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Citations de L`Infini (68)


Journal du 23 au 29 septembre 2017
Paris, lundi 23 octobre

Gilbert Moreau m’a proposé, il y a quelques mois, de publier les pages de mon journal du lundi 23 octobre au dimanche 29 octobre de l’année 2017. C’est la pre­mière fois que l’on me fait une semblable proposition, et je me demande ce que peut être un journal dont on sait à l’avance qu’il sera publié ? Mais, dès qu’il est écrit, un journal n’est-il pas d’une certaine façon déjà publié ? Au demeurant j’ai déjà publié, chez divers éditeurs, plusieurs volumes du journal que je tiens depuis plus de cinquante ans, et, dans le numéro 36 de cette même revue, Les moments litté­raires, un extrait (17 pages) de mon journal new-yorkais de l’année 1988... Vais-je me trouver influencé par cette nouvelle perspective ?


Je ne peux pourtant pas faire comme si mon nouveau roman, L’expatrié, ne sortait pas en librairie précisément cette semaine du 23 au 29 octobre... J’en discutais, avant-hier encore, avec Augustin de Butler, qui me remettait les pages de la petite revue dont il s’occupe, Ironie, où, sous un portrait de Wanda Landowska, il a amicalement reproduit un extrait du deuxième livre de L’expatrié, essentiellement consa­cré à une claveciniste... Que deviendra ce petit livre, au moins le cinquante­ huitième que j’aurai publié à ce jour ? Les augures le diront ou ne le diront pas ...

Il se trouve, par ailleurs, que cette même semaine, accompagnant mon roman, on trouve en librairie le numéro 140 de L’infini dont une grande partie est consacrée à un long entretien avec Florence Didier-Lambert sur ma Biographie, entretien suivi du Scénario du film sur moi, Vita Nova, que j’ai réalisé avec F. D.-Lambert, d’une conférence sur le Balzac de Rodin, faite en Italie en 1979, et d’un essai d’Andrea Schellino sur sa traduction italienne d’un de mes recueils de poésie, La Dogana ...
Sans oublier, aux éditions Art press, un livre reprenant les Entretiens sur l’art et la littérature que j’ai accordés à ce magazine entre 1973 et 2005. C’est peu dire que de dire que cette vaste sortie groupée me préoccupe... !

S’ajoutent à cela les lectures que je dois faire pour les éditions Gallimard, dont notamment les épreuves du livre, de 487 pages, de Friedrich-Wilhelm von Herr­mann et Francesco Alfieri, Martin Heidegger. La vérité sur les « Cahiers noirs » , à paraître dans la collection L’infini, en mars prochain. Parution qui s’accompagnera vraisemblablement, chez le même éditeur, d’une traduction complète des Cahiers noirs... Je n’aurai sans doute pas fini cette lecture avant une bonne quinzaine de jours, mais j’en ai déjà assez lu pour savoir que dans ces désormais fameux Carnets noirs, Heidegger fait les nettes et les plus sérieuses réserves sur Hitler et le nazisme. Je ne douce pas que cerce double publication fasse événement dans une presse française majoritaire­ment, et aveuglément critique, aussi bien vis-à-vis de Heidegger que vis-à-vis de Céline... N’est-ce pas à ce propos que Heidegger déclare que cette presse s’adresse essentiellement « aux yeux et aux oreilles sous presse » ? D’où l’importance actualité de cette publication... et de ma lecture...

*
C’est de mille façons que ces derniers temps l’actualité me requiert... Le sujet qui mobilise tous les médias, ces jours derniers, porte sur l’agression et le harcèlement sexuel des femmes... Sera-t-il encore d’actualité lorsque ce numéro des Moments littéraires paraîtra... ? Les femmes hystériques, ou non, en font grand cas... Il serait absurde de n’en pas tenir compte et, pendant que l’on y est, on pourrait aussi soulever la même question qui peut se poser pour un homme. N’y a-t-il pas un film américain sur ce sujet ? J’en ai moi-même fait l’expérience lorsque j’enseignais à l’École des Beaux-Arts de Paris. Ayant donné un cours improvisé sur Alberto Giacometti, dont j’étais très satisfait, et désirant en garder d’autres traces que les notes dont je m’étais servi, je commis l’imprudence de demander à une élève asiatique (que je voyais, au premier rang de l’amphithéâtre, écrire avec application tout ce que je disais) de bien vouloir me confier son cahier... Ce qu’elle fit avec un plaisir visible... Je ne devais pas tarder, pour plu­sieurs raisons, à m’en repentir, en effet non seulement le cahier en question ne contenait rien d’utilisable, mais l’élève prit cette demande pour une invite, et, en se fixant sur moi névrotiquement, ne tarda pas à me faire des confidences... Ayant découvert que j’écrivais de la poésie, elle me déclara que, dans son pays, son grand-père était un poète très célèbre, elle alla même jusqu’à me traduire cer­taines des poésies du vieillard... Je fis tout ce que je pouvais pour la décourager aussi courtoisement que possible, rien n’y fit, jusqu ’à ce que je découvre que, en fin d’après-midi, elle me suivait jusque chez moi... Je dus alors brutalement lui dire qu’elle ne savait rien de moi, et que son insistant harcèlement intervenait fâcheusement dans ma vie privée... Dès lors je ne la vis plus à mes cours, et j’en fus, si je puis dire, débarrassé...

Je pense bien que cette sorte de fausse aventure n’arriva pas qu’à moi, et que la perversion est la chose du monde la mieux partagée... Reste à savoir dans quelle mesure agressée et agresseur s’y prêtent...

Paris, mardi 24 octobre

Dans ma bibliothèque je découvre le Journal de Chine de Michel Leiris (1955). Lorsque je sus, en 1974, que j’allais, à l’initiative de Philippe Sollers et en tant que secrétaire de rédaction de la revue, avec Roland Barthes, Julia Kristeva et Philippe Sollers, faire partie du voyage du groupe Tel Quel en Chine, je consultais un certain nombre d’ouvrages : le Tao te King, le Yi King que je pratiquais déjà depuis bien des décennies... quelques poètes traditionnels du VIIe siècle, comme Li Po, Wang Wei, par ailleurs, les livres de Marcel Granet : La Pensée Chinoise et La Civilisation chinoise, et les essais de Joseph Needham... Et comme ce voyage était en partie pro­grammé par Maria Antonietta Macciocchi, son livre De la Chine, livre qui venait d’être interdit à la vente annuelle de L’Humanité... Mais j’en restais en quelque sorte là, sans plus m’inquiéter des voyages et des voyageurs qui nous avaient précédés...
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 L'Infini
3/CELINE
Des artistes ! » Notre monde décadent est aujourd’hui terminé, il finit sa course dans le silence ou dans la fureur, qu’importe puisque son lendemain appartient au mystère dont l’univers émane et que Céline ne pense malheureusement pas assez. Céline a su cependant désigner l’imposture de cette sauvagerie décivilisatrice et montrer, dans le style, la musique comme une figure du lieu où s’exprime I’Essentiel qu’il n’a pas pensé mais dont il a contribué à désigner l’âme comme domaine d’attente, en affirmant comme source de son travail : « Hors la musique tout croule et rampe. »

« Pour que dans le cerveau d’un couillon la pensée fasse un tour, il faut qu’il lui arrive beaucoup de choses et des biens cruelles », disait le jeune et génial auteur du Voyage ... C’est la raison pour laquelle rien n’a encore changé autour de nous, car les nombreux prodromes d’Apocalypse, dont Céline s’est voulu l’un des peintres et s’est douloureusement constaté le seul, n’ont encore remué les entrailles de personne. Ce pourquoi d’aucuns coeurs chrétiens trop souventefois anesthésiés par un béant optimisme qu’ils confondent à tort avec l’espérance théologale, ont à prendre dans la spiritualité d’un homme qui ne partageait pas leur foi mais voyait à livre ouvert ce qu’elle devrait leur révéler : la fin de certains temps.

