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Critiques de Nawal El Saadawi (21)
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Ferdaous, une voix en enfer

Une condamnée à mort raconte son histoire, plutôt sa tragédie . Elle se prénomme Ferdaous, "le paradis" et elle a eu tort de tenir tête aux hommes après des années de souffrance et d'humiliation.

Qu'ils sont beaux ces régimes , ici l'Égyptien dans les années 70, qui accordent aux femmes à peu près autant de droit que n'en ont les animaux dans les cirques .



Qu'il est beau, sans ironie cette fois, ce texte , cette rébellion , après des années de soumission, de tabassage , d'esclavage.



Ce livre est un cri pour toutes les femmes opprimées, un vrai cri de révolte.

La construction de l'histoire est d'autant plus poignante que le parcours de Ferdaous a été plein de mirages , symbolisés par des êtres humains (mais pas trop) à l'apparence aimables mais usant systématiquement de la condition féminine mais aussi de la naïveté de Ferdaous pour exploiter l'âme et le corps.

Son seul répit...la prostitution indépendante qui va lui offrir le modeste droit de refuser, de se refuser.

Un livre choc , traduit et préfacé par Assia Djebar, de l'académie française.
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Ferdaous, une voix en enfer

Un fort lointain souvenir de lecture d'un texte puissant, secouant, publié initialement par les éditions des Femmes, en 1977...J'en ai retrouvé une réimpression à la Librairie Mémoire7 [Clamart], que j'ai relue en une nuit...



Toutefois... la chronique n'est pas aisée...tant la révolte et l'émotion nous prennent à la gorge au fil du récit.



L'auteure, médecin psychiatre se rend dans une prison de femmes, au Caire...pour étudier les personnalités des détenues...Elle se sent attirée et fascinée par une prisonnière différente et mutique, Ferdaous ...





"Ferdaous en langue arabe signifie "paradis", et c'est donc une femme prénommée Paradis qui, la veille d'être pendue pour avoir tué un homme, interpelle, d'une "voix en enfer", toutes les femmes d'une société où l'oppression sexuelle séculaire commence à peine à être dite de l'intérieur.

Etapes successives de la vie de Ferdaous, devenue prostituée par révolte,après avoir traversé les cercles d'une exploitation implacable: son enfance en Haute-Egypte où le père, écrasé de misère, épargne sa vache mais non sa femme, ni sa fille; son adolescence au Caire où l'oncle, professeur, refuse de l'envoyer à l'université "où il y a des hommes" et la marie de

force à un vieillard. Femme battue, Ferdaous choisit la rue (...)

(p. 9)[Préface d'Assia Djebar, mai 1981]



L'auteure est intriguée par cette femme," meurtrière par défi"... souhaite la rencontrer, mais dans un premier temps, elle essuiera un refus catégorique; Ensuite, peu avant de subir sa condamnation à mort, Ferdaous accepte de raconter son lourd parcours, dans une société où une vache est mieux traitée qu'une épouse ou une fille, où ces dernières comptent pour rien....



L'auteure, par un style original (où des passages au lyrisme confirmé, très semblables reviennent régulièrement comme une sorte de psalmodie... qui nous berce comme le flux, le reflux de la mer...) met en avant le courage, la lucidité infinis de cette femme, éprouvée par une société archaïque, aux traditions oppressantes pour les femmes, sans omettre le machisme sans limite des hommes....maris, pères, frères, etc.



L'itinéraire acharné d'une femme qui souhaite trouver sa place, ainsi que dignité et indépendance...mais après avoir été rudoyée, violentée par les hommes de son entourage et les autres...elle retourne malgré elle à la prostitution...Je transcris un des passages les plus déchirants de ce récit , d'une femme qui a cru en l'amour d'un homme en qui elle avait mis toute sa confiance...





"Peut-être aussi parce que la vie d'une prostituée, c'est la rue et là, jen'attendais rien de lui.

Mais dans l'amour j'avais attendu quelque chose; dans l'amour, j'avais commencé à rêver que j'étais enfin devenue une personne. Quand j'étais prostituée, je ne donnais rien pour rien; mais dans l'amour, j'ai donné mon corps, mon esprit, mes forces pour rien. J'ai tout dépensé pour

l'amour. J'ai livré mon être sans armes et sans défense. Prostituée, je me tenais toujours sur la défensive, toujours l'esprit éveillé. Je protégeais mon être en soustrayant ma personne profonde et je livrais à l'homme un corps vide et insensible. C'était cela me défendre moi-même: m'abandonner , tout en me dérobant.



