Si le véritable Monstre se révélait bel et bien la nuit, il trouvait davantage refuge à l'intérieur de son lit qu'en dessous. Elle avait déjà essayé de faire semblant de dormir, de simuler un mal de ventre ou de tête, d'implorer la clémence, de pleurer, de ne rien dire et c'est au final cette dernière option qui, sans démontrer son efficacité, fut celle choisie en définitive par Marie.
À son âge, il s’en passe des choses dans sa tête. Et ce n’est pas en évitant de lui parler que tu n’entendras pas les vérités qui pourraient te blesser.
Jimmy avait emprisonné quelqu’un durant le week-end : sa lâcheté. Il avait mis un terme à ses exactions en le réduisant au silence. Puis il était ressorti du commissariat en homme libre. Affranchi de la couardise qui l’avait asservi et conspiré contre lui et qui, sous couvert de protection, l’avait manipulé jusqu’à ce qu’il ressente de l’affection pour elle, au point de lui céder les pleins pouvoirs sur le contrôle de sa vie.
Elle ne comprenait pas que la confidence s’invite si facilement dans l’habitacle alors qu’elle s’évertuait à obtenir des aveux depuis des mois. Elle avait essayé une multitude de méthodes. Se fâcher, le gâter, se confesser d’abord, le punir, et – sans en être fière – même le chantage. Mais rien n’avait convaincu son fils de livrer la moindre information.
Les fantômes du passé resteraient ici, leur laissant une chance, à tous les deux, de prendre un nouveau départ. Un changement d’établissement scolaire aurait suffi à Jimmy, qui tressaillait à l’idée d’abandonner son doux foyer. Toutefois, la perspective d’un avenir ensoleillé, dégagé de l’ombre de Charly, le réconfortait. Les « pourquoi », les « comment », il verrait ça plus tard.
Il ignorait ce qui l’empêchait réellement de porter plainte, maintenant que les représailles de Charly ne pouvaient plus l’atteindre. La honte ? Possible. L’exposition de sa lâcheté en public ? Plus que probable. La peur qu’on le traite de menteur ? Évidemment ! Personne n’avait jamais vu Charly en pleine action. Personne ne le connaissait aussi bien que Jimmy…
Après avoir souffert toute son enfance durant de ne pas avoir pu profiter d’un véritable ami, il encaissait aujourd’hui le coup fatal : il n’arrivait même pas à se faire aimer de son propre fils.Il n’avait pas abandonné l’idée de l’endurcir, c’était essentiel à ses yeux, et représentait la moitié de la solution, mais Mireille avait raison, cela ne suffirait pas.
Il y a des matières dans lesquelles on excelle, et d’autres dans lesquelles on fait, au mieux, acte de présence ou au pire, on incarne le rôle de bouffon le temps d’une heure, une fois par semaine, ou plus selon l’importance du cours et ce, jusqu’à la fin de l’année. En ce qui concerne le sport, Jimmy se sentait aussi à l’aise qu’un poisson dans l’eau… congelée.
Et, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.
La vie à la campagne différait de tout ce que Jimmy avait toujours connu. Ici, chaque voisin connaissait le nom de tous les habitants de la rue, ainsi qu’une partie de leur histoire. Si ce n’était pas le cas, ils prenaient plaisir à façonner et répandre des fragments de vécu dont on leur refusait le partage.