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EAN : 9782080800367
336 pages
Flammarion (08/04/2002)
3.94/5   40 notes
Résumé :
Dans ce livre devenu un classique, Alain Corbin s’est penché sur le grouillement des disparus du XIXe siècle, en quête d’une existence ordinaire. Il a laissé au hasard absolu le soin de lui désigner un être au souvenir aboli, englouti dans la masse confuse des morts, sans chance aucune de laisser une trace dans les mémoires. Né en 1798, mort en 1876, Louis-François Pinagot, le sabotier de la Basse-Frêne, n’a jamais pris la parole et ne savait du reste ni lire ni écr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Louis-François Pinagot : "un Jean Valjean qui n'aurait pas volé de pain". C'est parce que ce sabotier analphabète de l'Orne n'a laissé aucune trace dans L Histoire que Alain Corbin décide de le faire revivre dans ce livre aussi instructif qu'émouvant. Pourquoi l'Orne ? Parce que l'historien a une connaissance intime de ce département. Pourquoi Pinagot, et pas un autre nom qui figure sur l'état civil ? Parce qu'il a une vie suffisamment longue (78 ans) pour rendre ce travail intéressant.
Dans un parcours en 10 chapitres, Corbin reconstitue le microcosme géographique, le contexte politique, familial, l'univers mental dans lesquels le sabotier a vécu.
Dans l'espace d'une vie (chapitre 1), nous découvrons une Normandie très différente de l'image d'Epinal que nous avons aujourd'hui, un terre encore massivement consacrée à la culture céréalière, même si le bocage y est déjà présent. Pinagot appartient cependant au monde des confins, des bois, un monde plus marginal que celui des cultivateurs.
Bien qu'il appartienne à la fraction la plus pauvre de sa commune, et qu'il fasse partie un temps des "indigents" exemptés de certaines taxes, on vit longtemps dans sa famille, souvent au-delà de 70 ans. L'Orne n'est pas un pays de régime autoritaire où l'aîné hérite seul du patrimoine familial. Les écarts de richesse au sein de sa parentèle et ses relations amicales sont faibles (chap.3). En dépit de la loi Guizot (1833) qui imposait aux communes l'entretien d'une école primaire, l'analphabétisme reste très prégnant dans le monde rural auquel appartient Pinagot : les petites communes n'ont pas toujours les moyens de payer un instituteur et le paiement des frais de scolarité reste à la charge des familles (chap.4).
Les sabotiers se marient souvent à des fileuses, remplacées de plus en plus par des gantières qui travaillent pour des marchands-fabricants (chap.5). Les "arrangements" (contrats oraux) donnent souvent lieu à des litiges : dans la forêt, les vols de bois - bois de chauffage ou bois d'oeuvre - sont fréquents et les gardes forestiers doivent redoubler de vigilance et d'astuce pour démasquer les coupables. Les amendes peuvent s'élever pour certaines familles à plusieurs mois de salaire ! (chap.6).
Dans "le passé décomposé" (chap.7) et "les invasions" (chap.8), Alain Corbin reconstitue les représentations du passé d'Alain-François Pinagot. Si l'Orne a été moins directement touché que d'autres départements de l'Ouest par la chouannerie, les communes ont pâti néanmoins de la guerre civile et des déprédations commises par les légions de chouans et les armées républicaines. Les deux invasions prussiennes (1815 et 1870-1871) sont restées également dans les mémoires car elles ont donné lieu à des réquisitions de vivres, des pillages de linge, d'argenterie, et des tributs de guerre qui ont pesé lourdement sur les finances des communes.
Dans les deux premiers tiers du 19ème siècle, les crises frumentaires sont encore légion et donnent lieu à des attaques de convois de céréales, la constitution de barricades (1828-1832, 1839...). Les "indigents" constituent dans certaines communes jusqu'à un quart de la population de certains hameaux ou communes. Il faut attendre les premières années du Second Empire pour que la mendicité dans le département recule de façon sensible.
C'est à cette époque que Louis-François Pinagot peut acquérir une petite maison à deux ouvertures et sortir de la classe des indigents.
Quelles furent les convictions politiques de Pinagot ? Comment sa citoyenneté s'est-elle construite ? Difficile de l'estimer. Au moment de la Restauration, les fêtes de souveraineté (où l'on commémore Louis XVI, le roi-martyr) sont présentes dans certaines communes. le premier scrutin auquel Pinagot a pu participer concerne l'élections des officiers et sous-officiers de la Garde nationale. Avant 1848, date de l'instauration du suffrage universel masculin, il ne peut pas voter comme le font certains membres de sa famille qui ont paient un cens suffisant pour le faire. Mais même après 1848, les sabotiers, à la différence des cultivateurs, utilisent peu le droit de vote. Il faut attendre la toute fin de l'Empire (1869) pour qu'une majorité de cette corporation l'utilise. Signe que l'enracinement de la République est tardif dans ce "pays".
Il faut attendre une pétition municipale de 1871 pour que Alain Corbin découvre pour la première fois la seule trace manuscrite, une croix malhabile, de la main de Alain-François Pinagot.
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Corbier Alain - "Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot : sur les traces d'un inconnu, 1798-1876" Flammarion, 1998 (ISBN 2.08.212520.3)

