Incroyable, comme les journées d'automne raccourcissent ; dès que le soleil se couche, la nuit se faufile comme une chatte brune.
Vers le soir,il était devenu un peu trop imprudent,un peu indifférent,comme il arrive souvent quand on est fatigué. Peut-être pensait-il aussi à cet homme.Par moments,il parlait,parce qu'on ne peut pas rester sans parler- s'il n'y a personne là, tu causes avec toi-même ou avec les choses. (p.97/ édition Zoé, 1999)
(...) mais le regard est encore là ! Vieux,il ne l'est pas encore,pense-t-il.Il a encore du nerf; avec ses poings,il pourrait encore fendre des tables- Il met tous ses espoirs sur l'automne, quand on devra concéder les coupes au forfait. Il est encore d'humeur à faire résonner une forêt tout entière. (Édit. Zoé,1999, p.18)
Prologue: Carolina
Il y avait longtemps que je n'avais plus vu la première demeure de ma vie. (..)
Quelqu'un a dit qu'il valait mieux ne pas retourner sur les lieux de son enfance. Peut-être avait-il raison.Un revoir, nous le savons, peut nous décevoir, parce que tant de choses ont changé entre-temps, le monde extérieur et le monde intérieur- on est le même et pourtant on est un autre.L'enfance, qui était encore une promesse, se perd au loin dans un monde de songes, et la vie qui est venue après peut sembler fragmentaire, manquée, une chaîne de contradictions. Où se cache le sens de la vie, où est le bonheur attendu ? Serait-on qui l'on a été et qui l'on pourrait être. (p.6)
Au diable, est-ce que cela vaut la peine de vivre, si on ne peut pas être au moins une fois près d'une personne aimée, assez près pour qu'elle puisse nous sauver.(p.186),
Eva était apparue de nulle part, personne ne savait d'où elle venait.Probablement que, sans elle, tout serait resté pareil à Falun, les habitants et leur vie modeste, leur quotidien médiocre comme toujours, un peu en marge du monde, préservé des dangers et des influences étrangères. (p.5)
La maison de Chasper, très vieille, est une des plus singulières, par ici. A moitié en pierre, avec des murs irréguliers, à moitié en bois, les poutres et les planches presque noires, un balcon couvert, des fenêtres de tailles différentes. Il n'y a pas l'ombre d'une symétrie : on ne sait pas pourquoi cette maison, à partir du milieu, penche un peu sur le côté. Le fond de la grange, sous le même toit, arrive jusqu'à la roche ; le toit est couvert de bardeaux. Au mur, l'année de construction, décolorée : le milieu du dix-septième siècle. La pierre et le bois ont résisté au temps, bien que le temps soit toujours là, fouillant tout autour, de ses mains silencieuses.
-Fais tout de même un peu la pause ! Dit Hermina.Mais il est encore trop tôt pour se reposer.A Soixante-cinq ans,ce n'est rien encore,se dit-il .A soixante-cinq ans il pourrait encore se colleter avec les montagnes.(p.17)
Sait-elle à quel point elle l'inquiète en racontant de telles choses ? Esprits inconnus, télépathies , phénomènes insolites sont justement des choses qu'il ne supporte pas. Peut-être a-t-il trop espéré avoir ramené Eve à la normalité, car bientôt il découvre en elle un don insolite qui le trouble au plus haut point : soit elle sait lire les pensées, soit elle est vraiment en contact avec des esprits obscurs.
( p.115)
Simon regarde ses patoches.D'une main,il tient la main droite de Véra; il pose l'autre sur son dos.En dansant,on voit comme comme les dos des femmes sont différents. Certains sont
durs ,osseux,à cause du travail et de l'âge. D'autres sont tendres comme des oreillers ; à ce moment là, on peut éprouver un sentiment de félicité ineffable, et tu danses sans dire mot.(p.77)