Le bréviaire des tyrans ; 4
Roland AUGUET s'entretient avec l'historien
François HINARD à propos de la personnalité de
Sylla . (4ème
entretien d'une série de 5).
Roland AUGUET rappelle d'abord la mauvaise réputation de
Sylla à l'aide notamment d'
anecdotes.
à 02'55 :
François HINARD rappelle que
la violence à Rome remonte à l'époque des Gracques. Quand les Italiens demandent l'égalité des droits avec les...
Un fait historique, c'est une évidence, ne prend son sens que par la triple référence à ce qui l'a précédé et, parfois, préparé, à ce qui l'entoure et en constitue le contexte, enfin aux autres faits qui l'ont suivi, même si ceux-ci ne sont pas nécessairement la conséquence de celui-là. Mais précisément parce que la triplicité globale de cette référence constitue une évidence, il convient de ne pas nous laisser aveugler par elle, notamment lorsqu'on veut rendre compte non d'un fait isolé mais de la vie d'un homme dont les actions ont profondément marqué la mémoire collective de l'Occident moderne.
Le combat singulier qui oppose les chefs est, chez les Romains comme chez beaucoup d'autres peuples, une tradition, même si les sources dont nous disposons ont tendance à minimiser cet aspect de la fonction guerrière pour insister sur le fait que la cohésion d'ensemble assurait la supériorité des armées romaines. Il est indiscutable, en effet, que les Romains ont conquis le monde parce qu'ils avaient adopté des formes de combat qui reposaient sur la solidarité de tous les combattants. Mais cela ne doit pas nous faire perdre de vue que dans toute armée la valeur individuelle est célébrée et récompensée et que la première vertu d'un chef est de savoir se battre.
Il est bien possible que l'étude de la littérature et de la philosophie grecques n'ait pas constitué une école de vertu - non plus d'ailleurs que leur ignorance. Toujours est-il que les témoignages concordent à faire du jeune Sylla un personnage profondément imprégné et de la culture grecque et de la culture latine au point de rivaliser avec les érudits. Et cette imprégnation profonde, outre le charme qu'elle donnait à sa fréquentation, avait contribué à faire de lui un orateur d'autant plus agréable qu'il avait, dit-on, une très belle voix et qu'il chantait à merveille.
Il ne s'agissait là que d'un premier contact, et Sylla savait bien qu'il devait compter aussi avec l'influence de Jugurtha, le redoutable allié de Bocchus : ce dernier aurait d'autant plus de mal à abandonner l'alliance que Jugurtha avait épousé l'une de ses filles; et surtout il avait placé des espions parmi les conseillers de son beau-père. C'était un personnage dangereux que ce Jugurtha, qu'aucun scrupule ne pouvait arrêter dans son désir d'étendre sa puissance : il avait fait égorger ses deux cousins, héritiers légitimes du trône de Numidie.
Après avoir rendu grâces aux dieux d'inspirer à un roi si puissant le désir de faire la paix, Sylla souffla le chaud et le froid, promettant l'alliance et l'amitié du peuple romain si lui-même renonçait à son alliance avec le scélérat Jugurtha, roi de Numidie, qu'une série de défaites venait de mettre à genoux. Il lui laissa même espérer un accroissement territorial de son royaune de Maurétanie (une partie du Maroc et de l'Algérie d'aujourd'hui) aux dépens du Numide.
Il ne suffisait pas de traîner un promagistrat devant une juridiction criminelle pour le déshonorer et lui interdire toute carrière.