Entretien avec l'historien Ian Kershaw à la librairie Millepages le 12 octobre 2016.
Les Juifs occupaient une place unique dans la panoplie des phobies nazies. Pour Hitler et nombre de ses partisans, les Juifs représentaient un danger qui menaçait l'existence de l'Allemagne. A l'intérieur, ils étaient accusés d'empoisonner sa culture, de miner ses valeurs et de corrompre sa pureté raciale. A l'extérieur, on voyait en eux une puissance internationale nuisible du fait de leur domination présumée sur le capitalisme ploutocratique et le bolchevisme. L'élimination de la puissance juive et de son influence présumée était donc le pivot même de la vision utopique du renouveau national construit sur la pureté raciale.
L'issue probable d'un tel affrontement aurait probablement été le largage de bombes atomiques américaines sur Berlin et Munich, plutôt que sur Hiroshima et Nagasaki.
Les valeurs et la mentalité d'une société sont refléchies, contestées et formées par la culture dans toutes ses variétés : arts plastiques, littérature et autres formes d'expression. Les années soixante trouvaient ces valeurs et cette mentalité au stade premier d'une transformation persistente, surtout parmi la jeune génération... Le nationalisme diminua, la vieille discipline de fer du capitalisme se relacha, le plein emploi aidant... L'enseignement supérieur se développa rapidement en Europe, offrant à beaucoup de gens la possibilité de se développer, ce qui était jusque là l'apanage de l'élite sociale. Mais à l'université, justement, beaucoup de jeunes apprirent des façons différentes de penser... Il se développa une révolution sexuelle où toutes les normes et conventions furent combattues, et qui fut une partie essentielle de la contre-culture...
(pp.235-254)
Les nazis avaient promis de tendre la main aux ouvriers,mais ils ont manque leur coup et nous ont pris a la gorge

Lorsqu'on cherche à définir les grandes lignes de l'évolution des attitudes politiques sous le IIIe Reich, l'une des difficultés majeures vient de ce que les expressions directes et authentiques de l'opinion sous leur forme originelle sont rares et peu nombreuses. Dans le climat envahissant de peur et de répression, les commentaires politiques directs, dans les journaux intimes, les documents et les lettres de particuliers étaient naturellement peu nombreux. Pour se faire une idée de l'opinion sous le IIIe Reich, il faut donc s'en remettre à l'opinion rapportée, dans des sources qui étaient de surcroît compilées à des fins administratives et politiques et qui sont donc fortement entachées de partis pris. Mais il est un autre obstacle évident : la répression draconienne de l'opinion critique encourageait la dissimulation, voire le mensonge, les paroles masquant alors les vrais sentiments : souvent, les gens ne disaient pas ce qu'ils voulaient dire ni ne voulaient dire ce qu'ils disaient ; par peur, ils préféraient plus souvent encore se taire. Nous pouvons donc affirmer, sans crainte de nous tromper, que les commentaires hostiles aux régimes rapportés n'étaient que la pointe émergée de l'iceberg.

Il ne faudrait pas exagerer les remous à l'intérieur de la société soviétique - ils restèrent limités à une minorité. Mais ils inquiétaient la vieille garde, et motivèrent leurs critiques. Ils détestaient son style impulsif et dominateur, bien que Stalin les avait habitué à bien pire. Ils étaient agacés par sa dénonciation du petit père qu'ils avaient servi et qu'ils admiraient toujours- certainement en tant qu'héros de guerre ! Ils trouvaient que Krouchtchev avait au moins commis une bourde en soumettant le passé - auquel ils avaient participé - à une enquête. Qu'avait-il à changer la politique extérieure en renouant des relations avec ce traître de Tito, et en se déclarant disposé à "une coexistence pacifique avec l'Ouest" ? De plus, les grèves en Pologne et la révolte hongroise de 1956, révolte qui menacait la suprématie soviétique , étaient pour eux un signe, grave, qui montrait à quel point Krouchtchev bradait l'héritage de Staline.
(p.131)
En 1918, alors que les quatre années de carnage touchaient à leur fin, l'écrivain autrichien Robert Musil nota cyniquement dans son journal : "On peut ramener la guerre à la formule : on meurt pour ses idéaux, parce que cela ne vaut pas la peine de vivre pour eux."
Reste qu'une stratégie méditerranéenne, si elle avait été suivie, aurait probablement conduit, à un moment ou à un autre, à la guerre des continents qu'envisageait Hitler. Très probablement celle-ci se serait produite non pas plus tard, mais plus tôt, avec une Allemagne qui n'avait guère que la force brute et la tyrannie pour conserver ses immenses conquêtes impériales, et qui était encore incapable de se mesurer à longue échéance avec l'immensité des ressources américaines.
Début 1945, alors que se profilait une défaite désastreuse, on entendait parfois les Allemands dire : « Mieux vaut une fin dans l’horreur qu’une horreur sans fin. »
Les epaves humaines qu'ils avaient sous les yeux ressemblaient aux caricatures de"sous-hommes"qu'une propagande incessante ne cessait de leur enfoncer dans le crane.Beaucoup continuaient de maniere perverse a voir en eux une menace,malgre leur evidente fragilite