L'auteur, historien confirmé, choisit "au hasard" (pas tant que ça tout de même) un citoyen du département de l'Ornes ayant vécu les deux tiers du XIXème siècle, un obscur sabotier analphabète n'ayant laissé pratiquement aucune trace de lui-même, et nous montre ce que quelques recherches historiques peuvent reconstituer de son cadre de vie.

La démonstration est à la fois convaincante et désespérante.
- Convaincante, car les sources permettent effectivement de reconstituer de façon crédible l'environnement et le cadre de vie de cet homme.
- Désespérante, car même un historien virtuose de l'exploitation de la moindre bribe de document historique finit par reconnaître qu'on ne saura plus jamais rien de ce que cet homme-là, précisément nommé Louis François Pinagot.
Les pauvres, à plus forte raison les analphabètes, disparaissent sans laisser la moindre trace, alors qu'ils (sup)portent les charges les plus lourdes...

Un ouvrage dont la méthodologie intéressera toutes celles et ceux qui – issus de milieux modestes – tentent de reconstituer leurs origines familiales.
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Cheminement dans une enquête...
A travers ce livre dont l'écriture n'est pas trop fine, nous partons à la rencontre d'un ''invisible, d'un anonyme'' par un exercice de style, voire une méthode de recherche anthropologique, dans la société rurale où Alain Corbin a grandi.
Faire avec ''rien'' (une date de naissance) une analyse qui tient debout : Recomposer un puzzle à partir d'éléments dispersés par des recherches aux archives départementales, en allant du probable au possible. J'ai bien aimé ce style d'écriture et d'enquête qui m'a beaucoup apporté pour mes recherches généalogiques.
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Un classique de l'Histoire. L'auteur applique la nouvelle façon de faire de l'Histoire, en vogue dans les années 80-90, c'est-à-dire la micro-histoire. Il essaye de révéler la vie d'une personne prise au hasard, en décrivant tous les évènements et toutes les relations autour d'elles. Intéressant au début, puis lassant, tout comme le modèle du genre ("Le pouvoir au village - Histoire d'un exorciste dans le Piémont du XIIème siècle" de Giovanni Levi). Plutôt pour les spécialistes et passionnés d'Histoire.
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Entant qu'apprenti historien, je ne peux que m'émerveiller devant les investigations titanesques menées par Alain Corbin. Un ouvrage magistral, qui souligne par la richesse de son contenu, le rigueur imputable à toute recherche historique.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Mon but est, ici, d'opérer un rassemblement, puis d'effectuer un assemblage de traces, dont aucune n'a été produite par le désir de construire l'existence de Louis François Pinagot en destin, ni même de le désigner comme un idividu susceptible d'en avoir un. En bref, il s'agit de recomposer un puzzle à partir d'élément initialement dispersés; et, ce faisant, d'écrire sur les engloutis, les effacés, sans pour autant prétendre porter témoignage. Cette méditation sur la disparition vise à faire exister une seconde fois un être dont le souvenir est aboli, auquel aucun lien affectif ne me rattache, avec lequel je ne partage, a priori, aucune croyance, aucune mission, aucun engagement. Il s'agit de le re-créer, de lui offrir une seconde chance - assez solide dans l'immédiat - d'entrer dans la mémoire de son siècle.

907 - [p. 8] Prélude
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40 années de pratique de la recherche dans les archives permettent à l'auteur de décrire dans quel monde a évolué un inconnu, un de ces anonymes d'hier qui a laissé d'infimes traces. Passionnant pour ceux qui aiment redécouvrir leurs ancêtres à travers la généalogie. Si Alain Corbin est « l’historien du sensible », il multiplie les précautions pour ne pas tomber dans le dolorisme pour évoquer un inconnu qui a connu la misère des campagnes du XIXème siècle.
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Et si au lieu de raconter l'histoire de ce que nous connaissons, nous faisions l'histoire de ce que nous ignorons ? Une histoire de l'ignorance, en somme. Croyez-moi, la tâche est immense et très importante !
« Terra Incognita. Une histoire de l'ignorance » d'Alain Corbin, c'est aux éditions Albin Michel.
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