Maxence Caron
L’Infini N° 121, Hiver 2012
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2/CELINE

« N’allez point m’estimer jaloux ! Ce serait mal reconnaître ma parfaite indépendance. » Son énergie exécrarrice lui était un souffle, elle était l’état spirituel de celui qui fait descendre jusque dans l’horreur, afin de montrer que celle-ci peut ne pas avoir prise, la musique d’une langue qui se transforme inouïe à mesure qu’elle prend sur elle, avec la force de la source immatérielle où elle puise, la violence de ce qu’elle constate. L’exécration célinienne élut un large domaine, cette humaine laideur qui s’exprime paradigmatiquement en la frénésie autodestructrice dont les deux guerres cosmiques ne furent que prélude en regard de leurs conséquences et de l’ordre qu’elles firent instaurer.

Il s’agit de mesurer le destin même de l’humanité, destinée dont la période des deux guerres et leur entre-deux politique, donc les trois périodes de l’œuvre célinien, ne sont qu’une analyse préparatoire, une description, un avertissement. L’écrivain décrit et avertit : il prophétise, en faisant jaillir la brutalité du présent et le désastreux avenir dont il est lourd : « C’est l’Abîme, c’est !’Apocalypse, avec tous ses monstres déchaînés, avides, dépeceurs jusqu’à l’âme. » Dans cette perspective d’apocalypse, le génie célinien consiste à faire paradoxalement jaillir la bouse afin d’en resurgir exempt, et ce par l’usage même de l’outil qui en permet la description, le style, signe de la capacité d’une âme à vivre dans la dimension de sa spiritualité. Céline, qui mettait en avant de descendre d’une mère dentellière, n’est pas l’homme de l’ordure mais d’un raffinement rarement atteint dans la langue française, d’un dépouillement et d’une distance qui le lient au début du xvrr siècle, entre la langue charnue d’un Monluc et la nue transparence d’un La Fontaine, l’un de ses auteurs préférés. Il n’est XXe.
et ses dernières œuvres sont une dentelle de mots, pleines de sons et silences mêlés. La langue célinienne, pour populaire qu’elle semble être, est cependant inconnue, n’existe nulle part, elle est la reformulation alchimique d’une syntaxe et d’un vocabulaire qui, se réinventant après une plongée dans l’abject, dénotent une maîtrise de soi qui est la marque de l’âme consciente de soi et baignée de son élément propre. Céline formule infiniment de sorte à créer une langue dont la seule musique demeure, par-dessus une réalité dont l’abjection est ainsi désamorcée au moment même où elle ressort. Cette musique est le génie même de la langue, la langue remise à elle-même, dépouillée de l’objet alors même qu’elle le nomme, la langue pure, la suspension de soi au-dessus d’un monde avec lequel elle ne se confond pas, la marque même d’une conscience baignée de son élément propre, d’une âme qui tient son rôle et sa place ontologique, celle de veiller, au-dessus du monde et de l’humanité pécheresse, une possibilité spirituelle d’existence qui, au plus fort de l’horreur, demeure sauve et hors d’atteinte. La musique du dernier Céline est une légèreté inondant les boues qu’elle se choisit pour contenu, manifestant ainsi la liberté à l’œuvre dans le travail de l’œuvre. Bardamu était l’idéal d’indifférence, Céline le devient : nul besoin de personnage quand l’auteur devient lui-même l’impassibilité stylistique pour qui la fange n’est plus qu’occasion de désignation d’une région supérieure que le style porte. La littérature est ici la suspension où l’âme respire les effluves de régions que sa propre consistance désigne la dépassant et la tissant.

« Le moindre obstrué trou du cul, se voit Jupiter dans la glace. Voilà le grand miracle moderne », dit sans hésitation Mea culpa. Au milieu de tous ces faux artistes qui « ne parlent que de créations comme les femmes frigides ne parlent entre elles que de sexe », l’œuvre de Céline, j’entends l’œuvre complet, en dehors des deux premiers romans, est quasiment inconnu. Les motivations mystiques de sa plume, la spiritualité de ses apocalypses sont ignorées. Quant au lectorat, il existe, certes, mais rares sont ceux qui à l’heure des borborygmes et des coprorrhées ont l’oreille suffisamment musicale pour reconnaître que La Fontaine et Monluc triomphent dans cette voix qui nous dit en outre cette phrase : « En chacun délivrer l’artiste ! lui rendre la clef du ciel ! » Ne nous étonnons de rien : un tel artiste ne peut être accepté par les temps qui courent mais n’avancent pas, des temps au milieu desquels l’écrivain véritable se fait résistant perpétuel : « si artiste, vous faites trop de jaloux l ». Les gens n’aiment que la médiocrité fameuse, l’éphéméride de la nullité. Et, constatait déjà I’ écrivain, « ce sont les ratés les plus rances qui décrètent le goût du jour ».

Et le goût du jour con-temporain, celui de « la bulleuse jactance électorale », n’est certes pas susceptible d’apprécier la finesse cynique des visions céliniennes, visions fracassantes et détachées, issues de l’esprit d’un homme qui, après les deux cataclysmes déroulés sous ses yeux, voit une Europe se construire et surgir si pauvre et si femelle (ce que la suite des événements ni le jourd’hui ne sauront démentir), ce cynisme drôle et sans compromis, exprimé en un extrait de Nord, enclôt la finesse de souligner les deux guerres comme ayant pour résultat et pour motivation la volonté de belliqueux obsédés internationalistes avides d’effondrer les frontières afin de permettre à une théorie de la jouissance totale et du domestiquant abrutissement de masse d’établir ses quartiers dans le monde en général. C’est cette mondialisation du stupre que dit cet extrait burlesque : « Le fameux vagin de Parisienne ! votre homme se voit déjà dans les cuisses, en pleine épilepsie de bonheur [ ... ] il me le disait le sergent manchot ... « Mais vous y retournerez à Paris, voyons l. .. , dit Céline exilé à l’Allemand éploré par la défaite inéluctable, Berlin, Paris, une heure, à peine l, .. c’est pas moi qui vais vous apprendre ! ... les progrès de demain ! après la guerre ! ... une seule monnaie et l’avion ! une heure ! ... plus de passeports ! [ ... ] c’est pour ça que les guerres existent ! ... le progrès ! plus de distances ! plus de passeports ! »
L’art célinien transplante ce qu’il voit dans l’ordre de ce qui n’y appartient pas, l’âme, qui dispose de ce spectacle infect avec ironie, légèreté, qui compose une musique au milieu des débris. Léger parmi les déchets, Céline essaie une lyre mozartienne à l’ère des conflagrations atomiques puis de la décadence sans limites, et choisit la danse pour ne pas se laisser prendre à la glu de l’enfer croissant. On le dit ordurier, scatologique : c’est ne rien comprendre à son art. La violence de son style signifie la posture d’une âme qui se dissocie d’un spectacle dont ordonner musicalement les miasmes est désamorcer leur odeur et faire ainsi passer l’oreille dans un mystère de sonorité, faire passer la fureur de l’apocalypse pour un opéra-bouffe sur fond d’un néant fabriqué de main d’homme et auquel l’humanité se voue sans voir que depuis le fond de l’âme il est possible d’y jeter une lumière de désapprobation dont l’origine se perd, comme chez Céline, dans un mystère de musique inconnue. « On rigole de l’état des choses, comme tout ça tourne si imbécile ! » et l’âme résiste par la musique. La musique c’est la stance de l’âme, sa présence, cette présence est ironie, stabilité devant l’abîme, habitation du mystère tandis que l’agonie du monde montre et fait attendre une lueur mystique : « demain ... l’aube ... ».

