« L'empire des polices
Comment Napoléon faisait régner l'ordre »
Jacques-Olivier Boudon
La Librairie Vuibert 2017
Quand on évoque la puissance de
Napoléon Bonaparte, on parle surtout de sa « Grande Armée » ; on parle de Marengo, d'Austerlitz, d'Eylau, de Wagram, du col de Somossierra, de Borodino. Mais on parle peu de sa police. C'est pourtant sur elle que reposait une large part de son autorité. Non que le régime napoléonien puisse être qualifié de « régime policier » - les succès rencontrés par la politique du Premier Consul, puis empereur, dans la pacification des campagnes, la rénovation des procédures administratives, l'apaisement des rapports entre l'Église et l'État, la refonte des codes de lois, l'amélioration des réseaux de communication, l'établissement de manufactures, le retour à une sécurité personnelle, suffisaient en grande partie à satisfaire l'opinion – mais que, au sein d'une nation accoutumée aux retournements politiques et très apte aux luttes de partis, la présence et l'action d'une force de police efficace était indispensable. Sans compter la chasse aux insoumis et aux déserteurs, puisque l'une des grandes réformes des gouvernements révolutionnaires, puis de l'empire, fut de faire passer les effectifs de l'armée de 200 000 hommes à plus de 700 000 par l'introduction de la conscription. Cet impôt du sang, presque inconnu de l'Ancien Régime, mal accepté par les populations, spécialement dans le sud et dans l'ouest de la France, outre qu'il déclencha l'insurrection vendéenne, alimenta un mécontentement latent et fournit une bonne part de ses occupations aux forces de police du régime.
Ce sont ces forces dont l'ouvrage de
Jacques-Olivier Boudon dépeint l'origine, l'instauration, l'organisation, le recrutement et l'action pendant toute la période du Consulat et de l'Empire. A coté de la Police, civile, fut réorganisée la Gendarmerie, corps militaire créé en 1791 (10 000 hommes en 1798), chargé de quadriller le territoire, y compris, par la suite, les nouvelles provinces annexées de Belgique, Hollande, nord de l'Allemagne, Italie et Catalogne. En 1802, ces deux organismes, appelés à collaborer, furent rattachés au ministère de la Justice. Si la Police ne comptait qu'un nombre restreint de commissaires, et devait compter sur la Gendarmerie pour les opérations d'envergure. La douane (27 000 hommes en 1809), quant à elle, sécurisait les frontières, faisait appliquer les taxes à l'importation et luttait contre une armée de quelque 100 000 contrebandiers...
L'ouvrage nous fait découvrir la lutte contre le brigandage, l'action d'un Vidocq contre ses anciens compères du bagne, l'agitation républicaine dans le sein de l'armée, la répression religieuse, la garde des prisonniers de guerre, les deux conspirations du général Malet, le complot de Pichegru et de Moreau, les tentatives d'encadrement de la prostitution, la police aux armées (lutte contre les pillards, réunion des traînards, escorte de prisonniers, ...), la surveillance des Jacobins, ...
En 1813, moment où l'empire français, proche de sa fin, atteignait sa plus grande étendue, la Gendarmerie comptait plus de 30 000 hommes. Ces effectifs assistèrent à l'effondrement militaire de l'empire et durent affronter l'invasion, mais ils réussirent, jusqu'à la fin, à conserver presque intact la structure de l'État. Arcesilas 21.6.2017