Jodi Ellen Malpas

Jamais un homme ne m'a tenu la main. C'est agréable. Troublant. Prometteur.

Il t’épousera un jour, songe-t-elle à haute voix, me sortant de mes pensées lointaines et déchirantes. Souviens-toi de ce que je dis, Olivia. Je n’ai jamais ressenti un amour si riche et si pur pendant mes huit décennies d’existence. (...) Miller Hart t’aime à en mourir. 

— À chaque fois que je te touche, je ressens le besoin de le faire avec le plus grand soin.
— Pourquoi ?
Je suis un peu perplexe.
Il inspire de nouveau longuement et dirige ses yeux vers moi, en les plissant lentement.
— Parce que j’ai peur que tu t’envoles en poussière.
Son aveu me fait m’étrangler.
— Je ne m’envolerai pas en poussière.
— Tu pourrais, murmure-t-il. Et que ferais-je alors ?

Cette fille pure et magnifique est tombée amoureuse du grand méchant loup. 

Je détache la serviette qui colle au-dessous de la soucoupe et commence à la froisser, mais des lignes noires attirent mon attention. Alors je la déplie rapidement d’une main et l’aplatis sur la table.

Je retiens mon souffle avant de m’énerver.
Probablement le pire Americano qui ait jamais insulté ma bouche.
M.

J’affiche une grimace de dégoût tout en faisant une boule avec la serviette avant de la balancer dans la tasse. Quel connard arrogant ! (...) Et à quoi correspondait ce « M », d’ailleurs ?
Après avoir débarrassé la tasse, la soucoupe et la serviette incriminée, puis avoir fermé le resto avec Sylvie, j’en viens finalement à la conclusion que le M, c’est pour Minable. 

Imaginez si je connaissais bien votre esprit, si j'étais suffisamment attentif, si j'avais l'oreille assez fine pour reconnaître votre plume quand j'ai le bonheur de lire vos mots.

Vous n'êtes pas prisonnier de cette vie. Seulement de vous-même.

Je souris en soufflant.
— Fredonne pour moi.
Il imite mon sourire, m’offrant l’une de ces plus belles expressions sur terre.
— Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’air dans mes poumons. 

Je n'ai pas peur de Johnny Winters lui-même.
J'ai peur de ce qu'il a fait à mon cœur.

Après cinq minutes à examiner chacun de mes dessous, je découvre que je suis en fait une fille en coton, qui n’a ni dentelle, ni satin, ni cuir.
Je le savais, mais peut-être que je croyais qu’un ensemble sexy serait apparu par magie dans mon tiroir pour m’éviter l’humiliation.

Dans le monde où il évoluait, les décisions se prenaient avec un esprit clair et objectif, et, en temps normal, il excellait à cet exercice. En temps normal… Dans son univers, tout se produisait pour une raison, et cette raison était généralement qu’il l’avait décidé : il était écouté, respecté. Mais il sentait tout contrôle lui échapper, et cela ne lui plaisait pas. Tout particulièrement en ce qui la concernait.

— Je suis trop vieux pour ces conneries, maugréa-t-il en se laissant tomber dans son fauteuil.

Il prit une autre gorgée de bourbon, longue et salutaire, puis bascula sa tête contre le dossier et fixa le plafond. Une fois déjà, elle avait mis sa vie sens dessus dessous, et il était en train de la laisser recommencer.

Il n’était qu’un idiot. Mais le fait que Miller Hart vienne s’ajouter à cette équation compliquée ne lui laissait guère le choix. Sa morale aussi le mettait au pied du mur… ainsi que l’amour qu’il ressentait pour cette femme.

– La bonne nouvelle, c’est que tu n’en as pas besoin parce que c’est journée brocoli.

— Journée brocoli ?

— Oui, comme le légume.

Amusée, je souris.

— On va faire les légumes comme des brocolis ?

— Non, tu as tout faux, dit-il en secouant la tête. On va rester couchés comme des brocolis.

— Alors on est des légumes ?

— Oui, soupire-t-il, exaspéré. On va faire les légumes toute la journée, pour se transformer en brocolis.

