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EAN : 9782070271276
Gallimard (03/04/1968)
4.42/5   6 notes
Résumé :
Suivi de Notes de ma cabane de moine par Kamo no Chômei, traduites par le R. P. Sauveur Candau
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Vers l'an 1330, le moine Urabe Kenko, ancien haut fonctionnaire de la cour impériale (il en dirigea la garde), se retira sur le mont Hiei, près du temple Enryaku-ji et du sanctuaire de Sannô, et commenta à noter ses impressions et ses souvenirs, sans but précis, comme il le déclare lui-même : « au gré de mes heures oisives, du matin au soir, devant mon écritoire, je note sans dessein précis les bagatelles dont le fugitif reflet passe dans mon esprit. Étranges divagations ! ». Ainsi sont nés les « propos des heures oisives », selon leur titre originel, qui nous sont ainsi parvenues grâce aux travaux d'un ensemble de traducteurs : J.Chazelle, conseiller à l'ambassade de France au Japon, Charles Grosbois, qui fut directeur de l'Institut franco-japonais du Kansaï à Kyoto, Mme Tomiko Yoshida et M. Maeda. Cette traduction a été effectuée en 1968 et est reprise ici.
Urabe Kenko nous livre 243 réflexions, notes, considérations et souvenirs sur les sujets les plus variés. Il ne s'agit pas de réflexions éthérées sur des principes bouddhiques abscons, mais de simples notes, avis et souvenirs sur la vie quotidienne d'un ancien notable à la vie bien remplie. Il nous parle ainsi de la cour, de la société de son temps, des hommes et des femmes, des sentiments, des habitations… nous donnant à découvrir les usages et la vie de son temps. Il ne craint pas de se contredire parfois, car ses notes n'ont rien de systématique, ce sont des impressions, filles de l'instant et d'un esprit singulier.
On passe ainsi des souvenirs d'un ancien amour (« l'oubli ne saurait abolir aucun mot émouvant autrefois entendu, mais la personne est devenue étrangère à ma vie, et cela est plus triste que l'adieu de la mort » — p. 60) aux cérémonies de l'abdication impériale ; des conseils pour ceux qui ont une mauvaise écriture (p. 64) à un plaidoyer contre les superstitions des jours fastes (p.92).
Plein de malice, n'hésitant pas à égratigner les dogmes et les attitudes affectées de ses propres croyances, Urabe Kenko nous conduit des souvenirs de soirées galantes (p. 97) aux anecdotes de la cour, mettant souvent en vedette des dames de compagnie qu'il fréquenta souvent au cours de sa vie au palais. Il n'hésite pas à se moquer gentiment d'erreurs de prononciation ou d'écriture venant des rapports complexes entre le chinois et le japonais, mais se prononce aussi en faveur de la protection des animaux (« l'homme qui tue un être vivant, qui le tourmente, qui le fait combattre contre un autre pour son propre plaisir, n'est pas différent des bêtes fauves qui s'entretuent pour se dévorer » - p. 110.) ou contre les mariages arrangés (p. 172), pourtant la règle à son époque (et très récemment encore)*.

Une lecture très intéressante qui nous donne un témoignage de première main sur la culture et la vie quotidienne des familles nobles de l'ancien Japon, et sur les fondements de la culture japonaise. Ses considérations sur l'éducation, sur le caractère imprévisible de la vie, se retrouvent aisément dans les structures du Japon contemporain, qu'il aide à mieux comprendre.

