En représailles des bombardements incendiaires américains sur les civils japonais, et des deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, l'armée japonaise fait exécuter des aviateurs américains capturés et tombés entre ses mains. Une fois le pays vaincu et occupé, les occupants lancent une traque minutieuse et méthodique dans les rangs de l'ancienne armée impériale, et nombre de soldats et d'officiers finissent au bout d'une corde. Ce roman raconte la fuite de l'officier Takuya Kiyohara, et nous fait voir par ses yeux les premières atroces années de l'occupation américaine du Japon.
L'originalité de l'ouvrage est d'adopter le point de vue d'un soldat vaincu et recherché pour crime de guerre, à savoir l'exécution d'un prisonnier, ce qui pèse peu devant les bombardements incendiaires et atomiques des vainqueurs. Il est intéressant de voir les choses de ce point de vue, de partager les pensées de l'homme traqué, de voir comment des Occidentaux se conduisent dans un pays occupé d'Extrême-Orient. Il a été question de "rédemption" dans certaines critiques de ce livre, mais je n'y ai rien trouvé de tel, sinon l'injustice brute de la loi du plus fort. Takuya, "le criminel", homme simple, ne s'embarrasse pas de justifications morales, fait face honnêtement à ses actes, à ceux des vainqueurs, qui ne sortent pas grandis de cette histoire. Il a peur de la mort, est conscient de perdre son honneur et sa combativité, et cherche à survivre. Sa méconnaissance de l'anglais le met à l'abri des justifications morales que le vainqueur se donne, et lui fait voir sa loi telle qu'elle est.
Le roman par lui-même est mal écrit. Selon le grossier procédé mis au point par les Naturalistes français comme
Zola, une phrase ("Il pensait que ..." "Il sentait que ...") sert souvent de prétexte maladroit à longues tartines de considérations historiques, économiques ou stratégiques que le héros ne saurait concevoir seul. Dans ces mauvais moments, celui-ci laisse la place à l'auteur et à son jargon sans grâce d'administrateur, d'historien ou d'essayiste. Cet auteur a toutefois le mérite de rappeler que la stratégie du génocide, que les Alliés avaient envisagée un temps pour l'Allemagne, fut bien appliquée au Japon par les Américains (cf
W. G. Sebald, "
De la destruction comme élément de l'histoire naturelle"). Seule la guerre froide sauva ce peuple qui, brûlé vif ou irradié pendant les bombardements, fut réduit à la famine pendant les premières années d'occupation américaine (voir "La Tombe des Lucioles"), jusqu'à ce que la guerre de Corée éclate.
Je ne sais si la mauvaise qualité de la langue est due au traducteur ou si elle est d'origine, mais cette belle histoire de fuite, de traque et de clandestinité, ce beau portrait humain, sont gâchés par des longueurs historico-politiques maladroitement insérées.