Être Daredevil
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Ce tome fait suite à Daredevil by Chip Zdarsky Vol. 6: Doing Time (épisodes 26 à 300) qu'il faut avoir lu avant. Il regroupe les épisodes 31 à 36, initialement parus en 2021, écrits par
Chip Zdarsky. Les épisodes 31 & 32 ont été dessinés par
Mike Hawthorne, encrés par Adriano di Benedetto. L'épisode 33 a été dessiné et encré par
Marco Checchetto. Les épisodes 34 & 35 ont été dessinés et encrés par
Stefano Landini, avec l'aide de
Francesco Mobili pour le 35. L'épisode 36 a été dessiné par
Manuel Garcia, et encré par
Cam Smith,
Scott Hanna, Victor Nava. La mise en couleurs des 6 épisodes a été réalisée par Macio Menyz, avec l'aide de
Bryan Valenza pour le numéro 36. Les couvertures ont été réalisées par Checchetto. le tome comprend également les couvertures variantes de
Greg Land, Peach Momoko,
David Lopez,
Rob Liefeld,
Joe Jusko,
Juann Cabal,
Dan Panosian.
Daredevil est toujours en prison, son identité secrète étant toujours préservée. Il a accepté de devenir un informateur pour l'agent Kesbeh du FBI car il y a un soupçon de décès prématuré de prisonniers au sein de cet établissement pénitentiaire. Ce matin, Marcus vient le chercher dans sa cellule pour discuter de sa position, mais le superhéros n'est pas d'humeur à se laisser convaincre. Puis un gardien vient le chercher car il est attendu pour une audience avec le directeur Hollis dans son bureau. Dans le même temps, Elektra Natchios essaye de faire réagir la jeune fille Alice dont elle a pris la responsabilité. Elle lui jette un gant de boxe pour la provoquer, mais la jeune fille refuse le défi, s'en prend à Elektra en lui disant qu'elle ne se rend pas compte du fait qu'elle, Alice, a tué un homme. Elle prend son manteau et sort en courant, claquant la porte derrière elle. Dans une cave, Mo, un homme de main enlève le sac qui recouvrait la tête de Matt Murdock, en faisant remarquer que c'était idiot de recouvrir ainsi la tête d'un aveugle. Joseph Hammerhead montre son énervement à être ainsi traité d'idiot. Butch Pharris suggère que tout le monde se calme et d'écouter Murdock.
En tant qu'ex-assistant du District Attorney, Murdock explique qu'il est là pour évoquer un arrangement, et qu'il leur fait une faveur. Il présente la situation : Izzy Libris a pris la place du caïd à New York, et elle a ordonné l'assassinat de Hammerhead. Il les informe qu'il y a actuellement un plan en oeuvre pour l'éliminer de la place de caïd, et qu'il serait intelligent qu'en attendant les autres clans représentés par eux évitent de s'engager dans une guerre des gangs qui serait néfaste pour tout le monde. L'équipe du DA va faire en sorte que Libris aille en prison avec eux tous, ou alors les chefs de bande arrangent un coup pour la déposer et reprendre le commandement de la pègre. Dans le même temps, Elektra dans le costume de Daredevil est en train de méchamment défoncer des petits criminels de rue en exigeant qu'ils lui disent où se trouve Izzy Libris. Wilson Fisk s'en prend au préfet de police de New York en exigeant que Bullseye soit localisé et neutralisé dans les plus brefs délais.
Matt Murdock en prison, Elektra en superhéros, et un gugusse qui a usurpé l'identité de Matt, Wilson Fisk qui essaye de rétablir l'ordre dans la ville dont il est maire avec l'aide de Mary Walker qui oscille entre son identité civile et son identité costumée, sans oublier Bullseye en tireur d'élite plus insaisissable que jamais qui a décidé de faire des cartons sur des civils, depuis les toits de New York. Finalement, seul ce dernier est à sa place habituelle, tous les autres étant à contre-emploi. Matt Murdock essaye de garder en vie les détenus contre l'administration pénitentiaire. Elektra Natchios fait l'expérience d'endosser les responsabilités de Daredevil et de prendre soin d'une jeune adolescente. Fisk prend la pleine mesure de son erreur : lâcher un tueur dans la nature s'avère être l'une des idées les plus idiotes qu'il ait pu avoir pour se débarrasser d'un problème. le scénariste a bien su entremêler les fils de son intrigue générant un suspense tendu, sans pour autant réduire ses personnages à de simples pantins s'agitant dans tous les sens au gré des scènes d'action.
Comme dans les tomes précédents, les dessinateurs se succèdent assurant 1 ou 2 épisodes, avant de céder la place au suivant. Comme précédemment, le lecteur peut regretter que
Marco Checchetto ne dessine pas tous les épisodes : il se console en se disant qu'il dessine l'intégralité de [[ASIN:1302932845 Devil's Reign]], événement dans lequel aboutit la présente série. Il retrouve effectivement avec plaisir les traits de contour acérés de l'artiste dans l'épisode 33, sa manière de concevoir un découpage de planche en fonction de la scène, pour accentuer le mouvement, ses mises en scène spectaculaires. Il est gâté dans cet épisode avec Lester reprenant conscience dans un grand tube à dimension humaine (indice : il n'est pas content), Elektra prenant conscience du nombre d'ennemis armés qui l'entourent, une chute depuis un étage d'immeuble, une épaisse fumée d'incendie qui obscurcit le ciel, la tête de Stark quand Elektra le met au défi de lui inventer une arme, ou encore l'inspecteur Cole North découvrant Daredevil au sommet de son trône dans le hall de la prison.
