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Critique de brigittelascombe


"Tout est comme autrefois, sauf nous,sauf nous!"
Le voyage dans le passé est une fine étude psychologique de la relation d'un homme et d'une femme se retrouvant après 9 ans de séparation.
Lui, Louis jadis jeune-homme à la "pauvreté humiliante", à la "volonté fanatique", servile,sérieux,responsable,ambitieux et amoureux fou de la femme de son patron (d'une usine de Francfort) qu'il a "sanctifiée"; suite à la guerre de 14-18 s'est retrouvé (alors qu'il était en mission) coincé au Mexique où il a fondé une famille plus par sécurité que par véritable amour. Riche à présent,il désire concrétiser son "rêve" et obtenir le corps de celle qui, par dignité,s'est refusée à lui.
Elle, "madone bourgeoise"au "tact discret", "bonne fée attentionnée" répond à sa lettre, le retrouve passionnée et fuyante à la fois.
Le talent de Stefan Zweig (essayiste,romancier,nouvelliste,dramaturge et poète) intellectuel et érudit autrichien du XX° siècle est de dépeindre de façon magistrale les sentiments exacerbés (comme dans Un soupçon légitime où un homme passe de l'amour excessif pour son chien à l'indifférence ou dans Légende d'une vie où une mère étouffante maintient, à grand coup de mensonges, la gloire de son défunt époux).
Ici, comme pour Flaubert, l'amour est échec et désillusion. Il ne résiste pas au temps (elle a vieilli et a peur de son âge), à l'évolution (il est riche à présent, elle est libre et veuve,il est marié et père de famille) et au vécu de chacun (même si elle lui pardonne sa famille fondée), à l'histoire qui court à grands pas (la guerre les a séparés et c'est comme s'il retrouvait la haine des hommes en revenant sur les lieux du passé).
Tout passe par le regard, l'art du portrait, la rigueur du développement logique de la rencontre (on pense à Balzac) et le narrateur omniscient se fait complice d'une passion toujours présente mais passée à l'état d'ombre car ses protagonistes sont inaccessibles car vivants uniquement en rêves ceux des mots d'un poème de Verlaine qui ravive de simples souvenirs.
C'est nostalgique et c'est beau car l'amour physique aurait tout gâché, mieux vaut le laisser à l'état de fantasme, d'embrasement qui crépite puis part doucement en fumée comme un souvenir au parfum de résine mais à l'amertume de cendres.
Petit rajout cette femme, un peu trop prude pour notre époque,m'a émue me faisant repenser à un roman apprécié le grand secret de Barjavel où l'héroïne passionnément amoureuse n'a de cesse de retrouver son mari mais c'est un mari jeune, alors qu'elle a vieilli qu'elle va retrouver et dans le voyage dans le passé, on sent que pour elle ces neuf ans ont compté double avec une peur de vieillir sous-jacente.
Stephan Zweig, en philosophe étudie fort bien le rapport au temps des êtres et des choses.
A souligner aussi que les éditions Grasset ont eu la riche idée de donner une version bilingue de cette nouvelle, ce qui rend fort bien la musicalité de la langue allemande (chère à Goethe) de Stefan Zweig (le poète).
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