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Critique de Nastasia-B


Aïe !, aïe !, aïe ! Un sujet qui fâche ! Je m'apprête à passer une nouvelle fois sous les Fourches Caudines des adorateurs et recueillir en pleine face les tomates pourries de leur ressentiment... mais c'est ainsi.
Soyons clairs. de deux choses l'une : soit je suis passée complètement à côté de ce roman sans en saisir aucunement l'immatérielle, la consubstantielle beauté littéraire ni l'élan de foi noble et pure qu'il recèle (ce qui n'est pas impossible) ; soit ce numéro 5 des Rougon-Macquart est un très mauvais cru, des plus mièvres et des plus faibles qui soit (ce qui n'est pas impossible non plus !).
Et c'est moi qui vous le dit, moi qui suis pourtant une fan absolue tant de l'auteur, qui m'a souvent tant ravie, que de son gigantesque projet littéraire — peindre une histoire naturelle et sociale sous le second Empire. Je crois qu'il peut être utile aux deux de leur rendre ce petit service en prenant d'emblée position pour dire qu'il s'agit probablement (je le rappelle ce n'est que mon avis) d'un des plus piètres romans de la série et qu'il ne lui fait vraiment pas honneur.
Quelle déception, lorsque Zola fait du Paul et Virginie ! Il n'est tellement pas sur son terrain que c'en devient risible et pathétique.
Le roman se divise en trois parties ; les première et dernière pouvant, à l'extrême rigueur, faire un peu penser à du Zola très bas de gamme En revanche cette deuxième partie, surtout, constitue l'un des pires moments qu'il m'ait été donné de passer en littérature. Émile Zola y revisite le thème du jardin abandonné de la rue Plumet qu'avait exploré Victor Hugo avec parcimonie dans Les Misérables mais qu'ici il use jusqu'à la corde de la pire façon qui soit : du mièvre, du catalogue horticole, du plan-plan à souhait. Bref, un calvaire où j'ai vraiment porté ma croix de lectrice. L'ombre, de l'ombre, du collier, de la laisse, du chien qui galope après Zola, le vrai Zola qu'on aime. Une horreur.
On voit que l'auteur s'est documenté, un peu trop même, ou trop théoriquement, il a ouvert un traité de botanique et a tout pompé et tout réinjecté dans son texte. On croirait lire du Jules Verne dans ses interminables descriptions soporifiques de Vingt Mille Lieues Sous Les Mers.
C'est encore pire que dans le Ventre de Paris, où les pléthoriques descriptions de fruits ou de légumes avaient une fonction documentaire.
Ici, c'est artificiel au possible, on comprend vite que Zola n'y connait rien en jardinage sans quoi il n'écrirait pas de telles invraisemblances sur les végétaux. Bref, le pauvre Émile a sombré dans le pitoyable remplissage dans sa seconde partie.
Pourtant, l'objectif pouvait paraître louable au départ, après deux romans parisiens (La Curée, le Ventre de Paris) et deux romans dans une petite ville de province (La Fortune Des Rougon, La Conquête de Plassans), il a voulu transporter ses Rougon-Macquart à la campagne.
Par contre, quel plantage (pardonnez-moi, c'était facile), aussi bien du point de vue de l'utilité pour son projet (absolument aucune valeur de généralisation à un pan de la société sous Napoléon III et il avait d'ailleurs déjà traité du monde ecclésiastique dans La Conquête de Plassans) que de la réussite purement littéraire qui annonce déjà, par certains côtés les pires livres du cycle, à savoir Une Page D'Amour et le Rêve. Heureusement qu'il y aura La Terre pour forger un vrai bon opus campagnard digne d'intérêt.
Pour conclure, si le scénario peut vous intéresser (au cas où les histoires de curés succombant à la tentation charnelle sont à votre goût, je vous conseillerais plus volontiers le Moine d'Antonin Artaud), il s'agit de Serge Mouret, le frère d'Octave Mouret qu'on verra à l'oeuvre dans Pot-Bouille et Au Bonheur Des Dames, le fils du couple Mouret de la Conquête de Plassans qu'on a vu entrer au séminaire à la fin de ce roman et qui maintenant vient de prendre une cure dans un petit patelin paumé non loin de Plassans (c'est-à-dire Aix en Provence) et qui dans la réalité se situe au pied de la Montagne Sainte-Victoire (si chère à son ami Paul Cézanne).
Là, notre ascète abbé va tomber, par un improbable accident, dans le piège de la tentation auprès d'Albine, une jeune fille "sauvage" vivant au Paradou, version provençale du jardin d'Eden et de la chute qui s'y produit dans la bible. Faites grincer les violons, c'est parti pour du mélo à deux balles façon La Symphonie Pastorale en moins bien.
Le frère Archangias, la Teuse et Désirée Mouret sont trois personnages hyper caricaturaux très loin de la finesse avec laquelle il sait parfois brosser des portraits percutants.
En somme, si vous aimez Zola, je ne vous le conseille pas, vous seriez déçus, si vous ne connaissez pas Zola, je ne vous le conseille pas non plus car il n'est pas du tout représentatif de l'oeuvre si puissante, si intéressante et si documentaire de son auteur.
Néanmoins, on peut lui pardonner à notre vieil Émile car il en a écrit tellement d'autres et de vraiment bons qu'on peut bien fermer les yeux sur ce que j'appellerais "La faute de l'écrivain Zola".
Et n'oublions jamais que ce n'est que mon avis, un parmi beaucoup, beaucoup d'autres, c'est-à-dire, très peu de chose en vérité.
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