(...) Prostituée, j'économisais mon énergie, alors que dans l'amour, combien ai-je donné de mon être ! (...)

Je ne voulais rien d'autre qu'être ravie par l'amour et devenir ainsi moi-même, cette femme respectée que les autres ne méprisent plus. (p. 136-137)





On ne sort pas indemne de cette lecture qui exprime si fort les

violences insupportables faites aux femmes sous toutes les

latitudes... Tant que des hommes traiteront sans respect leurs

femmes, la planète débordera de guerres et de conflits...multiples.



"Je me sentais étrangère à ce monde et tout de ce monde m'était étranger: cette terre, ce ciel, ces arbres. C'était comme si je déambulais dans un monde irréel, sans que je lui appartienne, sans qu'il m'appartienne...

Faire ce que l'on veut et ne pas faire ce que l'on ne veut pas !

Liberté de n'appartenir à personne, volupté de se détacher de

l'univers ! Se sentir une femme indépendante, parmi d'autres êtres indépendants ! Ne subir le pouvoir d'aucun homme et ne se plier ni aux lois du mariage, ni à celles de l'amour ! Vivre en dehors du temps, en dehors des lois, en dehors même de l'existence ! (p. 138)
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Ferdaous, une voix en enfer

Quand on est un homme, il n'est pas facile de lire ce livre. Mais cela vaut la peine de s'y confronter. Je ne lis pas seulement pour me distraire au coin du feu.



C'est un témoignage coup de poing sur la condition des femmes en Égypte dans les années septante. Nawal El Saadawi insiste pour rencontrer une condamnée à mort en prison. C'est Ferdaous, dont le nom signifie 'paradis'. Ferdaous refuse jusqu'au jour même de son exécution, puis accepte. Nawal El Saadawi recueille son témoignage. Ferdaous est exécutée aussitôt après.

Le parcours de Ferdaous dénonce sans détour l'enfermement des femmes égyptiennes, même après la révolution nassérienne. Non plus un enfermement physique, comme ce que l'on lit chez Naguib Mahfouz, mais la vie dans une société qui empêche les femmes d'assumer une existence indépendante. De ce point de vue toutes les portes sont fermées. Ferdaous trouvera une liberté temporaire dans la prostitution. Mais là aussi elle est contrainte de se soumettre, sauf à payer le prix le plus élevé.

Heureusement, en Belgique et en France nous ne sommes plus dans une société de ce type. Mais tout de même, par analogie, certains préjugés et réflexes masculins restent tenaces et, si l'on est sincère, on est un peu effrayé de les découvrir en soi.

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Ferdaous, une voix en enfer

Un petit roman: 132 pages,lu,je devrai dire,dévoré en deux heures.

Elle s'appelle Ferdaous,en langue arabe ,cela signifie : paradis,mais mon Dieu,sa vie fut un enfer!

L'auteure ,psychiatre doit se rendre à la prison Des Ponts ,où elle fait une étude sur la personnalité des détenues, accusées de délits divers.Parmi elles,une femme qui dans quelques jours va être pendue pour l'assassinat d'un homme.

Nawal, insiste pour la rencontrer,mais à chaque fois elle " essuie" un refus et un jour ,prête à remonter dans sa voiture,sur le parking de la prison ,elle entend la gardienne qui tout en courant,toute essoufflée, lui crie:"Docteur,docteur, Ferdaous à accepté de vous voir."

Précipitamment, elle arrive dans la cellule où le regard de Ferdaous la transperce:" Des yeux meurtriers, tel un couteau s'enfonçant profond".

Aucun meuble dans la cellule et c'est assise par terre que l'auteur va écouter sans l'interrompre ,la confession de Ferdaous....

Une lecture en apnée,qui vous laisse un goût amer dans la bouche et les larmes au bord des paupières,je n'en ressors pas indemne! .

L'auteur a fait de sa vie,un combat contre le patriarcat et les violences machistes ,qui lui ont valu pendant un temps, un exil aux États Unis ,où elle sera consultante pour L'ONU..De retour au Caire,elle s'éteindra à presque 90 ans sans jamais avoir cesser de lutter.