« À travers bien des aventures, des moments drôles, d’autres beaucoup moins, je me suis toujours demandé si j’avais mon décor sonore ?... [ ... ] je savais ce que je voulais... symphonies !... », écrit Céline dans Rigodon. Céline est l’homme du combat contre l’âme froide et ce décor symphonique est une manifestation de la chaleur de l’âme, de son élément propre. La symphonie célinienne contrecarre ce mot d’ordre des terres outre-modernes qui dit : « Que tout s’écroule, mais sans fracas, sans émeute », mot d’ordre qui résonne dans cette "France libre et heureuse !". Leur tarte pour cons à la crème... » En vérité, il y avait moins d’esclaves à Athènes qui étaient encore conscients de leur condition, qu’aujourd’hui où l’on fait croire à lambda en lui fabriquant de juridiques paperasses qu’il est libre tandis qu’il sert une oligarchie ellemême incapable d’aristocrarisme et vouée à la satisfaction hypogastrique. On donne des rêves individuels sur fond de liberté principielle, et le tour est joué : « La trique finit par fatiguer celui qui la manie, tandis que l’espoir de devenir puissants et riches dont les Blancs sont gavés, ça ne coûte rien, absolument rien. Qu’on ne vienne plus nous vanter l’Égypte et les Tyrans tartares ! Ce n’étaient ces antiques amateurs que petits margoulins prétentieux dans l’art suprême de faire rendre à la bête verticale son plus bel effort au boulot. Ils ne savaient pas, ces primitifs, l’appeler "Monsieur" l’esclave, et le faire voter de temps à autre, ni lui payer le journal. » Le système fonctionne à merveille et les rouages ne grippent point : l’on râle avec régularité, l’on s’encanaille une fois par semaine pour reprendre des forces à l’esclavage et mieux apprécier de pouvoir se donner l’impression de mériter son orgie de la semaine suivante, et en voilà pour la suite, du berceau jusques à la tombe. « Jamais domestiques, jamais esclaves, ne furent en vérité si totalement, intimement asservis, investis corps et âme, d’une façon si dévotieuse, si suppliante. Rome ? En comparaison ? ... Mais un empire du petit bonheur ! une Thélème philosophique ! Le Moyen Âge ?... L’Inquisition ? ... Berquinades ! Époques libres ! d’intense débraillé ! d’effréné libre arbitre ! Le duc d’Albe ? Pizzaro ? Cromwell ?
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 L'Infini
ÂME, MUSIQUE ET APOCALYPSE
CHEZ CÉLINE


Hors la musique tout croule et rampe.
Céline

Le fond d’un homme est immuable. L’âme n’est chaude que de son mystère.
Céline


Naguère gisait une terre qui sans être plus grand-chose était encore chose. L’intelligence y fleurissait à titre d’exception mais y fleurissait tout de même, nonobstant qu’on y eût occis par raide errance les conditions d’émergence du grand écrivain. Il y avait des auteurs, certaines personnes les lisaient, d’autres écrivaient sur eux, et parfois fort bien. C’était avant que le rienisme n’élût officine dans les cervelles qui en avaient fait le gavé protecteur de leur paresseuse avidité. En France, « cette nation femelle, toujours bonne à tourner morue », en France, puisque c’est de cette ancienne nation intellectuelle qu’il est question, il y eut Céline, et il y eut aussi les rares lecteurs gui, comme Dominique de Roux, firent honneur à leur patrie de langue en reconnaissant l’œuvre entier de l’immense écrivain et en lui consacrant un double volume d’études.

Peut-on faire porter à Céline les sirupeuses hargnes d’un pays qui ne s’aime ni ne se comprend, et qui a fait méthodique profession de passer à côté de soi-même ? Laissera-t-on libre enfin de toute cette confortable ignorance ce seigneur de nos écrivains, libre de manifester quel propre génie s’est exprimé en son œuvre, complexe ? C’est ce que tentèrent à leur mesure, c’est-à-dire en temps réel, les contributeurs du Cahier de L’Herne dirigé par de Roux. Avec l’exemple de cet état d’esprit, laissons nous aussi Céline échapper aux âneries stridemment jaculées par aucunes bouches dont le conformisme béat vis-à-vis de tout ce qui se pense aujourd’hui laisse amplement supposer qu’elles eussent en temps voulu chanté les louanges des régimes liberticides pour peu qu’ils régnassent - ce que Céline ne fit guère. Les Français sont « bons comme l’aloyau, dans la boutique conformiste », prévenait l’écrivain. Disons donc plutôt le fond inconnu, musical, spiritualiste, d’une œuvre grande qui cache sa subtilité et son raffinement derrière les apparences d’une ahurie grossièreté.
Céline oppose une civilisation qui « élève, qui crée des hommes ailés, des âmes qui dansent » à la « fabrique des rampants qui s’intéressent plus qu’à quatre pattes, de bouftiffes en égouts secrets, de boîtes à ordures en eaux grasses » ; il oppose « la musique, l’enchantement, la gaîté, la fontaine des plus hautes féeries » à « la grouillerie des brutes d’achat ». Il a su se laisser voir l’âge d’une civilisation morte, cet âge toujours déjà trop vieux car voué depuis toujours à la médiocrité, l’âge public, sans pudeur, l’âge sans finesse et sans légèreté, l’âge publicitaire, l’âge où « le cul est la petite mine d’or du pauvre », l’âge sans art véritable ni véridique, l’âge de la« colique des sensations », des « cent mille mensonges radoteux », l’âge naissant vieux, l’âge naissant menaçant, et qui n’a « plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie ». Une ère d’apocalypse s’ouvre, mais « la vérité personne n’en veut ». « Nous crevons d’être sans légende, sans mystère, sans grandeur. Les cieux nous vomissent. Nous périssons d’arrière-boutique ».

