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4/5 (sur 9 notes)

Nationalité : Allemagne
Né(e) le : 26/06/1968
Biographie :

Sönke Neitzel, né le 26 juin 1968, est un universitaire allemand, spécialisé dans la Seconde Guerre mondiale.

Il a enseigné à l'Université Johannes Gutenberg de Mayence, à l'université de Berne, et à l'université de la Sarre. Il enseigne à l'université de Glasgow à partir de septembre 2011. Il est l'auteur de sept livres, et éditeur d'un journal académique allemand spécialisé dans l'histoire allemande au XXe.


Source : wikipédia
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Citations et extraits (10) Ajouter une citation
Il s'agit donc, pour nous, de porter à l'aide de l'analyse du cadre de référence un regard amoral, c'est-à-dire non normatif, sur la violence qui a été exercée au cours de la Seconde Guerre mondiale, afin de comprendre sous quelles conditions des hommes parfaitement normaux deviennent capables, d'un point de vue psychique, de commettre dans des circonstances déterminées des choses qu'ils ne feraient jamais dans d'autres conditions.
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C'est ainsi, par exemple, que se produit le fameux phénomène des « bystander » : lorsque plusieurs personnes sont, ensemble, témoins d'un accident ou d'une rixe, il est rare que quelqu'un vienne au secours de la victime. Car aucun des spectateurs n'est certain de ce que serait la bonne réaction à cet instant précis, raison pour laquelle tous tentent de se prendre mutuellement comme point de repère – et comme personne ne réagit, tout le monde reste immobile et se contente de regarder. Si personne n'apporte son aide, ce n'est cependant pas par « indifférence », comme le commentent d'ordinaire les médias, mais par manque d'orientation et en raison d'un inéluctable processus de confirmation réciproque dans l'inaction. Les personnes impliquées se créent un cadre de référence commun, et c'est dans ce cadre qu'elles prennent leurs décisions.
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Exercer la violence est une action sociale constructive – l'acteur ou l'actrice atteignent ainsi des objectifs et créent des états de fait : ils imposent leur volonté à d'autres, font le tri entre les admis et les exclus, s'approprient les biens de celui qui a eu le dessous. La violence est sans aucun doute destructrice pour les victimes, mais pas uniquement pour elles. Tout cela ne signifie pas, pour prévenir un possible malentendu, qu'il y aurait une anthropologie immuable de la violence qui, comme on l'affirme souvent et sans l'avoir vérifié, sommeille en attendant son heure sous le mince vernis de la civilisation ; cela montre seulement que les communautés de survie humaines n'ont jusqu'à ce jour choisi l'option de la violence que lorsqu'elles y voyaient un sens. En réalité, le vernis de la civilisation n'a rien de mince : depuis que les États-nations modernes ont introduit le principe du monopole de la violence, l'usage de celle-ci au sein de l’État a connu une baisse considérable et tout acte violent privé est passible de sanction. Ce progrès de la civilisation a permis cette dose de liberté affirmée dont jouissent les habitants des sociétés démocratiques, mais il ne signifie pas que la violence ait été abolie pour autant : elle a juste changé de format. Cela n'empêche pas que le monopole de la violence soit occasionnellement brisé sur le plan privé ou collectif ; et cela ne signifie pas non plus que les États démocratiques pratiquent en soi une abstinence à l'égard de la violence. Cela veut juste dire que le cadre de référence de la violence, dans les Temps modernes, est différent de celui des cultures non modernes. Il ne s'agit donc pas de l'alternative entre la violence et la non-violence, mais de la mesure et du mode de sa régulation.
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Les gens n'ont pas une pensée abstraite, mais concrète. Et ce qui apparaît comme une vérité de plus en plus manifeste avec le recul de l'histoire reste passablement indifférent à celui qui le vit tant qu'il n'est pas personnellement et directement touché par les effets du malheur qui se prépare. Il existe bien sûr des exceptions notables.