Témoignage très dur et très fort ,à recommander.⭐⭐⭐⭐⭐
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Ferdaous, une voix en enfer

Nawal El Saadawi, Ferdaous une voix en enfer, des femmes /Antoinette Fouque, 2007







Nawal El Saadawi est médecin en Egypte. Elle est née en 1931 près du caire. Elle est connue dans le monde entier pour son engagement dans la lutte pour les droits et les libertés des femmes arabes. En 1972, elle est révoquée de son poste au ministère pour avoir publié Les femmes et le sexe, qui traite de sexualité, de religion et du traumatisme de l’excision– autant de sujets tabous dans le pays. Sa mère, musulmane traditionaliste, insiste pour que sa fille soit excisée à l’âge de six ans. Health est interdit et les livres de Nawal El Saadawi sont censurés. Elle est emprisonnée en 1981 pour s'être opposée à la loi du parti unique sous Anouar el-Sadate Elle a publié en janvier 2007 une pièce de théâtre en arabe intitulée Dieu démissionne à la réunion au sommet. Jugé blasphématoire par l’université islamique du Caire, ce livre a été retiré de la vente avant même l'ouverture du procès qui lui est intenté.



Après son roman La Chute de l’iman, en 1987, publié au Caire, elle a commencé à recevoir des menaces de la part de groupes fondamentalistes. En 1993, elle est jugée pour hérésie et condamnée à mort. ( source wikipédia)



En 1982, elle a reçu en France le prix de l’amitié franco-arabe pour la première édition de ce livre aux éditions Des femmes-Antoinette Fouque.



Elle a écrit une quarantaine de livres essais et fictions confondus. (Toutes ces informations ont été vérifiées et recoupées avec le site de l’auteur en anglais).



Site de l'auteur en anglais







Ferdaous une voix en enfer évoque la rencontre entre une doctoresse psychologue et une prisonnière « Ferdaous » accusée d’avoir tué un homme et condamnée à être pendue le lendemain. Ce livre est le récit de la confession de Ferdaous, et l’explication de son geste qui s’enracine bien au-delà d’elle, dans les coutumes, les interdits et la violence faite aux femmes dans son pays. Elle raconte son enfance en Haute-Egypte, dans une famille écrasée par la misère, où le père bat sa femme, mange le premier quand ses enfants ont faim et règne en despote. Il raconte l’excision aussi, ce bout ce chair et de plaisir qui s’envolent à jamais, plaisir qu’elle avait découvert dans des jeux d’enfant, et dont elle se souviendra toute sa courte vie comme d’un paradis perdu : « J’ai eu l’impression que ce plaisir existait extérieur à mon être, comme s’il avait surgi avec moi mais que, tandis que je grandissais, lui ne grandissait pas. ». Les hommes instruits ne sont guère plus cléments ; l’oncle abuse sexuellement de sa nièce et refuse de l’envoyer à l’université car il y a des hommes. Le premier homme qui l’écoute et lui apporte de l’aide n’est qu’un proxénète. Il n’y a pas d’issue. Il n’y a pas d’amour. Chacun est pris , les femmes comprises, dans les rets d’une tradition séculaire , prisonniers de structures mentales extrêmement rigides, et de lois qui contraignent les femmes

(Pour lire la suite, cliquez sur le lien)
Lien : http://www.litterama.fr/arti..
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La femme et le sexe

Le droit d’atteindre l’orgasme ne peut-être réservé aux seuls hommes



En absence d’indication de date, je suppose qu’il s’agit de la réédition du livre paru en 1969, révisé car il comporte des mentions sur les années 1970 et 1981.



Ce livre est partiellement daté, les recherches scientifiques plus récentes permettraient de modifier certaines formulations. Les analyses restent marquées par une certaine naturalisation (références nombreuses à la nature) et réductionnisme économiciste. L’homosexualité est abordée comme une « inversion des sexes », la masturbation comme une étape juvénile ou adolescente, les régimes bureaucratiques des ex-pays de l’Est de l’Europe sont présentés comme « socialistes »…



Mais là n’est pas l’essentiel. En effet, la mise à nu des mauvaises connaissances des organes sexuels féminins, (les individu·es effaré·es « par la connaissance comme la lumière qui éblouit les yeux habitués à l’obscurité »), l’engagement envers les femmes opprimées, les analyses de ce que nous nommons aujourd’hui rapports sociaux de sexe ou système de genre, l’exposition des fonctionnements du système patriarcal en Egypte, la force subversive des propos de cette autrice féministe restent d’une grande actualité.