Nous parvenons simplement au terme du processus révolutionnaire, à la fin de l’illusion démocratique, l’ère où l’immanentisme triomphe tout en se vomissant : « Apôtres du mieux-vivre, la meute va vous bouffer, vous d’abord. Vous êtes au bout de votre rouleau des promesses. 150 années de paroles ! Vous n’y couperez pas. Il ne reste plus rien de chiable dans votre boutique que vous-mêmes. Vous qui pendant 150 ans n’avez cessé de lyriser la mécanique, les droits du peuple, la muflerie, la matière, l’arrivisme et la merde, vous allez être servis merveilleusement ! Vous vous êtes promis aux chiots révolutionnaires vous-mêmes. Exorbités, aberrants, pontifiants, cafouilleux cancres vous avez commis au départ l’erreur capitale, inexpiable, vous avez misé sur la tripe. La tripe c’est toujours une erreur de la porter au pavois. Toutes les dialectiques sophistiqueries matérialistes ne sont que tout autant de gaffes grossières, apologies tarabiscotées de la merde, très maladroites. Rien qui délivre, qui allègre, rien qui fasse danser l’homme. Vous ne verrez jamais que les êtres de pire bassesse, les voués, les maniaques intestinaux, les mufles essentiels, les hargneux boulimiques, les éperdus digestifs, les pleins de ripailles, les fronts écrasés, les bas de plafond, s’éprendre de tous ces programmes utilitaires forcenés, même travestis "humanitaires". Gageure stupide d’attendre la panacée, la civilisation rédemptrice des pires hantés coecum, des plus prometteurs recordmen du plus gros étron. [ ... ] Vous n’avez fait danser personne ! Vous êtes incapables ! funestes ! impossibles ! Vous excédez la terre entière avec vos fausses notes ! Vous êtes mauvais à en périr ! Et vous périrez ! On va vous engouffrer aussi. La masse va vous tourner en merde, votre masse chérie. » Qu’à l’écoute de ces lignes violentes l’on cesse de jouer à l’outré bégueule, et que l’on n’invoque point, comme on l’aime tant, alors que tant vivent en disant quotidiennement bien pis et en concevant intimement Maxence Caron l’innommable, que l’on n’invoque point l’irrévérence de la forme pour se donner prétexte à ne pas parler du fond, le fond incontestable de cette tirade célinienne qui nous parle d’une civilisation écrasée de nullité, pleine d’une humanité réduite à l’enfer et à la violence intestine, une décivilisation qui se retourne finalement contre le système qui l’a fait naître.

Mais pour qu’une telle permanente insurrection interne soit autre chose que la répétition du néant, pour échapper à la destruction contre laquelle une érucrante dénonciation ne suffit aucunement, encore faut-il spiritualiser l’homme et lui faire découvrir la présence de son âme, sa musique : « Lorsque l’homme divinise la matière il se tue. Les masses déspiritualisées, dépoétisées sont maudites. » Pour Céline la civilisation moderne est vouée au diabolique, elle braque l’homme sur la matière : « la passion de nos jours, la férocité folklorique ! Plus rien pour le Ciel ! tout au sol ! », écrit l’auteur de Féerie pour une autre fois, et l’auteur de Mea culpa sait gré à l’Église et à ses Pères, « qui se miroitaient pas d’illusions ! », d’avoir pendant des siècles préservé l’homme de ce destin morbide auquel le promettent les idéaux d’une soi-disant modernité : depuis la victoire de la défaite de l’homme en 1789, l’homme est « tout fou d’orgueil dilaté par la mécanique, hagard, saturé, ivrogne d’alcool, de gazoline, défiant, prétentieux, éberlué, démesuré, irrémédiable, mouton et taureau mélangé », et « tout ce qui aide à fourvoyer la masse abrutie par les louanges est bienvenue ». Mais, « le fond d’un homme est immuable. L’âme n’est chaude que de son mystère ». L’œuvre de Céline est ainsi construite comme un éloge de ce qu’on doit à l’intériorité vigilante : « y a pas que les sirènes des toits, y a celles du dedans, qui ne font aucun bruit, qui vous tiennent bien réveillé ». Rendre à l’homme conscience de son esprit passe par la désimmanence. « Partout où on obnubile l’homme pour en faire un aide-matériel, un pompeur à bénéfices, tout de suite c’est l’enfer qui commence », nous dit l’écrivain. Faire plonger le spirituel dans l’immanence, c’est produire l’infernal. Il s’agit donc de combattre ce mouvement par une résistance précisément spirituelle, car la conservation de l’existence passe ici par le spirituel, et le spirituel par la résistance, qui se déploie de deux façons, l’indifférence et l’exécration, les deux faces de l’univers célinien, de sa tonalité. Il faut défendre son âme, et cela ne va pas sans une virulence qui lui permet de conquérir les régions dansantes en qui elle puise simultanément la possibilité d’inonder le monde d’un style dont la musique est, comme celle des romans céliniens d’après 1945, totalement lumineuse et sautillante, lointaine, indépendante, parallèlement aux horreurs décrites qu’elle désigne sans toucher. « Tout de même, disait déjà l’auteur du Voyage, j’ai défendu mon âme jusqu’à présent et si la mort, demain, venait me prendre, je ne serais, j’en suis certain, jamais tout à fait aussi froid, vilain, aussi lourd que les autres. » Exécrer en musique produit l’espace de sonorité d’une musique qui montre la région où l’âme vit en son élément propre.

Et en effet, chez Céline, il faut une âme pour exécrer, une âme aux dimensions inconnues : les siennes, précisément. C’est de cette dimension que vient la vocation de l’homme, vocation que révèlent les harmonies rémanentes à même une certaine expansion du dégoût, la nausée symphonique dont reproduire la beauté fera défaut à toute une génération de loués littératisants à qui manquera la puissance d’un style célinien insurpassable à force de rigueur et d’associations libres. Les écrivains qui succédèrent clamoreusement à la veine ouverte par Céline et qui, comme le malencontreusement estimé Sartre, s’onanisent au spectacle des bassesses, n’ont jamais su comprendre - c’est ce qui fait de l’athéisme un perpétuel malentendu, pour ne pas dire une faute de goût - que la fange n’est visible qu’à celui dont l’âme occupe une position de surplomb. Le spectacle de la misère n’apparaît qu’à l’âme baignée d’antéprédicative grandeur. Celui qui ne garde de ce binôme que la misère en est amoureux ou y réalise ses ambitions. Céline ne fut évidemment ni un cacophile ni un vaniteux : il aimait une finesse supérieure dont il constatait la disparition, il aimait « ces filigranes de joliesse ... que personne maintenant ne comprend plus ! », il fuyait les partis, les coteries, il n’avait aucune ambition littéraire mais une préoccupation supérieure. Et, en ce qui n’est pas la marque d’une quelconque coquetterie mais le témoignage de cet humour en qui se loge cette préoccupation supérieure, il affirmait écrire pour se nourrir.
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ÂME, MUSIQUE ET APOCALYPSE
CHEZ CÉLINE


Hors la musique tout croule et rampe.
Céline

Le fond d’un homme est immuable. L’âme n’est chaude que de son mystère.
Céline


Naguère gisait une terre qui sans être plus grand-chose était encore chose. L’intelligence y fleurissait à titre d’exception mais y fleurissait tout de même, nonobstant qu’on y eût occis par raide errance les conditions d’émergence du grand écrivain. Il y avait des auteurs, certaines personnes les lisaient, d’autres écrivaient sur eux, et parfois fort bien. C’était avant que le rienisme n’élût officine dans les cervelles qui en avaient fait le gavé protecteur de leur paresseuse avidité. En France, « cette nation femelle, toujours bonne à tourner morue », en France, puisque c’est de cette ancienne nation intellectuelle qu’il est question, il y eut Céline, et il y eut aussi les rares lecteurs gui, comme Dominique de Roux, firent honneur à leur patrie de langue en reconnaissant l’œuvre entier de l’immense écrivain et en lui consacrant un double volume d’études.

