Les platanes regardaient défiler ma voiture et je les laissais plantés là, sans doute occupés à compter les bolides pour trouver le sommeil, tandis que je disparaissais dans le noir. Bientôt sans doute je connaîtrais le même sort : platane de route ! Tu parles d'une vie, regarder les bagnoles passer ! Imaginez un peu : vivre à la campagne et border une route si ce n'est pas une frustration de voir des paysages mais de sentir la puanteur : ne même pas être considéré dignement, avec un peu d'amour, d'intérêt, ou de respect, mais juste presque comme un panneau de circulation : dormir par intermittence, réveillé non seulement par les phares en pleine gueule, et puis par le bruit. Ça ne m'étonne pas qu'ils aient toujours l'air crevés, déprimés, pas en forme quoi.
J'allais finir tout en feuilles et en fleurs : un arbre, quoi. Putain quelle mort. Mes veines ressemblaient à un delta homérique, devenaient noueuses, formant une sinuosité de plus en plu complexe, avec des boules par endroits, des nœuds ailleurs. Le plus difficile, c'était que j'étais devenu froid, gelé, et presque insensible. Quand je me glissais dans le lit apaisant, chaud, j'essayais avec toute la prudence possible, mais je n'arrivais qu'à déclencher une avalanche de menaces.
Je ne rêvais que de me rouler dans la mousse, la pluie, que l'humus mouillé abreuve et délivre mes racines. Je ressentais ce besoin de la terre, celle fraîchement arrachée, pour m'en recouvrir et me vautrer dedans , la sentir sur mon corps et pouvoir enfin la flairer.