Dans son court préambule, Abdelhamid Drissi Messouak écrit : « J’ai l’impression d’écouter la voix d’une femme se lamenter, gémir face à la toute-puissance, à l’omnipotence, à la prétendue omniscience d’un mâle en quête d’une proie facile, à la recherche d’un objet de jouissance soumis, d’une esclave subissant les ordres implacables et insatiables d’un homme qui ne pense qu’à éjaculer, sans prendre en compte la personnalité et la dignité de cette malheureuse, non seulement opprimée mais aussi réduite à l’état animal ». Il parle aussi du régime patriarcal dans lequel la femme mariée est « confinée dans un rôle subalterne et ne pouvant servir qu’à le satisfaire sur le double plan, érotique et des travaux ménagers », de Nawal El Saadawi qui a eu le courage « de dénoncer non seulement le système patriarcal mais aussi tout ce qui dans la religion rabaisse la femme et la prive de ses droits les plus élémentaires ».



D’abord, la mémoire d’une femme médecin et d’une jeune fille au « regard craintif et bizarre », accompagnée d’un homme, son mari, qui se plaint « j’ai découvert qu’elle n’était pas vierge »… Un hymen intact car élastique, une femme répudiée, un père et la responsabilité dite ouvertement « Vous, son mari et sa famille »… Ce n’est pas un sujet propre à la médecine, « il est aussi d’essence sociale, économique et morale ».



Nawal El Saadawi parle des conditions sociales qui contraignent les femmes à n’être que des corps, de l’ignorance de la constitution et du fonctionnement du corps, des organes « arrachés du corps de la femme, surtout les organes génitaux sensibles au plaisir sexuel », du clitoris « ignoré, méconnu et négligé », le clitoris qui n’est pas un appendice mais « un organe essentiel, au moyen duquel la femme connait le plaisir sexuel », de la jouissance et de l’orgasme, de la respectabilité et de la frigidité…



L’autrice discute du concept de virginité, des réalités de l’hymen (« ne joue aucun rôle physiologique ou biologique »), des différences corporelles, d’un « critère de l’honneur » construit sur une membrane fine, de la double morale appliquée aux femmes et aux hommes, « Les critères moraux définis par la société doivent s’appliquer à tous les individus, abstraction faite du sexe, de la couleur de la peau et de la classe sociale », des agressions et des accidents auxquels sont exposées les fillettes, du silence et du secret, de la grossesse et de l’accouchement comme contraintes…



Nawal El Saadawi analyse les constructions sociales (même si elle n’use pas de ce type de vocabulaire) des filles, les intimidations envers la découverte de leurs organes génitaux et de leur contact, le désir sexuel et son intensité, l’épanouissement possible, « la société reconnaît le droit à la jouissance pour le garçon, elle le nie chez la fille », la découverte des règles sans aucune information préalable, « sang impur ! », Elle critique avec vigueur les théorisations simpliste et sexistes de Sigmund Freud sur la sexualité des femmes.



Elle souligne les effets de l’éducation et de l’inhibition, les contraintes subies par les femmes, la crainte du sexe et l’imposition de la chasteté, « la défiguration du corps de la femmes et de son psychisme au nom de la chasteté », la « prison du concept étriqué de beauté », le centrage de la société sur la procréation et son contrôle, la dépersonnalisation des femmes… et leurs luttes « contre cette mort lente ».



« cette discrimination sexiste est artificielle, une invention de la société, et change en fonction de l’espace, du temps et du régime politique ». Nawal El Saadawi parle, entre autres, de biologie, d’anatomie, de physiologie, de corps en propre, « il est impossible pour une société juste de faire la distinction entre les personnes dans leurs droits et leurs devoirs en raison d’une quelconque différence physiologique ou biologique relative à l’un de leurs organes », du fantasme de la réduction des femmes à leurs utérus et des hommes à leurs testicules, de propagande de la supériorité des hommes sur les femmes inventée par les hommes eux-mêmes, des conditions sociales, des moyens contraceptifs, des enfants, « L’enfant ne choisit pas son père et sa mère qui lui sont imposés », du mariage comme commerce, de relation de maitre à esclave, de castration et d’amputation, de mutilations, de frustration, de famille et de civilisation, de religion, d’amour (« L’amour ne peut avoir pour base une relation où domine l’exploitation ou le besoin de protection, quelle qu’elle soit ») et de responsabilité de ses actes…



