Birgit Vanderbeke : je veux mon
meurtreDepuis l'Hotel de BEAUHARNAIS dans le 7ème,
Olivier BARROT propose la lecture d'un policier plein d'
humour "je veux mon
meurtre" de
Birgit VANDERBEKE.
Tout était comme d'habitude mais,quand on est parti,ce n'est plus comme d'habitude,et alors,quand les choses font semblant d'être comme d'habitude,c'est oppressant.
Chaque fois que quelqu'un dit tu as de la chance on peut s'estimer heureux s'il ne le pense pas vraiment.Dés qu'il le pense vraiment il y a quelque chose derrière,et ce n'est rien de bon.
Ma mère a dit, il y a un moment où ça s'arrête, même si ma mère voulait parler de Wagner et des Martini et pas des concerts. J'ai quand même demandé à ma mère, mais enfin pourquoi les abonnements doivent-ils s'arrêter puisque tu les aimes, c'était une question très impertinente, pendant un moment nous avons tous eu le vertige à cause de tout ce blanc doux et de cette impertinence, parce que ma mère, en fin de compte, ne pouvait pas aller tranquillement aux concerts par abonnement pendant que mon père remuait son Martini dry, ma mère ne pouvait aller nulle part le soir, sauf aux réunions de parents d'élèves […].
(…) mes parents sortaient rarement à cause des magasins de fins de série où ma mère traînait toujours pour trouver des rabais, alors que mon père, qui était un peu plus jeune que ma mère, portait des costumes sur mesure depuis le début, dès que mon père a eu son poste dans son entreprise, la meilleure qualité était tout juste assez bonne pour lui, la confection, ça se repère tout de suite, disait mon père (…)
Mon père disait, ton dix-huit, autrefois aurait été un huit, et encore, peut-être même moins, au fond mon père pensait que mon dix-huit aurait même été un zéro. Ce que nous devions faire pour décrocher un dix, disait-il, échappe à tout système d’évaluation ; mon père avait été un élève exceptionnel, et quand les bulletins arrivaient, mon frère n’osait même plus mettre le nez à la maison, et mon père me disait à moi, en apparence ça a l’air tout à fait correct, sauf que les notes, aujourd’hui, n’ont plus aucune valeur ; ensuite, il sortait ses propres bulletins de son bureau et les comparait, et quand le mien était meilleur que le sien, il ne manquait jamais de remarquer la baisse du niveau, et il se rendait compte de toutes les connaissances qu’il avait à mon âge, alors que moi, au même âge, je ne savais presque rien, ou très peu de chose, parce que je jouais du piano et que je lisais, ce qui ne faisait pas vraiment le poids à côté des logarithmes, au contraire, et mon père répondait tout de suite, ce n’est pas ça qui fait marcher un moteur, (…)
A un moment donné je me suis souvenue que quelqu'un avait dit ou écrit:"Vivre est différent", mais je ne savais plus qui.En tous cas j'ai trouvé que c'était juste,et j'étais sûre que je n'y aurais jamais réfléchi si je n'étais partie.