Ma mère m'a raconté son histoire par fragments, dans des versions de plus en plus détaillées au fur et à mesure que je grandissais et que j'étais censée pouvoir en supporter le choc ; quand on apprend à descendre avec les bouteilles, lors de la première plongée on descend à huit mètres, lors de la deuxième à douze, puis quinze, et progressivement, on s'adapte à l'état liquide. On compense avec une aisance accrue, on s'habitue à une pression de plus en plus élevée - voilà ce qui s'était passé pour moi au fil des ans ; ma mère m'avait entraînée à absorber des variantes narratives de plus en plus angoissantes de son histoire sans que mes tympans explosent en les écoutant.
Rester là , sur ce couloir de sable, entre deux mers. Mettre un pied derrière l’autre,
débiter des noms latins, observer des poissons, rien d’autre. A certains moments, ils étaient si nombreux qu’on ne savait plus où donner de la tête. Les silhouettes aplaties, les formes arrondies ou fuselées…. Aux Maldives on comptabilisait environ deux mille espèces en se limitant aux poissons de la seule barrière de corail …