L’autrice développe des arguments forts autour de la capacité humaine à choisir librement, de l’autonomie des unes et des autres, de la liberté, des luttes « les sociétés capitalistes, à travers le monde, ne cèdent rien sans une lutte », du développement individuel, « l’essentiel est que chaque enfant, qu’il soit un garçon ou une fille, doit bénéficier de toutes les occasions qui feront émerger son talent ou sa force dans tous les domaines », de la mixité…



Le titre de cette note est inspiré d’une phrase de l’autrice



Un livre puissant sur la construction de la domination des femmes par les hommes, un hymne universaliste et féministe pour l’égalité et la liberté. La voix d’une féministe dans le « monde arabo-musulman »…
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Ferdaous, une voix en enfer

J’ai fermé les yeux et je me suis détachée de mon corps



« Une voix d’abord – ici, une voix « en enfer » d’une femme prénommée Paradis -, un murmure nocturne, un lamento à travers les claies de la pénombre et qui trouve naissance dans l’ancrage soudain éclairci d’un intérieur privé de ciel. Une blessure aux rets trop anciens, ouverte enfin pour, peu à peu, assumer son chant. Et la révolte se développe à la recherche de mots neufs, du timbre rauque, incongru, de l’imprécation en huis clos, et la révolté s’enroule ici du rythme circulaire et récurrent de son dit… ». Extrait de la préface d’Assia Djebar.



La préfacière parle, entre autres, d’« un personnage de femme révoltée », de corps de femmes, « Corps et formes nouvelles restituant une tessiture plus sombre, plus profonde aux voix de nouveau plus hautes », d’oppression sexuelle séculaire, de fiction ancrée « dans les drames sociaux et sexuels d’une réalité arabe contemporaine », de corps très tôt mutilé, de corps excisé, « Corps qui amorce le trajet de sa dérive, ce corps qui va cogner progressivement contre les autres, les multiples, les innombrables corps masculins. De l’excision à la prostitution », d’une main hypocrite sur la jambe d’une enfant, de respect et de non-respect, de la rue et des échanges monétaires, des regards des hommes se saisissant du corps des femmes, des chapes multiples de l’oppression intériorisée… « L’unique endroit où pourra se transmettre la parole de femme à femme sera une cellule aux portes et fenêtres fermées et qui ne s’ouvrira que pour et sur la mort ».



La prison des Ponts, Nawal El Saadawi, une criminelle différente refusant les visites, Ferdaous devant être exécutée dans dix jours, le refus puis l’acceptation, « Deux yeux meurtriers, tels un couteau s’enfonçant profond »



Une voix de femme, « Laissez-moi parler, et ne m’interrompez pas car je n’ai pas le temps de vous écouter ». L’enfance à la campagne, le couteau ou le rasoir, « celle-ci m’a coupé un bout de chair entre les cuisses », la main de son oncle maternel, l’espérance du Caire, les yeux de la mère, « Je me sentais un caillou lancé dans une mer sans rivage et sans fond »…



La langue franche, les mots sourds pour dire la violence des relations, les enfants qui naissent et qui meurent, les pieds du père… et les lettres de l’alphabet puis l’inscription à l’école obligatoire…



Après la mort du père puis de la mère. L’oncle et le Caire, l’image de soi dans un miroir, l’école et le certificat d’études, les sensations, « comme un vieux plaisir perdu », le lycée, « j’apprenais des sciences toutes neuves », les doigts sur son corps, l’amour de la lecture, ceux qui trompent dieu et les hommes, une rencontre, « mes lèvres s’entrouvraient pour dire quelque chose dont j’allais me souvenir »…



La première évasion, le mariage et la deuxième évasion, « Il venait de dépasser la soixante et je n’avais pas atteint mes dix-neuf ans », la main moite d’un affamé sur sa peau dont il faut essayer d’enlever la trace, « je me lavais le visage, je me lavais la bouche, je me lavais bras et jambes, je lavais mon corps tout entier sans oublier. Je me lavais à l’eau et au savon plusieurs fois », la violence au nom d’une « autorisation » religieuse de corriger sa femme, un corps sur le sien, « je l’ai abandonné sans résistance, sans mouvement, sans vie », une autre rencontre, « Jamais dans ma vie passée quelqu’un ne m’avait préférée à lui-même », de nouveau la violence, « il me brutalisait et s’affalait sur moi », des mots et des coups, « Tu lèves ta voix plus haut que la mienne, fille des rues ! », le corps inerte « tel un morceau de bois, une chaussette de coton, une chaussure », la rue comme refuge…