— Je préférerais être une carotte.

— Tu ne peux pas rester couchée comme une carotte.

— Ou un navet. Pourquoi pas un navet ?

— Livy, lance-t-il sur un ton menaçant.

— Non, oublie. J’aimerais vraiment être une courgette.

Il secoue la tête en levant les yeux au ciel.

— On va glander toute la journée.

— Je veux faire le légume.

J’affiche un large sourire, mais lui reste impassible.

— O.K., je vais rester couchée comme un brocoli avec toi. Je serai ce que tu veux que je sois.

— Et si tu commençais par être moins énervante ? me demande-t-il sérieusement.

— Je ne peux que te faire du mal, Camille.

Les détails importent peu, je ne vais pas la charger avec tout ça. Je fais ça par devoir, je la préviens parce que j’estime que je dois le faire. C’est brave, mais je ne sais pas ce que je vais faire si elle m’écoute.

Je m’attends à ce que, blessée, elle ait un mouvement de recul, mais au lieu de ça, elle se rapproche en avançant ses fesses. Elle me prend la main et me tire, me forçant à m’agenouiller devant elle.

Mon désir est aussi irrépressible que le sien, mais il me reste tout de même un soupçon de bon sens. Hors de question de le ramener chez moi. Je dois quand même faire preuve de sagesse.
Ça ne me ressemble pas. Je ne suis pas insouciante d’habitude, mais tout à coup, il me semble impossible d’en rester là. C’est peut-être dû à la spontanéité de notre élan ; au côté illicite de la chose ; au frisson, au danger, à l’inconnu. Ou c’est peut-être une chose aussi simple qu’une alchimie grisante. Tout ce que je sais, c’est que j’en veux plus.

‒ Tu es fou, Miller Hart. Il ne te laissera jamais partir.
Il explose.
‒ Je l’aime ! rugit-il, faisant reculer tout le monde dans la pièce. Je l’aime, putain !
Des larmes me viennent immédiatement aux yeux, et je m’effondre sur son côté. Il me saisit immédiatement et me rapproche de lui.
‒ Je l’aime. J’aime tout ce qu’elle représente, et j’aime sa manière de m’aimer. Elle m’aime plus que tu peux m’aimer. Plus que tout ce qu’aucun de vous peut me donner ! Son amour est pur et lumineux. Il me fait sentir les choses. Il me donne envie d’en avoir plus. Si n’importe quel connard, qui que ce soit, essaye de me la prendre, je le tuerai ! 

Imaginez si je connaissais bien votre esprit, si j'étais suffisamment attentif, si j'avais l'oreille assez fine pour reconnaître votre plume quand j'ai le bonheur de lire vos mots.

Je suis seulement de passage sur cette terre. Je n'ai qu'une seule vie et je refuse de passer la fin de mes jours avec la mauvaise personne.

Nous allons jusqu’au lit gigantesque de Miller, et je suis posée délicatement dessus. Je commence à me glisser sous les draps tandis qu’il débarrasse le lit de ses couvertures, les plaçant dans le coffre au pied du lit.

‒ Je ne vais pas utiliser de mots, mais c’est là – à chaque fois que je te regarde.

Il se glisse dans le lit et installe son grand corps au-dessus de moi, écartant mes cuisses et s’installant confortablement entre elles.

‒ C’est écrit partout sur toi, soupire-t-il, posant un baiser sur ma tête confuse. Je l’écris avec mes yeux sur toutes les parties de ton corps à chaque fois que je te vois

‒ Je t’aimerai jusqu’à mon dernier souffle, Olivia Taylor.

Il localise ma main et ramène mon diamant jusqu’à ses lèvres.

‒ Pour l’éternité.

Je secoue ma tête doucement.

‒ Ce n’est pas assez long.

‒ Alors au-delà, aussi, soupire-t-il.

Je suis déjà anéantie. Pas seulement brisée, mais bel et bien anéantie. On peut réparer une personne brisée, mais pas quelqu’un d’anéanti. Il n’y a plus d’espoir pour un être anéanti.