Parfois, leur groupe en croisait un autre. Des comédiens qui sortaient de répétition et qui cherchaient eux aussi un restaurant pour dîner. Tous avaient le même air farouche et concentré qui signifiait : "Attention, nous ne sommes pas là pour nous amuser... Nous faisons un spectacle, le meilleur "; une même absence; un même refus de l'existence des autres. Il arrivait, bien sûr, que l'on se connaisse d'un groupe à l'autre. Mais le temps n'était pas aux effusions et l'on s'en tenait au strict minimum.
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