Chérifa, une nouvelle évasion, une rue inconnue, « J’y plongeais sans me mouiller, sans m’engloutir », l’importance de savoir vivre, les hommes et le corps des femmes, « le regard des mâles qui empiètent sans rien redouter », de nouveau dans la rue, un autre regard comme une première fois, ce qui est interdit et ce qui est licite, « Plus jamais je n’ai détourné les yeux, plus jamais je n’ai baissé la tête.Je me suis mise à marcher dans la tue tête haute, yeux levés, et je regardais les gens bien en face. Quand quelqu’un comptait ses billets, moi, je regardais l’argent sans écarter le regard », prostituée indépendante, disposer de soi-même, garder des espaces réservés, « Je ne faisais entrer personne dans ma bibliothèque ; c’était une pièce pour moi toute seule », des lèvres et un crachat, « L’insulte me parvenait à l’oreille, froide et visqueuse », les regards impudiques, les coups d’oeil ironiques et méprisants, « Enfin, j’ai compris que je n’étais pas respectée »…



Le travail de bureau, une respectabilité plus grande, les formes différentes de la prostitution, les autres ventes de soi, l’espace parenthèse de l’amour, un comité révolutionnaire, les lunettes noires et le soleil caché, se soustraire et livrer un corps vide et insensible, ne pas être une femme « vertueuse mais dupe », la haine, le patriotisme et l’honneur, l’honneur et la dignité, les mots hypocrites des hommes, les ordres et les refus, la prostitution « mon métier est une invention des hommes », les traces laissées sur le corps par le premier homme, le proxénète, la police et la loi, « la justice punit les femmes et ferme les yeux quand il s’agit des hommes », les menaces et la violence, « Mais ma main a été plus rapide que la sienne : j’ai planté la lame dans sa gorge », les billets de banque déchirés, la destruction de « la dernière empreinte du sou de chacun d’eux laissés sur mes doigts »…



La force de la littérature, la vérité dangereuse et sauvage, le rythme des phrases et le poids des mots pour raconter l’enfer des femmes, « Je n’étais rien d’autre qu’un corps qui travaillait nuit et jour pour enrichir quelques hommes de quelques professions différentes », leurs résistances, leurs êtres debout, « ma liberté les emplit de colère » et leurs yeux levés, « ils m’ont condamnée à mort parce qu’ils ont peur que je vive ».
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Ferdaous, une voix en enfer

Ferdaous, une voix en enfer.

Récit à la première personne dans sa partie centrale d'une femme, emprisonnée et condamnée à mort pour meurtre, elle qui toute sa vie, entre subir le patriarcat et la domination de la société égyptienne de son temps, et la liberté, aura toujours choisi cette dernière, même au prix d'une vie de réprouvée, puisque Ferdaous se prostitue.



Une voix en enfer, mais surtout une voix puissante. Celle de Nawal El Saadawi qui, par ce court récit, par ses mots, ses lignes ô combien percutantes, parfois dérangeantes, nous livre un plaidoyer d'une force rare sur l'émancipation des femmes dans un univers marqué par la domination sans partage des hommes, acceptée souvent sans conditions par nombre de femmes.



Ce ne sera pas le cas de Ferdaous.

Qui fait le choix de la liberté, au prix de sa vie.



Une voix puissante.
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Ferdaous, une voix en enfer

nawel saadaoui expose la mal vie des femmes egyptiennes les vexations humiliation au nom....
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Combien de coeurs: Mémoires d'une femme docte..

Un livre fort, dont le texte date des années 70, qui nous dépeint la vie d'une femme en quête de libertés en Égypte. La narratrice nous entraîne dans son monde, nous fait prendre conscience des sacrifices qu'elle doit faire pour parvenir à son autonomie, tant professionnelle que dans sa vie sociale. L'auteure arrive à transmettre à travers ses mots la réalité d'une époque, les difficultés d'être une femme qui casse les codes et les barrières que sa condition de genre a voulu lui assigner.



Un livre finalement très moderne, dont le cœur est encore d'actualité, avec la nécessité pour les femmes de briser des plafonds de verre, des murs, des assignations... Je le recommande chaudement.



