Cathie Barreau - Comment fait-on l'amour pendant la guerre .
Cathie Barreau vous présente son ouvrage "Comment fait-on l'amour pendant la guerre" paru aux éditions Buchet-Chastel. Retrouvez le livre : http://www.mollat.com/livres/barreau-cathie-comment-fait-amour-pendant-guerre-9782283027301.html Retrouvez la librairie Mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat You Tube : https://www.youtube.com/user/LibrairieMollat Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Librairie_Mollat/1 Vimeo : https://vimeo.com/mollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
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Ce n'est plus un continent qui les sépare, juste une vitre et le temps qu'une valise apparaisse de la bouche qui déverse les bagages. Jad et Donatienne ne savent rien d'eux dans les rues de Nantes.. Ils ont parcouru Beyrouth à pied, en taxi, ils ont pris un bus vers Jbeil ou Tripoli ou Saïda ou les montagnes.
La guerre n'est pas un récit, c'est une impuissance à vivre, à parler, à écrire.
Charbel faisait semblant d'avoir choisi sa guerre et son devoir. C'est pour nos enfants, disait-il. Kamila n'en croyait pas un mot et elle ne savait plus si elle tremblait de peur des avions ou de peur de savoir que rien de bon n'adviendrait de cet amour. La guerre ne serait jamais finie. Attendrait-elle son homme ainsi toute sa vie ? [...] Kamila ne pouvait pas se garder de croire de temps à autre qu'ils seraient ensemble toujours. Ils souffraient tous deux d'une incapacité à l'irréalisme. (p.33)
On n’atteint jamais la douleur, les phrases peuvent bien marteler, on est toujours dans un rythme de vie là où il y a la mort, dès qu’on écrit. Tu le sais toi, c’est bien pour ça que tu écris, pour braver l’irrémédiable.
Le ciel gris est lumineux vers la Loire, l'air fait sautiller les feuilles sur l'avenue et les passants accrochent une main au col de leur veste pour se protéger de la bourrasque. Donatienne avance dans les rues, s'arrête place du Commerce et attend le bus pour l'aéroport. La foule de fin d'après-midi envahit les trottoirs, et il suffit qu'une éclaircie éblouisse juste avant la nuit pour que les visages se lèvent et s'apaisent. (p.16)
Gouttelettes sauvages, enfances en sourires, nostalgies ensommeillées, la tendresse comme un jazz inattendu accordait le temps de l'enfermement et de la mort à un infime espoir. Quelques secondes suffisaient aux mots et au sourire. Ne pas s'étendre, s'amollir dans le désir. Ici tout prenait des proportions inhabituelles. Tout ici balançait entre le gouffre et l'essentiel.
Elle glissa un mot d’encouragement, amical et distant à la fois, sans s’impliquer, sans avoir l’air de dire : on pense à vous mais si vous pouviez adopter un autre comportement, ce serait mieux. Non, elle ne disait rien de cela, elle écrivait trois mots à un homme enfermé sans compassion simplement pour lui dire qu’il était vivant et qu’elle le savait.
La joie, ça colle à la peau. C’est inconvenant, inopportun, malséant, décalé, has been, ridicule. La joie ce n’est pas dans l’air du temps. C’est quelque chose que l’on traine avec soi, que l’on cache mais qui peut changer l’ordre établi.
Ils allaient découvrir qu’écrire c’est difficile mais ce peut être une jubilation, qu’aller à l’extrémité de la vie c’est « très » difficile, que travailler sur un texte c’est long et que se contenter de l’à peu près c’est impossible là où l’on est, enfermé dans une cellule. Ils allaient ensemble vérifier qu’écrire n’est pas jouer même si le rire l’emporte parfois, parce que rire d’un souvenir d’enfant c’est une retrouvaille.
La première fois ils furent figés, immobiles, gênés, les yeux baissés, le dos courbé au point qu’elles se dirent qu’ils étaient vieux et malades. Les visages cireux, jaunes, le regard apeuré ou méfiant, les hommes virent les deux femmes, leurs silhouettes élégantes, la charge des cartables, la blondeur d’Irène et les grands yeux amande de Clara, leurs vies dans les premières rides, les yeux cernés.