Mais la plupart découvrent seulement l'inondation au moment où l'eau envahit le rez-de-chaussée, et à cet instant précis l'espoir que l'eau cesse de monter est encore puissant. Même la perte des espoirs peut se négocier dans les esprits : si l'on n'a pas la victoire finale, alors que ce soit au moins une paix négociée. Abandonner un espoir de ce type aurait ruiné d'un seul coup toute la valeur de l'engagement précédent et de tout l'investissement émotionnel. C'est la raison pour laquelle les gens s'accrochaient à des espoirs et des vœux qui nous paraissent aujourd'hui irrationnels, à nous qui avons accumulé de plus en plus de connaissances. Pourquoi les travailleurs luttent-ils pour sauver leur entreprise bien qu'elle n'ait objectivement aucune chance de prospérer sur le marché ? Parce qu'ils ont investi énergies, souhaits et espoirs, temps de vie et perspectives, au point de ne plus en avoir d'autres. Ce n'est nullement une attitude des « petites » gens. Au contraire, la capacité d'assumer l'échec diminue au fur et à mesure que l'on monte dans la hiérarchie. Le général Ludwig Crüwell l'exprime en ces termes au mois de novembre 1942, alors qu'il vient de recevoir le message l'informant que l'encerclement de la 6e armée se dessine à Stalingrad : « Des centaines de milliers de morts supplémentaire auraient été vaines ? Voyons, c'est inconcevable. »
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Les cades de références sont extrêmement variables sur le plan historique et culturel : les musulmans orthodoxes intègrent le comportement sexuel moral ou réprouvable à d'autres cadres de référence que les Occidentaux laïcs. Mais aucun membre de l'un de ces deux groupes n'interprète ce qu'il voit à l'écart de ces références qu'il n'a ni choisies ni sélectionnées, qui forgent, guident et pilotent dans une mesure considérable ses perceptions et ses interprétations. Cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas aussi, dans des situations particulières, des transgressions du cadre de référence donné, ni que l'on ne voie ou ne pense pas de choses nouvelles – mais le cas est relativement rare. Les cadres de références assurent l'économie de l'action : la majeure partie de ce qui se produit peut être classé dans une matrice familière. Et cela engendre un effet de soulagement. Aucune personne agissant n'a à recommencer constamment de zéro en répondant toujours à la même question : qu'est-ce qu'il se passe, au juste, ici ? La majeure partie des réponses est programmée par avance et on peut y faire appel à son gré – en les réintégrant dans un système culturel composé de points de repères et de savoirs, système qui remplace de vastes pans des missions existentielles par des routines, des habitudes, des certitudes, et apporte ainsi à l'individu un énorme soulagement.
Mais à l'inverse, cela signifie que lorsqu'on veut expliquer l'action de personnes, il faut reconstituer le cadre de référence dans lequel elles ont agi – ce qui a organisé leurs perceptions, ce qui leur a suggéré leurs conclusions. Pour cette reconstitution-là, les analyses des conditions objectives sont totalement insuffisantes.
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Il faut en outre tenir compte du fait qu'historiquement, la violence se vit et s'exerce de manière très variable. L'extraordinaire abstinence dont fait preuve la société moderne en matière de violence, et l'absence majoritaire de violence dans l'espace public – mais aussi, de manière plus limitée, dans l'espace privé – sont liées à une conquête de civilisation : la division du pouvoir et le monopole de la violence par l’État. C'est ce qui permet l'immense sécurité qui caractérise la vie dans les sociétés modernes : dans les époques prémodernes, la probabilité d'être un jour victime de la violence physique était nettement plus élevée. La présence de la violence dans l'espace public, par exemple dans le contexte des sanctions pénales et des exécutions, était bien supérieure à celle que nous connaissons aujourd'hui, et l'on peut considérer que le cadre de référence et donc le vécu de la violence exercée et subie ont une extrême variabilité historique.
Les « temps » que nous vivons, les conceptions de la normalité en vigueur au moment où surviennent les événements, ce que l'on juge normal et ce que l'on considère comme extrême, tout cela constitue un fond important pour le cadre de référence. En « temps de crise » par exemple, les mesures politiques justifiées ne sont pas les mêmes qu'en « temps normaux ». Dans les conditions d'une catastrophe, dit-on, « tous les moyens sont permis » - en tout cas beaucoup de ceux qui seraient passibles de sévères sanctions en temps de paix.