La traduction étant collégiale, elle s'attache à préserver le sens, la culture et l'esprit des propos. Elle est établie dans une belle langue, faisant honneur au français. Urabe Kenko est rapproché par les spécialistes des auteurs français que l'on qualifie de moralistes, comme La Bruyère, Montaigne** ou La Rochefoucaud. Les traducteurs ont accentué cette proximité intellectuelle en donnant aux textes d'Urabe Kenkô un phrasé parfois très proche de celui de Montaigne ou De La Bruyère (en particulier les notes LXXXV (p. 89), XCI (p. 92) et CXLIII (p. 123). Toutefois, on peut être plus critique sur le fait d'avoir numéroté les 243 propos en chiffres romains (!), une préciosité dont on se serait bien passé.
L'ouvrage comprend 40 pages de préface des traducteurs de septembre 1963, suivi par les heures oisives, divisées en deux livres comportant 243 propos, numérotés en chiffres romains (!). le livre I en compte 136, le II 107, l'ensemble couvrant 134 pages. Les traducteurs ont réalisé un gros travail en rédigeant de nombreux commentaires et notes qui couvrent 51 pages en petits caractères sur 2 colonnes. Un signet mobile sera très utile au lecteur pour exploiter ces notes au fur et à mesure de sa lecture (il aurait été plus facile pour le lecteur de les trouver en bas de page, directement là où elles se révèlent utiles, plutôt que de devoir sans cesse naviguer entre les deux parties du livre). Dix-huit pages d'illustrations japonaises tirées d'une ancienne édition de l'ouvrage, et reliées à leur propos respectif, et un index détaillé de dix pages closent les heures oisives.

Elles sont suivies par les « notes de ma cabane de moine », de Kamo no Chomei, écrites en 1212, et traduites par le Révérend Père Sauveur Candeau, éminent japonologue de la première moitié du vingtième siècle, prêtre de la Société des Missions étrangères qui enseigna à l'université Waseda, à Tokyo, entre 1933 et 1939. Célèbre musicien et poête de son temps, Kamo no Chomei n'a pu, malgré l'appui impérial, hériter de l'office paternel, une charge de prêtrise dans un grand temple, et de dépit s'est retiré dans une modeste cabane, où il a écrit ses notes, les Hôjôki. Il y médite sur les catastrophes dont il a été témoin : incendies, ouragan, errements politiques amenant de grands mouvements de population, famines, tremblement de Terre, disgrâce politique… puis décrit, par contraste, les joies de son existence dans sa nouvelle maison, une simple cabane où il savoure les joies de la solitude : « je me connais, je connais le monde je n'en attends rien, je ne me mêle pas à lui, je me contente de désirer ma tranquillité et j'estime que le bonheur consiste dans l'absence de soucis. »

La lecture de Kamo no Chomei est agréable, elle nous renseigne sur lia façon dont les Japonais pouvaient, à une époque troublée et sur une Terre qui ne l'est pas moins, aspirer à la sérénité.
Antérieures d'un siècle environ à l'oeuvre de Urabe Kenko, les notes sont très brèves : après une introduction de deux pages de Shigeo Kawamoto, elles ne comprennent que 16 pages, une page de cartes de l'ancienne Kyoto et des environs de la ville, et deux pages de notes.

L'ensemble de ces deux oeuvres est d'une lecture agréable, leurs divisions facilitant une lecture fractionnée. L'ensemble est une véritable capsule temporelle qui nous montre que, malgré deux siècles et une culture si différente de la nôtre, les préoccupations humaines sont étrangement semblables à celles qu'elles sont aujourd'hui. Comme l'affirme Kamo no Chomei au début de ses notes : « La même rivière coule sans arrêt, mais ce n'est jamais la même eau ».

Le livre en lui-même est une édition Gallimard UNESCO / connaissance de l'orient, de 282 pages, au format 12,5 x 19 cm.
Imprimé en France en 2017, c'est en réalité une réédition de la version Gallimard de 1968, compressant elle-même des éléments de 1963. On peut la trouver sous plusieurs couvertures différentes. Bien que la présence de notes volumineuses oblige à de fréquentes manipulations de l'ouvrage, la reliure brochée ne semble pas d'une grande solidité : au bout de quelques heures, les dernières pages manifestent déjà leur impertinence, et leur volonté d'indépendance…

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Parmi les anecdotes de Urabe Kenko, j'ai retrouvé l'origine de l'histoire du bonze peureux et quelque peu éméché terrifié par un chat monstrueux, le nekomata ; histoire que j'ai romancée, développée et incluse dans mon livre Neko monogatari.

** Ainsi, le fameux traducteur René Sieffert notait à propos d'arabe Kenkô : « Dans un siècle soumis aux violents, il est le parfait honnête homme, libre, fin, sceptique, un Montaigne de l'Extrême-Asie. » La littérature japonaise, Publications orientalistes de France,1973, p. 93.
Lien : https://litteraturedusoleill..
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