L'édition est d'une grande qualité, ainsi que l'illustration, réalisée par les éditions les Prouesses.
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Ferdaous, une voix en enfer

Écrit en 1977, traduit et paru en France aux éditions Des femmes-Antoinette Fouque en 1981, c'est une idée lumineuse que de le rééditer en poche en ce moment. Nawal El Saadawi (1931-2021) fut sage-femme puis psychiatre et autrice d'une œuvre dénonçant les violences faites aux femmes. Elle fut censurée, menacée de mort, recueillit le témoignage de Ferdaous juste avant sa pendaison et publia son livre juste après ce qui lui valut pas mal d'embêtements.



C'est un texte court et d'une force incroyable. Il alterne les passages difficiles, violents que subit Ferdaous "Il m'a frappée une fois avec le talon d'une chaussure, jusqu'à me faire enfler le visage et le corps. J'ai quitté sa maison, j'ai fui chez mon oncle. Mais mon oncle m'a dit que tous les maris battent leurs épouses." (p.64) avec des envolées plus lyriques sur les couleurs, les paysages, les rencontres amoureuses de Ferdaous lorsque les regards se croisent "J'ai vu devant moi deux cercles d'un blanc vif au milieu desquels deux cercles d'un noir intense me regardaient. Et à chaque fois que je les fixais, leur blanc s'intensifiait, leur noir s'avivait comme si la lumière les inondait, jaillie d'une source magique inconnue qui ne se trouverait ni sur terre, ni dans le ciel." (p.102)



Le récit est tellement stupéfiant qu'on peine à croire qu'une femme ait pu traverser toutes ces épreuves, qu'on peine surtout à comprendre comment des hommes peuvent faire subir tout cela à une femme. Et ils sont solidaires entre eux, pas un ne défendra Ferdaous. Pas un ne dira ou ne fera le contraire d'un autre homme. C'est absolument terrible et l'on avance dans la lecture en sidération, ne voulant pour Ferdaous que la sortie de l'enfer, elle qui préfère la prostitution à toutes les vies qu'elle a menées : "La vérité était que je préférais être une prostituée plutôt qu'une femme vertueuse mais dupe. Toutes les femmes sont dupes. Les hommes t'infligent la trahison, puis ils te punissent parce que tu es trahie. Les hommes te forcent à descendre aux abîmes, puis ils te punissent parce que tu te trouves au fond des abîmes. Les hommes te contraignent au mariage, puis ils te punissent par des coups, des insultes et la corvée quotidienne." (p.111)



Cette sortie en poche est une occasion formidable de lire et/ou relire ce livre, de l'offrir, de le diffuser aux femmes, aux hommes. On dit parfois facilement qu'on ne sort pas d'une lecture indemne, j'avoue que je trouve cette formule souvent exagérée et n'en use jamais, mais une fois n'est pas coutume et c'est ici la formule idoine à ce récit
Lien : http://www.lyvres.fr/
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Ferdaous, une voix en enfer

Un livre à la fois terrible et poétique. L'auteure est une femme engagée contre toute forme de patriarcat.

Vous pouvez lire un entretien avec elle dans "Femmes dissidentes au Moyen-Orient" de Christiane Passevant aux éditions libertaires, 2015, 9782919568536,

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Combien de coeurs: Mémoires d'une femme docte..

L’autrice s’attaque à tous les sujets : en plus de cette division entre la vie de petit garçon et la vie de petite fille, elle dénonce l’injonction au mariage, la violence d’une société faite par et pour les hommes. Elle explore le corps, l’âme, le coeur d’une jeune femme pour en exposer la force et la beauté.
Lien : https://actualitte.com/artic..
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Ferdaous, une voix en enfer

Une lecture reflete le chagrin de la femme dans le systèmes patriarcat
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Ferdaous, une voix en enfer

Comment trouver les mots pour parler de ce livre... du destin de cette femme si forte et bouleversante, que la vie n'a jusqu'au dernier souffle pas épargné. J'ai le cœur retourné et je me sens toute petite devant le témoignage de Ferdaous, qui est comme le dit l'autrice, " bien plus courageuse que moi ". Bien plus courageuse que nous tous.

