l feignit de ne pas l’entendre, sachant ce qui l’attendait.
Les jours d’exécution, inutile de les annoncer, tout le monde les reconnaissait au silence qui se répandait comme un miasme de peur superstitieuse dans les galeries de la prison. Il essayait de ne pas y penser, mais l’autre prisonnier décrivait le processus avec une telle précision que Nahúm Márquez avait déjà l’impression de subir le supplice du garrot.
Il ne savait pas d’où venait ce froid, qu’il sentait sur son visage tuméfié, sur ses pieds sans ongles et dans sa carcasse décharnée. Un froid implacable et mortel. Comme d’autres prisonniers avant lui, il urina sur ses mains pour se réchauffer. En vain.
Il se tassa dans un coin, sous un bout de couverture.
— Tu as peur ? lui demanda son compagnon de cellule.
Nahúm Márquez était pris de folie. Il ne pouvait rien voir, mais, les doigts tendus vers les murs sans fenêtre, en quête d’un peu de lumière, il se traînait sur le sol jonché d’excréments, essayant d’échapper au goutte-à-goutte désespérément lent et régulier qui tombait du plafond voûté, noir et humide.
— Le bruit rentre là-dedans et explose, murmura-t-il en se pressant la tempe.
[...] une guerre réclame ses martyrs autant que sa ration de lâches, de héros et de traîtres.
Il vit le reflet de son ombre sur le mur, pensa qu'il était très vieux, frotta les taches qui avec le temps étaient apparues sur ses mains et son visage, et se demanda pourquoi les hommes s'accrochaient de façon tellement irrationnelle à l'existence, si pourrie soit-elle, et pourquoi continuait-il de désirer, d'attendre quelque chose de lui-même, quelque chose dont il ignorait même la nature.
Son mariage et sa vie baignaient dans un bonheur sans accroc, pour lequel elle n'était pas obligée d'investir quoi que ce soit d'elle même. Il suffisait de s'asseoir et de laisser le temps passer. Le temps ne guérissait de rien, il se contentait de passer.
J'ai juste envie d'assassiner la Lune.
D'assassiner la Lune ?
Oui, parce qu'elle se glisse dans sa chambre et l'espionne toute nue.