Lucien Jerphagnon / Raphaël Enthoven - Rencontre avec un érudit généreux
On n'a pas le droit d'emmerder un lecteur qui ne vous a rien fait.

incipit :
Il faut bien le reconnaître, on parle le plus souvent pour ne rien dire, ou dire des riens. Nécessités de la vie quotidienne, bien sûr, de l'implantation sociale. Enchaînement de répons dans la liturgie de la communication, contribution plus ou moins généreuse à la pérennité des milieux qu'on traverse au jour le jour.
Il arrive cependant qu'on ait quelque chose à dire, à quoi l'on tient. Ce peut être un message à délivrer, une information, un enseignement à dispenser, une plaidoirie, et d'autres choses encore dans lesquelles on s'implique plus ou moins. De façon plus intime, on peut parler parce qu'on voit là quelque intérêt ou bénéfice, ou encore parce qu'on est sous l'empire de quelque passion, voire d'une levée d'inhibition, in poculis, disait Cicéron, entre deux verres. On s'entend dire : "Ecoutez, je vais vous parler franchement..." L'adverbe, déjà, souligne l'exception, et l'interlocuteur s'inquiète du motif. Il peut d'ailleurs arriver qu'on soit sincère : "Que votre oui soit oui", disait Jésus. Cela s'est vu.
On manque de bonne vulgarisation. Trop de nos savants collègues la jugent aujourd'hui au dessous de leur génie. Pourtant, on écrit pour être compris et pas seulement de l'Institut.
L'air du temps s'engouffre dans les esprits proportionnellement au vide qu'il y trouve, la culture constituant le seul filtre efficace.
Il n'y a d'amour vrai que dans la rencontre de deux êtres qui découvrent que l'autre est seul à être lui, dans l'éternité. À partir de ce moment, on n'est plus libre de soi ! L'amour nous fait craindre la mort de l'autre à chaque instant. Quand on fait un mariage d'amour, on promène une angoisse pour toujours. Mais si c'était à refaire, je le referais avec la même.
[Relax67: Lucien Jerphagnon commente les légendes sur les premiers rois de Rome]
Il ne serait évidemment pas raisonnable de prendre au pied de la lettre ces légendes, dont on se trouva bien jusqu'au milieu du XVIIIe siècle... On serait pourtant mal inspiré de les rejeter en bloc, et cela pour deux raisons. D'abord parce que certains de leurs éléments ont trouvé dans l'archéologie moderne une confirmation. Mais surtout, à mon sens, parce qu'elles nous délivrent un enseignement plus important qu'on ne le pense souvent. L'ouvrage d'Alexandre Grandazzi, "la Fondation de Rome" (1991), l'a confirmé: entre le "tout est vrai" et le "tout est faux", il y a la conquête des certitudes partielles.
Le bon professeur, c'est celui qui donne envie d'être un bon élève. (p.113).
S’il me fallait absolument définir le malheur de l'époque présente, je serai tenté de dire: c'est de croire que le bonheur lui est dû. Le bonheur au sens où on l'entend: l'argent, le... sexe puisqu'on localise l'amour, le maximum de loisir. Bref, le malheur de notre temps est de s’être fait une trop courte idée du bonheur. (p.225).
Ainsi, la Cité heureuse a besoin de principes exacts selon lesquels fonctionner; ses dirigeants doivent se retirer de la foire aux opinions pour accéder à la pure objectivité, essentielle, immuable, guide et règle de toute pensée et de toute action.
«Depuis les origines jusqu’à nos jours, la vocation première de la philosophie a toujours été de promouvoir en l’homme la conscience de lui-même et du monde, afin de réaliser, en lui et autour de lui, ce que les Grecs appelaient eudaimonia et les Romains beata vita, autrement dit une vie harmonieuse parce que conforme à sa destinée, et heureuse parce qu’harmonieuse… »