Peut-on faire porter à Céline les sirupeuses hargnes d’un pays qui ne s’aime ni ne se comprend, et qui a fait méthodique profession de passer à côté de soi-même ? Laissera-t-on libre enfin de toute cette confortable ignorance ce seigneur de nos écrivains, libre de manifester quel propre génie s’est exprimé en son œuvre, complexe ? C’est ce que tentèrent à leur mesure, c’est-à-dire en temps réel, les contributeurs du Cahier de L’Herne dirigé par de Roux. Avec l’exemple de cet état d’esprit, laissons nous aussi Céline échapper aux âneries stridemment jaculées par aucunes bouches dont le conformisme béat vis-à-vis de tout ce qui se pense aujourd’hui laisse amplement supposer qu’elles eussent en temps voulu chanté les louanges des régimes liberticides pour peu qu’ils régnassent - ce que Céline ne fit guère. Les Français sont « bons comme l’aloyau, dans la boutique conformiste », prévenait l’écrivain. Disons donc plutôt le fond inconnu, musical, spiritualiste, d’une œuvre grande qui cache sa subtilité et son raffinement derrière les apparences d’une ahurie grossièreté.
Céline oppose une civilisation qui « élève, qui crée des hommes ailés, des âmes qui dansent » à la « fabrique des rampants qui s’intéressent plus qu’à quatre pattes, de bouftiffes en égouts secrets, de boîtes à ordures en eaux grasses » ; il oppose « la musique, l’enchantement, la gaîté, la fontaine des plus hautes féeries » à « la grouillerie des brutes d’achat ». Il a su se laisser voir l’âge d’une civilisation morte, cet âge toujours déjà trop vieux car voué depuis toujours à la médiocrité, l’âge public, sans pudeur, l’âge sans finesse et sans légèreté, l’âge publicitaire, l’âge où « le cul est la petite mine d’or du pauvre », l’âge sans art véritable ni véridique, l’âge de la« colique des sensations », des « cent mille mensonges radoteux », l’âge naissant vieux, l’âge naissant menaçant, et qui n’a « plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie ». Une ère d’apocalypse s’ouvre, mais « la vérité personne n’en veut ». « Nous crevons d’être sans légende, sans mystère, sans grandeur. Les cieux nous vomissent. Nous périssons d’arrière-boutique ».

Nous parvenons simplement au terme du processus révolutionnaire, à la fin de l’illusion démocratique, l’ère où l’immanentisme triomphe tout en se vomissant : « Apôtres du mieux-vivre, la meute va vous bouffer, vous d’abord. Vous êtes au bout de votre rouleau des promesses. 150 années de paroles ! Vous n’y couperez pas. Il ne reste plus rien de chiable dans votre boutique que vous-mêmes. Vous qui pendant 150 ans n’avez cessé de lyriser la mécanique, les droits du peuple, la muflerie, la matière, l’arrivisme et la merde, vous allez être servis merveilleusement ! Vous vous êtes promis aux chiots révolutionnaires vous-mêmes. Exorbités, aberrants, pontifiants, cafouilleux cancres vous avez commis au départ l’erreur capitale, inexpiable, vous avez misé sur la tripe. La tripe c’est toujours une erreur de la porter au pavois. Toutes les dialectiques sophistiqueries matérialistes ne sont que tout autant de gaffes grossières, apologies tarabiscotées de la merde, très maladroites. Rien qui délivre, qui allègre, rien qui fasse danser l’homme. Vous ne verrez jamais que les êtres de pire bassesse, les voués, les maniaques intestinaux, les mufles essentiels, les hargneux boulimiques, les éperdus digestifs, les pleins de ripailles, les fronts écrasés, les bas de plafond, s’éprendre de tous ces programmes utilitaires forcenés, même travestis "humanitaires". Gageure stupide d’attendre la panacée, la civilisation rédemptrice des pires hantés coecum, des plus prometteurs recordmen du plus gros étron. [ ... ] Vous n’avez fait danser personne ! Vous êtes incapables ! funestes ! impossibles ! Vous excédez la terre entière avec vos fausses notes ! Vous êtes mauvais à en périr ! Et vous périrez ! On va vous engouffrer aussi. La masse va vous tourner en merde, votre masse chérie. » Qu’à l’écoute de ces lignes violentes l’on cesse de jouer à l’outré bégueule, et que l’on n’invoque point, comme on l’aime tant, alors que tant vivent en disant quotidiennement bien pis et en concevant intimement Maxence Caron l’innommable, que l’on n’invoque point l’irrévérence de la forme pour se donner prétexte à ne pas parler du fond, le fond incontestable de cette tirade célinienne qui nous parle d’une civilisation écrasée de nullité, pleine d’une humanité réduite à l’enfer et à la violence intestine, une décivilisation qui se retourne finalement contre le système qui l’a fait naître.

Mais pour qu’une telle permanente insurrection interne soit autre chose que la répétition du néant, pour échapper à la destruction contre laquelle une érucrante dénonciation ne suffit aucunement, encore faut-il spiritualiser l’homme et lui faire découvrir la présence de son âme, sa musique : « Lorsque l’homme divinise la matière il se tue. Les masses déspiritualisées, dépoétisées sont maudites. » Pour Céline la civilisation moderne est vouée au diabolique, elle braque l’homme sur la matière : « la passion de nos jours, la férocité folklorique ! Plus rien pour le Ciel ! tout au sol ! », écrit l’auteur de Féerie pour une autre fois, et l’auteur de Mea culpa sait gré à l’Église et à ses Pères, « qui se miroitaient pas d’illusions ! », d’avoir pendant des siècles préservé l’homme de ce destin morbide auquel le promettent les idéaux d’une soi-disant modernité : depuis la victoire de la défaite de l’homme en 1789, l’homme est « tout fou d’orgueil dilaté par la mécanique, hagard, saturé, ivrogne d’alcool, de gazoline, défiant, prétentieux, éberlué, démesuré, irrémédiable, mouton et taureau mélangé », et « tout ce qui aide à fourvoyer la masse abrutie par les louanges est bienvenue ». Mais, « le fond d’un homme est immuable. L’âme n’est chaude que de son mystère ». L’œuvre de Céline est ainsi construite comme un éloge de ce qu’on doit à l’intériorité vigilante : « y a pas que les sirènes des toits, y a celles du dedans, qui ne font aucun bruit, qui vous tiennent bien réveillé ». Rendre à l’homme conscience de son esprit passe par la désimmanence. « Partout où on obnubile l’homme pour en faire un aide-matériel, un pompeur à bénéfices, tout de suite c’est l’enfer qui commence », nous dit l’écrivain. Faire plonger le spirituel dans l’immanence, c’est produire l’infernal. Il s’agit donc de combattre ce mouvement par une résistance précisément spirituelle, car la conservation de l’existence passe ici par le spirituel, et le spirituel par la résistance, qui se déploie de deux façons, l’indifférence et l’exécration, les deux faces de l’univers célinien, de sa tonalité. Il faut défendre son âme, et cela ne va pas sans une virulence qui lui permet de conquérir les régions dansantes en qui elle puise simultanément la possibilité d’inonder le monde d’un style dont la musique est, comme celle des romans céliniens d’après 1945, totalement lumineuse et sautillante, lointaine, indépendante, parallèlement aux horreurs décrites qu’elle désigne sans toucher. « Tout de même, disait déjà l’auteur du Voyage, j’ai défendu mon âme jusqu’à présent et si la mort, demain, venait me prendre, je ne serais, j’en suis certain, jamais tout à fait aussi froid, vilain, aussi lourd que les autres. » Exécrer en musique produit l’espace de sonorité d’une musique qui montre la région où l’âme vit en son élément propre.