La construction du texte avec ses répétitions, cette boucle narrative apporte encore plus de profondeur au récit. Je n'oublierai pas.
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Mémoires de la prison des femmes

Un livre que j'ai ouvert avec impatience. Il décrit le quotidien de ces femmes emprisonnées en Égypte dans les années 80 par le régime de Anwar Sadat. C'est l'histoire vécue de l'auteure, féministe et intellectuelle. J'avoue cependant ne pas avoir été marquée par ce récit qui reste sobre et peu détaillé quant au pays et son régime. Je pense que l'auteure a écrit ce livre pour mettre en lumière son expérience surement traumatisante mais, malheureusement, je n'en garderai pas un souvenir mémorable.
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Ferdaous, une voix en enfer

Dans 'Ferdaous, une voix en enfer', Nawal El Saadawi autrice féministe égyptienne donne la parole à Ferdaous, emprisonnée pour meurtre. A la veille de son exécution, elle se confie dans un long monologue à la psychiatre de la prison revenant sur son éducation, son mariage forcé, les violences de son mari -et de la société qui tolère ces violences masculines-...

Si ce récit est intime et individuel, il permet surtout de revenir sur la place des femmes dans la société égyptienne.
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Ferdaous, une voix en enfer

C’est l’histoire d’une femme condamnée à mort pour avoir tué un homme, un maquereau qui la frappait. Ferdaous est une petite fille de la campagne. Quand ses parents meurent, elle est confiée à son oncle qui abuse d’elle et puis qui la marie à un vieil homme. Elle s’enfuit, se retrouve en ville et est recueillie par Bayoumi. Mais quand elle veut voler de ses propres ailes et trouver du travail, il l’enferme et la bat. Elle s’échappe à nouveau et découvre la prostitution. Elle y réussit et apprécie la possibilité de rejeter un homme et de « fixer son prix ». Avant de tomber sur un maquereau qui voulait la mettre sous sa coupe. Ce court livre n’est pas un chef-d’œuvre littéraire, mais c’est un coup de poing, d’autant plus percutant qu’il est basé sur des entretiens que Nawal El Saadawi a conduits dans une prison pour femmes, prison dans laquelle elle fut plus tard condamnée comme opposante politique.
Lien : http://www.lecturesdevoyage...
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Combien de coeurs: Mémoires d'une femme docte..

Lecture très touchante qui résonne et ne laisse pas indifférent.

A qui la faute? pourquoi dans certains pays (plus que d'autres) les femmes, jeunes fille doivent se battre pour être libres?

Ce questionnement cette jeune égyptienne se les pose :

- "Pourquoi ma mère s'était-elle acharnée à faire des distinctions entre mon frère et moi et à considérer l'homme comme un dieu que je passerais ma vie à servir en cuisinant pour lui ? " ou encore :

- "Pourquoi les mères ignoraient-elles qu'une fille était l'égale d'un garçon ? Pourquoi l'homme n'admettait-il pas que la femme était son égale et sa partenaire ? Pourquoi la société ne reconnaissait-elle pas le droit à une femme de mener une vie normale en se servant de son intellect aussi bien que de son corps ?"

Et elle va faire un choix pour être libre, ce choix passe par les études et l'autonomie.
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Combien de coeurs: Mémoires d'une femme docte..

Cette histoire n'est pas autobiographique. L'autrice nous prévient dès le début du livre. Bon. Cette histoire résonne quand même bien comme un écho qui se repète, rebondit, repart et revient. Un écho au parcours de Nawal El Saadawi, et de nombreuses femmes des sociétés patriarcales d'ici et d'ailleurs.



Car ici la narratrice découvre très tôt et très violemment les différences de regards, de traitements et d'attentes vis-à-vis des femmes ou des hommes. D'elle, on voudrait qu'elle soit respectable - "enfin" - et certains hommes qu'elle rencontrera sur sa route s'y emploieront avec ardeur. En vain.

Elle nous entraine dans le sillage de cette ôde à la liberté et à l'affirmation. Cette lutte redevient la nôtre, ce cri se fait corps et s'inscrit dans la chair. C'est d'une grande puissance !



Ce texte, inédit en français puisqu'il s'agit d'une première traduction (par Fayza El Qacem), est pourtant l'un des écrits fondateurs de la pensée féministe en Egypte et dans la sous-région, d'abord.

Nawal El Saadawi est une pionnère, une guerrière, qui a mis son expérience intime au service du pluriel et de l'universel. Elle est un modèle, affranchie, comme la narratrice de "Combien de coeurs", des carcans et des projections - ce qui lui a valu incarcération et exils.



"Combien de coeurs", ce premier roman écrit alors qu'elle était toute jeune médecin, est le témoignage fort et intacte d'un cheminement intellectuel et militant inspirant ❤

Merci @lesprouesses , aussi pour le travail éditorial toujours aux petits oignons !
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