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Mais dans la conscience des soldats mis sur écoute, le national-socialisme proprement dit ne prend guère d'autre forme que celle d'une théorie contradictoire, faite de bric et de broc, sur les « lois éternelles de la vie », éléments que pourrait sans peine identifier un exégète des écrits et discours du mouvement, depuis Rosenberg jusqu'à Hitler. L'étude d'Alexander Hoerkens, que nous avons déjà mentionnée et qui se fonde sur l'analyse des discussions de six cent vingt et un soldats, conclut que la majorité d'entre eux exprimait une opinion plutôt négative sur la politique raciale et que seule une minorité de trente personnes pouvait être qualifiée de « guerriers de l'idéologie ». Il est toutefois intéressant de noter que cette minorité était majoritairement composée de jeunes officiers, et notamment de lieutenants, qui étaient encore des enfants en 1933 et avaient donc été les plus exposés aux mesures de socialisation du Troisième Reich. C'est dans leur cas que l'on a le plus de motifs de parler d'une image nationale-socialiste du monde. Ce que les autres soldats ont à l'esprit lorsqu'ils parlent de « politique », de « races », de « Juifs », etc, n'est pas le fruit d'une vision cohérente du monde mais un patchwork composé d'éléments tout à fait différents et parfaitement contradictoires.
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Un élément jouait un rôle plus important que l'idéologie dans les perceptions, les interprétations, et donc pour les décisions et actions concrètes : le système des valeurs militaires, qui était solidement intégré au cadre de référence. La tradition militariste de la société allemande a beaucoup facilité l'intégration de millions d'hommes au sein de la Wehrmacht. Dans les casernes, ce n'était pas un monde nouveau qui les attendait - en tout cas pas un nouveau système de normes. Bien que la plupart ne se fussent pas engagés volontairement dans l'armée, ils étaient généralement déterminés à intégrer le cadre militaire et à remplir le mieux possible leurs nouvelles missions. De bons menuisiers, comptables ou agriculteurs voulaient être de bons conducteurs de blindés, canonniers ou tirailleurs. Concrètement, cela signifiait apprendre l'artisanat du soldat, perfectionner le maniement des armes et surtout être obéissant, discipliné et dur. On voulait remporter les victoires avec bravoure et abnégation, se battre dans la défaite jusqu'à sa dernière cartouche. Depuis les guerres d'unification, cette conception de l'esprit militaire était une sorte de "Commun Sense" au sein de la société allemande.
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A supposer que la distance soit suffisante, les informations concernant les atrocités ne sont pas racontées d'une manière radicalement différente que lorsque, de nos jours, deux ou trois interlocuteurs discutent des enfants soldats en Afrique ou des actes bestiaux commis par les talibans afghans : on trouve cela épouvantable, mais le cadre de référence utilisé pour des prises de position de cette nature est abstrait et n'a rien à voir avec les situations concrètes de la vie et de l'action des interlocuteurs. Pas plus que le travail d'un ingénieur œuvrant à la mise au point de téléphones mobiles n'a, de son point de vue, le moindre rapport avec le fait que l'extraction du coltan indispensable leur fabrication se fasse au Congo dans des conditions de guerre et de violence extrême, la sensibilité du soldat n'est pas atteinte lorsque les Juifs sont tués ailleurs et par d'autres qu'eux. Cela vaut aussi, mutatis mutandis, pour d'autres concepts idéologiques et raciaux utilisés par les soldats, sans que l'on sache clairement quel est le lien avec ce qu'ils ont fait pendant la guerre.
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C'est une caractéristique générale de la violence de guerre : le comportement de ceux que l'on définit comme des « adversaires » confirme, dans le combat, la justesse de la définition qui en fait des adversaires. Cela n'a rien à faire avec les préjugés, les stéréotypes ou les « visions du monde ». Au-delà du fait que les « personnes cibles » sont supposées présenter un danger, toutes leurs qualités sont indifférentes – le moindre indice semblant confirmer l'hypothèse fournit une raison suffisante de tuer. Pendant la guerre du Vietnam, on est allé jusqu'à soupçonner des bébés de cacher des grenades ; au cours de la Seconde Guerre mondiale, il est arrivé que l'on prenne des enfants pour des partisans, et en Irak pour des « insurgés ».
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