Et en effet, chez Céline, il faut une âme pour exécrer, une âme aux dimensions inconnues : les siennes, précisément. C’est de cette dimension que vient la vocation de l’homme, vocation que révèlent les harmonies rémanentes à même une certaine expansion du dégoût, la nausée symphonique dont reproduire la beauté fera défaut à toute une génération de loués littératisants à qui manquera la puissance d’un style célinien insurpassable à force de rigueur et d’associations libres. Les écrivains qui succédèrent clamoreusement à la veine ouverte par Céline et qui, comme le malencontreusement estimé Sartre, s’onanisent au spectacle des bassesses, n’ont jamais su comprendre - c’est ce qui fait de l’athéisme un perpétuel malentendu, pour ne pas dire une faute de goût - que la fange n’est visible qu’à celui dont l’âme occupe une position de surplomb. Le spectacle de la misère n’apparaît qu’à l’âme baignée d’antéprédicative grandeur. Celui qui ne garde de ce binôme que la misère en est amoureux ou y réalise ses ambitions. Céline ne fut évidemment ni un cacophile ni un vaniteux : il aimait une finesse supérieure dont il constatait la disparition, il aimait « ces filigranes de joliesse ... que personne maintenant ne comprend plus ! », il fuyait les partis, les coteries, il n’avait aucune ambition littéraire mais une préoccupation supérieure. Et, en ce qui n’est pas la marque d’une quelconque coquetterie mais le témoignage de cet humour en qui se loge cette préoccupation supérieure, il affirmait écrire pour se nourrir. « N’allez point m’estimer jaloux ! Ce serait ma
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ÂME, MUSIQUE ET APOCALYPSE
CHEZ CÉLINE


Hors la musique tout croule et rampe.
Céline

Le fond d’un homme est immuable. L’âme n’est chaude que de son mystère.
Céline


Naguère gisait une terre qui sans être plus grand-chose était encore chose. L’intelligence y fleurissait à titre d’exception mais y fleurissait tout de même, nonobstant qu’on y eût occis par raide errance les conditions d’émergence du grand écrivain. Il y avait des auteurs, certaines personnes les lisaient, d’autres écrivaient sur eux, et parfois fort bien. C’était avant que le rienisme n’élût officine dans les cervelles qui en avaient fait le gavé protecteur de leur paresseuse avidité. En France, « cette nation femelle, toujours bonne à tourner morue », en France, puisque c’est de cette ancienne nation intellectuelle qu’il est question, il y eut Céline, et il y eut aussi les rares lecteurs gui, comme Dominique de Roux, firent honneur à leur patrie de langue en reconnaissant l’œuvre entier de l’immense écrivain et en lui consacrant un double volume d’études.

Peut-on faire porter à Céline les sirupeuses hargnes d’un pays qui ne s’aime ni ne se comprend, et qui a fait méthodique profession de passer à côté de soi-même ? Laissera-t-on libre enfin de toute cette confortable ignorance ce seigneur de nos écrivains, libre de manifester quel propre génie s’est exprimé en son œuvre, complexe ? C’est ce que tentèrent à leur mesure, c’est-à-dire en temps réel, les contributeurs du Cahier de L’Herne dirigé par de Roux. Avec l’exemple de cet état d’esprit, laissons nous aussi Céline échapper aux âneries stridemment jaculées par aucunes bouches dont le conformisme béat vis-à-vis de tout ce qui se pense aujourd’hui laisse amplement supposer qu’elles eussent en temps voulu chanté les louanges des régimes liberticides pour peu qu’ils régnassent - ce que Céline ne fit guère. Les Français sont « bons comme l’aloyau, dans la boutique conformiste », prévenait l’écrivain. Disons donc plutôt le fond inconnu, musical, spiritualiste, d’une œuvre grande qui cache sa subtilité et son raffinement derrière les apparences d’une ahurie grossièreté.
Céline oppose une civilisation qui « élève, qui crée des hommes ailés, des âmes qui dansent » à la « fabrique des rampants qui s’intéressent plus qu’à quatre pattes, de bouftiffes en égouts secrets, de boîtes à ordures en eaux grasses » ; il oppose « la musique, l’enchantement, la gaîté, la fontaine des plus hautes féeries » à « la grouillerie des brutes d’achat ». Il a su se laisser voir l’âge d’une civilisation morte, cet âge toujours déjà trop vieux car voué depuis toujours à la médiocrité, l’âge public, sans pudeur, l’âge sans finesse et sans légèreté, l’âge publicitaire, l’âge où « le cul est la petite mine d’or du pauvre », l’âge sans art véritable ni véridique, l’âge de la« colique des sensations », des « cent mille mensonges radoteux », l’âge naissant vieux, l’âge naissant menaçant, et qui n’a « plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie ». Une ère d’apocalypse s’ouvre, mais « la vérité personne n’en veut ». « Nous crevons d’être sans légende, sans mystère, sans grandeur. Les cieux nous vomissent. Nous périssons d’arrière-boutique ».

Nous parvenons simplement au terme du processus révolutionnaire, à la fin de l’illusion démocratique, l’ère où l’immanentisme triomphe tout en se vomissant : « Apôtres du mieux-vivre, la meute va vous bouffer, vous d’abord. Vous êtes au bout de votre rouleau des promesses. 150 années de paroles ! Vous n’y couperez pas. Il ne reste plus rien de chiable dans votre boutique que vous-mêmes. Vous qui pendant 150 ans n’avez cessé de lyriser la mécanique, les droits du peuple, la muflerie, la matière, l’arrivisme et la merde, vous allez être servis merveilleusement ! Vous vous êtes promis aux chiots révolutionnaires vous-mêmes. Exorbités, aberrants, pontifiants, cafouilleux cancres vous avez commis au départ l’erreur capitale, inexpiable, vous avez misé sur la tripe. La tripe c’est toujours une erreur de la porter au pavois. Toutes les dialectiques sophistiqueries matérialistes ne sont que tout autant de gaffes grossières, apologies tarabiscotées de la merde, très maladroites. Rien qui délivre, qui allègre, rien qui fasse danser l’homme. Vous ne verrez jamais que les êtres de pire bassesse, les voués, les maniaques intestinaux, les mufles essentiels, les hargneux boulimiques, les éperdus digestifs, les pleins de ripailles, les fronts écrasés, les bas de plafond, s’éprendre de tous ces programmes utilitaires forcenés, même travestis "humanitaires". Gageure stupide d’attendre la panacée, la civilisation rédemptrice des pires hantés coecum, des plus prometteurs recordmen du plus gros étron. [ ... ] Vous n’avez fait danser personne ! Vous êtes incapables ! funestes ! impossibles ! Vous excédez la terre entière avec vos fausses notes ! Vous êtes mauvais à en périr ! Et vous périrez ! On va vous engouffrer aussi. La masse va vous tourner en merde, votre masse chérie. » Qu’à l’écoute de ces lignes violentes l’on cesse de jouer à l’outré bégueule, et que l’on n’invoque point, comme on l’aime tant, alors que tant vivent en disant quotidiennement bien pis et en concevant intimement Maxence Caron l’innommable, que l’on n’invoque point l’irrévérence de la forme pour se donner prétexte à ne pas parler du fond, le fond incontestable de cette tirade célinienne qui nous parle d’une civilisation écrasée de nullité, pleine d’une humanité réduite à l’enfer et à la violence intestine, une décivilisation qui se retourne finalement contre le système qui l’a fait naître.