Par la force des choses, le lecteur apprécie les autres artistes par rapport à cet épisode 33. de fait la narration visuelle de
Hawthorne est plus douce, avec des traits de contours un peu plus épais, et plus arrondis. En cherchant un réalisme plus juste, l'artiste perd en dangerosité, en célérité. D'un autre côté, il se repose moins sur les effets spéciaux de la mise en couleurs, et il se contraint à représenter chaque élément avec un degré de détail plus élevé. Ça fonctionne bien avec les personnages, même si leur jeu d'acteur manque parfois de naturel. Ça fonctionne un peu moins bien avec les décors, en fonction de la précision du dessin, car ce mode de représentation ne souffre pas la simplification. du coup de temps à autre, le lecteur éprouve la sensation de sortir du récit le temps d'une case pour un élément peu plausible : un sourire trop franc de Daredevil, les cornes trop prononcées sur le masque de Daredevil porté par Elektra, les murs trop souvent en briques, une chaussée trop lisse et trop propre. Dans ces quelques moments-là, le lecteur passe d'une vision réaliste et plausible, à une vision mettant en avant un artifice, ou une représentation teintée de naïveté.
Avec les épisodes 34 & 35, il passe dans un registre visuel plus proche de celui de Checchetto pour la sensation acérée, mais avec des visages plus lisses, et des décors moins soignés. Cela donne une narration plus inquiétante que celle de
Hawthorne, avec quelques moments spectaculaires (le visage masqué de Daredevil / Elektra sur les écrans de Times Square) et quelques expressions de visage trop juvéniles. Enfin, il passe au dernier artiste pour le dernier épisode de ce recueil. Celui-ci est plus proche de
Hawthorne, avec un sens des textures plus développé, ce qui donne des personnages plus consistants et des environnements plus tangibles. La sensibilité est sensiblement différente de celle de Checchetto, ce qui n'est pas choquant car cet épisode forme une sorte d'épilogue à ce chapitre. Plusieurs images frappent l'imagination du lecteur, dont ce magnifique Daredevil très sombre, profondément enfoncé dans le fauteuil de Wilson Fisk dans son vaste bureau. À deux ou trois reprises, le dessinateur choisit de privilégier une posture très acrobatique pour le superhéros passant de toit en toit, avec une dramatisation tellement artificielle qu'elle fait sourire. Dans l'ensemble, ces 6 épisodes bénéficient d'une bonne narration visuelle, sans être irréprochable, mais rien de honteux.
Le lecteur retrouve Daredevil avec plaisir, en se demandant comment l'intrigue va évoluer, quels défis il va affronter, et comment vont s'en sortir les autres personnages. Il apprécie que le scénariste sache mettre en valeur la personnalité de chacun. Matt Murdock est coincé en prison, et il est fermement décidé à se soumettre à la loi, à assumer les conséquences de son crime. Pour autant, il ne peut pas renoncer à assouvir son besoin de justice. Cela l'amène à collaborer avec un représentant de la loi : Matt Murdock continue à chercher comment servir au mieux la justice et la loi, à concilier les deux tout en ayant à l'esprit que la posture de vigilant joue en la défaveur du respect de la loi, par rapport aux agissements d'un simple citoyen. Elektra se retrouve confronté à un constat très similaire : elle n'est pas faite pour s'occuper d'une jeune adolescente dont la responsabilité lui a échue, et elle a du mal à s'en tenir aux méthodes de Matt Murdock pour incarner Daredevil et ne pas trahir ses valeurs morales. Wilson Fisk doit lui aussi concilier sa volonté de rester rangé des voitures, et en même temps l'obligation d'utiliser des moyens illégaux s'il veut conserver sa position et atteindre ses objectifs. Il souffre tout autant que les deux autres de ce dilemme moral, le lecteur compatissant peut-être le plus avec lui car Matt Murdock est le héros et il restera du bon côté de la loi, Elektra peut basculer aussi bien d'un côté que de l'autre au gré de la fantaisie des auteurs. En revanche une rédemption de plus ou moins longue durée reste possible pour Fisk, car il en a déjà bénéficié par le passé.
S'il a été accroché par cette saison de la série dès le début, le lecteur est aux anges : la narration visuelle est solide, et de très bon niveau pour l'épisode dessiné par
Marco Checchetto. L'intrigue progresse de manière significative, les différents fils narratifs se croisant de manière organique, pour une tapisserie de bonne facture, avec des scènes d'action mémorables, et une thématique développée par chacun des trois principaux personnages sur la manière de prendre ses responsabilités, de participer à l'amélioration de la société ou de sa communauté, avec ses capacités personnelles.