Adeline Neetesonne

Cloîtrée dans son ancienne chambre de petite fille, Ermeline pleurait amèrement. En revenant dans le manoir où elle avait grandi, elle avait espéré repartir sur de nouvelles bases. Malheureusement, elle avait été durement déçue.
D’abord, l’accueil qui lui avait été réservé s’était avéré des plus froids.
— Ah ! Voici notre petite bâtarde ! s’était exclamé Edwald sans lui laisser le temps d’atteindre le perron.
Puis ce fut le silence. Un silence chargé de tension et de rancœur.

— Vous m’avez manqué, avoua-t-il en reportant son attention sur elle.
La loeknir sourit tout en se débarrassant de son gilet en fourrure qu’elle laissa tomber sur le sol. Sa ceinture suivit le même chemin, puis sa robe.
— Vous aussi, vous m’avez manqué, murmura-t-elle en s’approchant de son fiancé avec une grâce féline.
Désormais, seule une fine chemise diaphane la recouvrait. Avec un grognement rauque, Olrik la lui fit passer par-dessus sa tête et elle rejoignit le reste de ses vêtements dans un souffle léger.
Une douce chaleur envahit Ermeline tandis qu’Olrik passait ses bras autour de sa taille et posait ses lèvres douces sur la peau sensible de son ventre.
— Je vous aime, Olrik. Je ne veux plus que vous vous éloigniez de moi…
La jeune femme était déjà au bord de l’implosion. Une simple caresse, un simple baiser avaient suffi à déchaîner ses sens. Pourtant, elle pensait chacun des mots qu’elle venait de prononcer.
— Moi aussi je vous aime, Erma, répliqua Olrik en l’attirant encore plus près de lui. Et rien ne pourra changer ce que je ressens pour vous.
Seulement, au lieu de poursuivre leur jeu amoureux, il la fit s’asseoir sur ses genoux et fixa son regard dans celui de la jeune femme.
— Je veux que nous nous marrions au plus vite, reprit-il avec un sérieux retrouvé. J’ai déjà obtenu l’accord du conseil, au leid. Rien ne nous oblige à patienter encore. Je veux que vous deveniez la húsfreyja officielle de cette maison, que tous mes hommes vous respectent et vous protègent comme vous le méritez.
Ermeline sourit doucement. En réalité, elle y avait songé elle-aussi, même si elle n’avait pas osé aborder ce sujet délicat. Leurs relations avaient été plutôt tendues ces derniers temps en raison des secrets qu’Odin l’avait obligée à garder pour elle. Désormais, avec son nouveau pouvoir, il lui serait plus facile de dévoiler toutes ses craintes, toutes ses pensées et nouvelles découvertes à son fiancé. Le fossé qui s’était creusé entre eux après la traversée allait disparaître de lui-même. Enfin, Ermeline l’espérait…
- D’accord, répondit-elle d’une voix douce avant de se fondre contre son torse puissant.

- [...] Je crois qu'il serait préférable que je t'accompagne.
Je le fixais intensément pendant une dizaine de secondes, surprise.
- Je ne pense pas que ce soit une excellente idée, répondis-je en choisissant mes mots avec soin. J'ai déjà perdu nombre de mes amis dans mon combat contre le duc de Marlow. Je refuse de mettre ta vie en danger.
- Et moi, j'ai peur que tu perdes cette bataille, Léa. Tu es le bien le plus précieux du monde des vampires et je m'en voudrais éternellement si tu devais mourir maintenant.
- Le bien le plus précieux du monde des vampires ? repris-je, quelque peu abasourdie. Qu'entends-tu par là ?
- Rien de plus que ce que je t'ai déjà dit. Ton destin est d'anéantir l'empire du Prince Noir.

- J'ai fais un malaise en chemin. J'en fais souvent en ce moment …
-Normal avec toutes les responsabilités que tu assumes, l'interrompit Olrik. Tu est juste fatiguée. Tu devrais prendre soin de toi et …
- Non. Tu te trompes. C'est juste que je suis enceinte, coupa-t-elle avec une assurance qui l'étonna elle même.
Olrik en resta muet de stupeur pendant quelque secondes, qui parurent interminables à Ermeline.
Le cœur de la jeune femme battait à tout rompre. Elle garda néanmoins son sang-froid, les yeux rivés dans ceux, indéchiffrables, de son époux.
- En est-tu sûre ? Demanda finalement ce dernier.
- Autant que l'on puisse l’être à ce stade de la grossesse. Cela dit, en tant que loeknir, je suis la mieux placée pour poser ce genre de diagnostic.
Ermeline faisait tout son possible pour paraître sereine. Pourtant, au fond d'elle, elle ne l'était pas du tout. Elle avait la conscience de la difficulté que représentait son nouvel état, vu les circonstances actuelles. Olrik devait y songer, lui aussi. Or, il eut le bons sens de ne pas en faire la remarque.
- C'est une excellente nouvelle ! S'exclama t il avec un sourire sincère, avant de l'enlacer tendrement.
La jeune femme se laissa bercer contre la poitrine de son époux, tout en refoulant les larmes qui menaçaient de couler.

Ermeline fouilla dans sa mémoire pour y retrouver les paroles prononcées par le dieu du tonnerre.
- Il m'a ordonné de me tenir à l'écart de mon fiancé... Il m'a également conseillé d'adopter un chat... Oh ! Et il m'a fait passer un message par Inge. Il a dit que Freyja et vous vous fourvoyez... Non ! Ce ne sont pas ses mots exacts. C'était ... "Ils ont tort. Ils ne pourront vous avoir ni l'un ni l'autre." Et il a aussi précisé que la vérité éclaterait bientôt.

— Je tiens vraiment à vous protéger et à vous offrir la place que vous méritez, reprit Olrik après un silence pesant. Erma… Voulez-vous m’épouser ?

Stupéfaite, la jeune femme chercha dans le regard d’Olrik un signe qui aurait pu lui indiquer qu’il plaisantait. Or, elle ne vit rien de tel.

Il venait de la demander en mariage. Elle aurait dû en être heureuse. Cet homme était le chef des Vikings, il la respectait pour ce qu’elle était et ne supportait pas l’idée qu’on lui fasse du mal. N’importe quelle autre femme se serait sentie flattée d’un intérêt aussi grand. Pourtant, elle ne parvenait pas à lui répondre. Une boule s’était formée dans sa gorge. Une peur panique la submergeait.

Et puis j'ai croisé son regard.