Mais pour qu’une telle permanente insurrection interne soit autre chose que la répétition du néant, pour échapper à la destruction contre laquelle une érucrante dénonciation ne suffit aucunement, encore faut-il spiritualiser l’homme et lui faire découvrir la présence de son âme, sa musique : « Lorsque l’homme divinise la matière il se tue. Les masses déspiritualisées, dépoétisées sont maudites. » Pour Céline la civilisation moderne est vouée au diabolique, elle braque l’homme sur la matière : « la passion de nos jours, la férocité folklorique ! Plus rien pour le Ciel ! tout au sol ! », écrit l’auteur de Féerie pour une autre fois, et l’auteur de Mea culpa sait gré à l’Église et à ses Pères, « qui se miroitaient pas d’illusions ! », d’avoir pendant des siècles préservé l’homme de ce destin morbide auquel le promettent les idéaux d’une soi-disant modernité : depuis la victoire de la défaite de l’homme en 1789, l’homme est « tout fou d’orgueil dilaté par la mécanique, hagard, saturé, ivrogne d’alcool, de gazoline, défiant, prétentieux, éberlué, démesuré, irrémédiable, mouton et taureau mélangé », et « tout ce qui aide à fourvoyer la masse abrutie par les louanges est bienvenue ». Mais, « le fond d’un homme est immuable. L’âme n’est chaude que de son mystère ». L’œuvre de Céline est ainsi construite comme un éloge de ce qu’on doit à l’intériorité vigilante : « y a pas que les sirènes des toits, y a celles du dedans, qui ne font aucun bruit, qui vous tiennent bien réveillé ». Rendre à l’homme conscience de son esprit passe par la désimmanence. « Partout où on obnubile l’homme pour en faire un aide-matériel, un pompeur à bénéfices, tout de suite c’est l’enfer qui commence », nous dit l’écrivain. Faire plonger le spirituel dans l’immanence, c’est produire l’infernal. Il s’agit donc de combattre ce mouvement par une résistance précisément spirituelle, car la conservation de l’existence passe ici par le spirituel, et le spirituel par la résistance, qui se déploie de deux façons, l’indifférence et l’exécration, les deux faces de l’univers célinien, de sa tonalité. Il faut défendre son âme, et cela ne va pas sans une virulence qui lui permet de conquérir les régions dansantes en qui elle puise simultanément la possibilité d’inonder le monde d’un style dont la musique est, comme celle des romans céliniens d’après 1945, totalement lumineuse et sautillante, lointaine, indépendante, parallèlement aux horreurs décrites qu’elle désigne sans toucher. « Tout de même, disait déjà l’auteur du Voyage, j’ai défendu mon âme jusqu’à présent et si la mort, demain, venait me prendre, je ne serais, j’en suis certain, jamais tout à fait aussi froid, vilain, aussi lourd que les autres. » Exécrer en musique produit l’espace de sonorité d’une musique qui montre la région où l’âme vit en son élément propre.

Et en effet, chez Céline, il faut une âme pour exécrer, une âme aux dimensions inconnues : les siennes, précisément. C’est de cette dimension que vient la vocation de l’homme, vocation que révèlent les harmonies rémanentes à même une certaine expansion du dégoût, la nausée symphonique dont reproduire la beauté fera défaut à toute une génération de loués littératisants à qui manquera la puissance d’un style célinien insurpassable à force de rigueur et d’associations libres. Les écrivains qui succédèrent clamoreusement à la veine ouverte par Céline et qui, comme le malencontreusement estimé Sartre, s’onanisent au spectacle des bassesses, n’ont jamais su comprendre - c’est ce qui fait de l’athéisme un perpétuel malentendu, pour ne pas dire une faute de goût - que la fange n’est visible qu’à celui dont l’âme occupe une position de surplomb. Le spectacle de la misère n’apparaît qu’à l’âme baignée d’antéprédicative grandeur. Celui qui ne garde de ce binôme que la misère en est amoureux ou y réalise ses ambitions. Céline ne fut évidemment ni un cacophile ni un vaniteux : il aimait une finesse supérieure dont il constatait la disparition, il aimait « ces filigranes de joliesse ... que personne maintenant ne comprend plus ! », il fuyait les partis, les coteries, il n’avait aucune ambition littéraire mais une préoccupation supérieure. Et, en ce qui n’est pas la marque d’une quelconque coquetterie mais le témoignage de cet humour en qui se loge cette préoccupation supérieure, il affirmait écrire pour se nourrir. « N’allez point m’estimer jaloux ! Ce serait ma
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Il était minuit quand Zarathoustra se mit en chemin par-dessus la crête et de l’île pour arriver le matin de très bonne heure à l’autre rive : car c’est là qu’il voulait s’embarquer. Il y avait sur cette rive une bonne rade où des vaisseaux étrangers aimaient à jeter l’ancre ; ils emmenaient avec eux quelques-uns d’entre ceux des Îles Bienheureuses qui voulaient passer la mer. Zarathoustra, tout en montant la montagne, songea en route aux nombreux voyages solitaires qu’il avait accomplis depuis sa jeunesse, et combien de montagnes, de crêtes et de sommets il avait déjà gravis.


Je suis un voyageur et un grimpeur de montagnes, dit-il à son cœur, je n’aime pas les plaines et il me semble que je ne puis pas rester tranquille longtemps.

Et quelle que soit ma destinée, quel que soit l’événement qui m’arrive, — ce sera toujours pour moi un voyage ou une ascension : on finit par ne plus vivre que ce que l’on a en soi.

Les temps sont passés où je pouvais m’attendre aux événements du hasard, et que m’adviendrait-il encore qui ne m’appartienne déjà ?

Il ne fait que me revenir, il est enfin de retour — mon propre moi, et voici toutes les parties de lui-même qui furent longtemps à l’étranger et dispersées parmi toutes les choses et tous les hasards.

Et je sais une chose encore : je suis maintenant devant mon dernier sommet et devant ce qui m’a été épargné le plus longtemps. Hélas ! il faut que je suive mon chemin le plus difficile ! Hélas ! j’ai commencé mon plus solitaire voyage !

Mais celui qui est de mon espèce n’échappe pas à une pareille heure, l’heure qui lui dit : « C’est maintenant seulement que tu suis ton chemin de la grandeur ! Le sommet et l’abîme se sont maintenant confondus !

Tu suis ton chemin de la grandeur : maintenant ce qui jusqu’à présent était ton dernier danger est devenu ton dernier asile !

Tu suis ton chemin de la grandeur : il faut maintenant que ce soit ton meilleur courage de n’avoir plus de chemins derrière toi !

Tu suis ton chemin de la grandeur : ici personne ne se glissera à ta suite ! Tes pas eux-mêmes ont effacé ton chemin derrière toi, et au-dessus de ton chemin il est écrit : Impossibilité.

