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Lettre ouverte à monsieur Paul Eluard, qui ne la lira pas vu qu'il est trépassé, mais je m'en fous je fais ce que je veux.



Bien cher Monsieur, noble poète, grand résistant, et toute la smala,

Cette appellation vous paraîtra sûrement excessivement pompeuse. A dire vrai, vous auriez raison, et vous pourriez même m'en vouloir de cette marque d'absolu irrespect au vu de ce crachat acide que je m'apprête à vous jeter. Mais, diront les mauvaises langues, il paraît que je ne suis bonne qu'à frapper.

J'ignore si cela est vrai, mais il est certain que j'aurai beaucoup de mal à chanter le panégyrique d'un recueil qui m'a paru plus long que l'intégrale du Seigneur des Anneaux.

- Et pourquoi ? me demanderait mon père. Je croyais que tu étais communiste.

C'est ce que l'on murmure. En fait, du communisme, je n'aime que l'emblème qui me rappelle un vague coupe-carotte.

Du reste, Monsieur Chabance mon prof de lettres rouge carmin, n'hésitait pas dire qu'il avait haï l'entièreté de votre oeuvre. Et, plus particulièrement, ledit recueil que je tiens entre mes petites mains.

- L'autre bonhomme, là ! Qui vous fait des poèmes, mais d'un niais ! Mesdemoiselles, je m'adresse à vous : si vous tombez sur un loustic qui vous invite à vous mettre debout sur ses paupières, fuyez ! Vous échapperez ainsi à des vers fleur bleue, et de l'amour-biscotte, du ‘‘ma chérie d'amour en sucre, que je t'aime, tu es si belle, tes yeux sont si bleus'', c'est à vomir !

Je donnerai raison au Père Chabance. Déjà parce qu'il avait, preuve de sa supériorité sur votre personne, un système pileux plus travaillé que le vôtre, et aussi parce qu'il portait des vestes en velours côtelé et ça c'est vraiment la classe.

Donc : Chabance >Eluard

Alors, on me dira que je ne suis bonne à rien et que si je n'aime pas Eluard, c'est que je ne connais que dalle à la poésie.

Alors, oui, je le reconnais parfaitement. La preuve en est que mes connaissances en poésie ne se résument chez moi qu'à Brassens, qui lui-même ne se définissait que comme un « humble chansonnier ».

Pourtant, j'aime la poésie, ce qu'elle vous transmet. Bien que j'ignore tout à fait reconnaître un bon poète d'un mauvais.

Exemple : Dans son anthologie poétique, Pompidou fustige Sully Prud'homme en disant que c'est un faux poète, un mauvais, bah, désolée, mais le Vase brisé est un de mes poèmes préférés. Alors, hein, je vous en prie.

Mais alors, que vous reprocher ?

Déjà, ce manque de rythme. Un rythme que je cherchais désespérément, j'ai même déclamé vos vers à voix haute, mais rien n'y fit. Seul Maurice-mon-chat-manchot m'a regardée d'un air atterré.

Les images, tu as l'impression qu'elles sont le fruit du hasard, que Popaul a tiré au sort deux mots au pif. Je veux bien, le surréalisme, on brise les codes, tout ça. Mais là, tu ne saisis rien, tu restes là à relire le vers au cas où le sens te viendrait miraculeusement au bout de la soixante-douzième lecture.

Et pis au final, bah, tu lâches l'affaire. Tu te demandes quand même si tu ne vas pas filer cette ignominie chez Emmaüs, parce que sinon il côtoierait sur ton étagère le brave René Fallet. Puis tu te souviens que tu n'aimes pas les gens, donc c'est pas aujourd'hui que tu vas te mettre à la philanthropie, et tu remarques qu'Eluard aurait aussi pour voisine la mère Duras, donc c'est mérité, bam, tiens, l'apologiste sénile des infanticides ruraux, va te mettre debout sur des paupières.

Bon, revenons à nos moutons avant qu'ils ne finissent en méchoui.

Où en étais-je ?

Ah oui, faut que je fasse la pré-conclusion.

Donc, ouais, au moment de finir votre recueil – parce que je l'ai fini, j'ai juste sauté des pages mais chut faut pas le dire –, j'ai compris ce qui clochait en plus de vos vers biscornus.

Vos déboires sentimentaux m'ont émue. Mais voilà, c'était l'Homme qui m'émouvait, pas l'Artiste. Vous m'avez émue comme m'émeut mon brave voisin depuis la mort de sa femme – quand il portait le deuil... – qui n'est guère du genre à chanter son désespoir en alexandrins ou en vers libres. Par sa simple présence, par sa simple détresse, monsieur Kerdoncuff me tirait une larmichette.

Vous, vous ne m'avez pas fait pleurer, mais plutôt pitié.

Votre style est ridiculement coincé entre la prétendue modernité poétique – quelle connerie, ce terme... – et la désuétude. La femme est cette créature mystique, belle, célébrée par des métaphores clichées quand elles ne sont pas vides de sens-mais-c'est-pour-faire-genre-je-suis-moderne-tavu.

Restez donc, je vous prie, à chanter les feuilles mortes, après en avoir comme de juste demandé l'autorisation au bon papa Staline, dont quoiqu'il en soit vous finirez par honorer les moustaches quelques poèmes niais plus loin.

Car magnanime malgré ma méchanceté, j'admets toutefois que vous excellez dans un domaine, celui de la propagande stalinienne. Que vous ne faites hélas pas figurer dans Capitale de la douleur – dommage, le titre s'y prêtait plutôt bien, pourtant...

Cela m'aurait tiré d'un ennui profond, et vous aurait peut-être permis un peu plus de clémence de ma part.

Tant pis, je resterai avec mon ignorance crasse à me sustenter des vers parodiés du Port d'Amsterdam que rédigeait Cavanna :

‘‘Dans le port d'Amsterdam,
Y'a des marins qui pissent,
Qui se pissent sur les cuisses
Car ils n'visent pas très bien.''

Ça au moins, c'est à mon niveau.
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