Et si dorénavant toutes les échelles te manquent, il faudra que tu saches grimper sur ta propre tête : comment voudrais-tu faire autrement pour monter plus haut ?

Sur ta propre tête et au delà, par-dessus ton propre cœur ! Maintenant ta chose la plus douce va devenir la plus dure.

Chez celui qui s’est toujours beaucoup ménagé, l’excès de ménagement finit par devenir une maladie. Béni soit ce qui rend dur ! Je ne vante pas le pays où coulent le beurre et le miel !

Pour voir beaucoup de choses il faut apprendre à voir loin de soi : — cette dureté est nécessaire pour tous ceux qui gravissent les montagnes.

Mais celui qui cherche la connaissance avec des yeux indiscrets, comment saurait-il voir autre chose que les idées de premier plan !

Mais toi, ô Zarathoustra ! tu voulais apercevoir toutes les raisons et l’arrière-plan des choses : il te faut donc passer sur toi-même pour monter — au delà, plus haut, jusqu’à ce que tes étoiles elles-mêmes soient au-dessous de toi !

Oui ! Regarder en bas sur moi-même et sur mes étoiles : ceci seul serait pour moi le sommet, ceci demeure pour moi le dernier sommet à gravir ! —



Ainsi se parlait à lui-même Zarathoustra, tandis qu’il montait, consolant son cœur avec de dures maximes : car il avait le cœur plus blessé que jamais. Et lorsqu’il arriva sur la hauteur de la crête, il vit l’autre mer qui était étendue devant lui : alors il demeura immobile et il garda longtemps le silence. Mais à cette hauteur la nuit était froide et claire et étoilée.

Je reconnais mon sort, dit-il enfin avec tristesse. Allons ! je suis prêt. Ma dernière solitude vient de commencer.

Ah ! mer triste et noire au-dessous de moi ! Ah ! sombre et nocturne mécontentement ! Ah ! destinée, océan ! C’est vers vous qu’il faut que je descende !

Je suis devant ma plus haute montagne et devant mon plus long voyage : c’est pourquoi il faut que je descende plus bas que je ne suis jamais monté :

— plus bas dans la douleur que je ne suis jamais descendu, jusque dans l’onde la plus noire de douleur ! Ainsi le veut ma destinée : Eh bien ! Je suis prêt.

D’où viennent les plus hautes montagnes ? c’est que j’ai demandé jadis. Alors, j’ai appris qu’elles viennent de la mer.

Ce témoignage est écrit dans leurs rochers et dans les pics de leurs sommets. C’est du plus bas que le plus haut doit atteindre son sommet. —



Ainsi parlait Zarathoustra au sommet de la montagne où il faisait froid ; mais lorsqu’il arriva près de la mer et qu’il finit par être seul parmi les récifs, il se sentit fatigué de sa route et plus que jamais rempli de désir.

Tout dort encore maintenant, dit-il ; la mer aussi est endormie. Son œil regarde vers moi, étrange et somnolent.

Mais son haleine est chaude, je le sens. Et je sens aussi qu’elle rêve. Elle s’agite, en rêvant, sur de durs coussins.

Écoute ! Écoute ! Comme les mauvais souvenirs lui font pousser des gémissements ! ou bien sont-ce de mauvais présages ?

Hélas ! je suis triste avec toi, monstre obscur, et je m’en veux à moi-même à cause de toi.

Hélas ! pourquoi ma main n’a-t-elle pas assez de force ! Que j’aimerais vraiment te délivrer des mauvais rêves ! —

Tandis que Zarathoustra parlait ainsi, il se mit à rire sur lui-même avec mélancolie et amertume. Comment ! Zarathoustra ! dit-il, tu veux encore chanter des consolations à la mer ?

Hélas ! Zarathoustra, fou riche d’amour, ivre de confiance ? Mais tu fus toujours ainsi : tu t’es toujours approché familièrement de toutes les choses terribles.

Tu voulais caresser tous les monstres. Le souffle d’une chaude haleine, un peu de souple fourrure aux pattes — : et immédiatement tu étais prêt à aimer et à attirer à toi.

L’amour est le danger du plus solitaire ; l’amour de toute chose pourvu qu’elle soit vivante ! Elles prêtent vraiment à rire, ma folie et ma modestie dans l’amour ! —

Ainsi parlait Zarathoustra et il se mit à rire une seconde fois : mais alors il pensa à ses amis abandonnés, et, comme si, dans ses pensées, il avait péché contre eux, il fut fâché contre lui-même à cause de sa pensée. Et aussitôt il advint que tout en riant il se mit à pleurer : — Zarathoustra pleura amèrement de colère et de désir.
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Le Chemin de Nietzsche à Eze et autres promenades

À Nice, en octobre, il fait (faisait) froid. Le 23 novembre, M.N. note :

« Je suis assis ce matin, pour la première fois dans une pièce chauffée. »

Puis :

« Je me promène une heure le matin, trois heures l’après-midi, à pas vifs - le même chemin jour après jour : il est assez beau pour cela. »

Quatre heures de marche par jour, voilà comment ça s’écrit : à pas vifs, toujours le même chemin et jamais le même. Éternel retour du chemin.

« Après le dîner, au salon, jusqu’à 9 heures, je suis assis à une table, sous l’abat-jour de ma lampe, avec des Anglais et des Anglaises pour compagnie presque exclusive. »

Les Anglais et les Anglaises parlent distinctement et font peu de bruit, contrairement aux Américains et surtout aux Américaines, ces sourds et ces sourdes. J’ai failli, plusieurs fois, à Venise, en étrangler cinq ou six.

Le chemin de Nietzsche est un sentier qui relie le village d’Èze au sommet de sa colline à 400 mètres d’altitude environ jusqu’à Èze-sur-Mer sur la Méditerranée.



Il est de difficulté moyenne. Avec de nombreuses marches assez hautes au départ, près du village d’Èze qui le rendent impraticable en VTT. Une fois quitté Èze et avant d’arriver à Èze-sur-mer, il serpente en pleine nature.



Friedrich Nietzsche arriva sur la Côte d’Azur en 1883 et s’installa à Nice. À cette époque, son moral était au plus bas. Ses livres se vendaient mal, il venait de se brouiller avec Richard Wagner et de se faire éconduire par Lou Andreas-Salomé. Sur la Côte d’Azur, il retrouva l’émotion créatrice nécessaire pour écrire

Comme de nombreux écrivains, il avait besoin de marcher pour créer : "L’agilité des muscles fut toujours la plus grande chez moi lorsque la puissance créatrice était la plus forte. Le corps est enthousiasmé … Je pouvais alors, sans avoir la notion de fatigue, être en route dans les montagnes pendant sept ou huit heures de suite. Je dormais bien, je riais beaucoup. J’étais dans un parfait état de vigueur et de patience"

Il y conçut la troisième partie de son oeuvre Ainsi parlait Zarathoustra . « L’hiver suivant, sous le ciel alcyonien de Nice qui, pour la première fois rayonna alors dans ma vie, j’ai trouvé le troisième Zarathoustra - et j’avais ainsi terminé. (...) Cette partie décisive qui porte le titre : « Des vieilles et des nouvelles Tables » fut composée pendant une montée des plus pénibles de la gare au merveilleux village maure Eza, bâti au milieu des rochers »

Nietzsche revint chaque année sur la Riviera jusqu’en 1888.
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